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UNF Présentation – Consultation publique sur l’accord du Partenariat transpacifique (PTP)

Union Nationale des Fermiers, Présentation au comité du commerce international de la Chambre des communes
Consultation publique sur l’accord du Partenariat transpacifique (PTP)
Le mardi 27 septembre 2016
Charlottetown

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Témoignages

L’union Nationale des Fermiers (UNF) s’oppose à l’accord du Partenariat transpacifique (PTP) et recommande qu’il ne soit pas ratifié par le Canada.

Nos commentaires porteront sur les dommages du PTP sur le système de gestion de l’offre du Canada, particulièrement pour les produits laitiers; les conséquences néfastes de ses règles d’approvisionnement sur le développement de notre système local d’alimentation; son manque d’avantages pour les autres aspects de l’agriculture et la restriction inacceptable de la souveraineté des gouvernements élus démocratiquement qui résulterait du mécanisme de règlement des litiges entre investisseurs et États du PTP.

LE PTP et la gestion de l’offre
La gestion de l’offre repose sur trois piliers : la production, les mesures de contrôle des importations et le coût de production. Ces trois domaines sont interreliés, et l’affaiblissement de l’un des piliers affaiblit le système entier. Durant les cinq premières années de l’accord du PTP, les 11 autres pays du PTP obtiendraient un accès libre de droits de douane à 3,25 % des produits laitiers du marché actuel du Canada, à 2,3 % des oeufs; 2,1 % du poulet, 2 % de la dinde et 1,5 % des oeufs destinés à la production de poulet. Les années suivantes, l’accès libre de droits de douane de ces marchés augmenterait davantage.

Les gouvernements des membres du PTP des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie ont adopté une approche orientée sur l’exportation des produits laitiers, entraînant des pertes pour leurs producteurs alors que le prix du lait dans le monde chutait drastiquement. Plutôt que d’inciter leurs producteurs à répondre à la demande du marché, ces pays visent à vendre plus de lait en perçant le marché canadien. Toutefois, ceci ne résoudra pas le problème; vendre une plus grande quantité à des prix inférieurs aux coûts de production a pour conséquences d’augmenter tout simplement le volume des pertes, d’aggraver l’endettement et d’entraîner les producteurs à la faillite.

La lettre d’avenant du PTP entre le Canada et l’Australie stipule « Le Canada confirme que les produits laitiers de l’Australie, y compris les importations classées à la position 3504 du SH comme les concentrés de protéines de lait, peuvent être utilisés dans la plus grande mesure possible dans les activités de transformation de produits laitiers au Canada, ce qui comprend la fabrication de fromage ». L’importation des concentrés de protéines de lait est hautement controversée; ceux-ci sont en effet utilisés par l’industrie de transformation pour remplacer le lait produit localement.

L’accord du PTP exigerait que 80 % des importations de lait liquides soient transformées au Canada. La lettre d’avenant du Canada et des États-Unis engage les deux pays à commencer immédiatement à évaluer les équivalences des règles de sécurité alimentaire sur le lait pasteurisé pour en arriver à une évaluation à la fin de l’année 2017. Une détermination d’équivalence ouvrirait la porte au lait produit aux États-Unis et transformé au Canada, et ce, même si les règlements des États-Unis permettent de doubler le comptage de cellules somatiques, un indicateur clé de la qualité et de la santé du cheptel.

Le texte du PTP et ses deux lettres d’avenant interdiraient l’accès complet des producteurs canadiens au marché laitier intérieur et en permettraient le transfert, dans une portion significative, à des producteurs de l’extérieur du Canada. La consommation de produits laitiers au Canada augmente lentement. Les changements des habitudes et le vieillissement de la population ont causé une diminution de la consommation de produits laitiers par habitant. Les concessions du marché du PTP s’ajoutent à celles données auparavant à l’OMC et, si ratifiées, l’AECG. Chaque entente réduit progressivement la part des producteurs canadiens de notre propre marché intérieur en augmentant le nombre d’importations libres de droits de douane permis.

Les premiers touchés par cette perte de marché dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre seront les jeunes gens souhaitant devenir des producteurs de lait, d’oeufs, de poulets ou de dindes. Sans le marché pour soutenir les nouveaux arrivants, ceux-ci ne pourront s’y tailler une place. Certains producteurs pourraient être tentés d’accepter un dédommagement pour compenser les pertes liées au PTP. L’UNF rejette cette option, car il s’agit d’une injustice envers les générations futures.

Le PTP et l’approvisionnement local
Les règlements sur l’approvisionnement local du PTP signifient que les gouvernements et les agences publiques ne peuvent implanter des programmes pour promouvoir l’achat de produits fermiers locaux afin de soutenir l’agriculture locale. S’il était ratifié, le PTP, à l’instar de l’AECG, empêcherait les gouvernements de promouvoir les produits locaux sur le marché et exigerait à tous les gouvernements d’utiliser un système de soumissions pour offrir aux pays du PTP une chance égale de fournir ces biens et services. Dans le cas où des compagnies étrangères l’emporteraient, les emplois, les profits et les effets multiplicateurs de ces contrats auraient lieu à l’extérieur du Canada. Les règlements sur l’approvisionnement opposent de façon injuste les entreprises locales aux grandes entreprises.

Le PTP et le commerce agricole
La plupart des échanges de produits agricoles entre le Canada et les pays du PTP sont déjà exempts de droit de douane ou alors ceux-ci sont peu élevés. Des accords commerciaux entre le Canada et les États-Unis, le Mexique, le Chili et le Pérou sont déjà en place. En ce qui concerne les autres pays du PTP, le taux de change de notre monnaie ou le coût du transport sont des facteurs plus importants pour nos produits agricoles que les droits de douane.

Il est important de se rappeler qu’offrir des produits agricoles concurrentiels signifie vendre à un coût moindre, et parfois même à des prix inférieurs aux coûts de production. Augmenter le volume des exportations lorsque le prix obtenu est insuffisant pour couvrir les frais du producteur n’est pas profitable pour celui-ci. Nous observons par exemple de lourdes conséquences chez les producteurs de Nouvelle-Zélande, d’Australie et des États-Unis, où les secteurs des produits laitiers axés sur l’exportation, et où les prix ont chuté drastiquement et sont demeurés inférieurs aux coûts de production en raison du déséquilibre continuel entre l’offre et la demande pour les produits laitiers sur les marchés mondiaux.

À l’époque de la Commission canadienne du blé (CCB), le Japon représentait un marché important pour notre blé et celui-ci était disposé à payer des prix élevés pour l’obtenir. Ceci était possible grâce à l’habileté de la CCB à segmenter le marché pour le blé et l’orge canadiens, à sa capacité à répondre régulièrement aux exigences du client et même à les surpasser et en livrant la marchandise dans les temps requis. Notre succès avec le marché japonais était alors fondé sur la qualité et le service et non sur les prix. Les recettes de ces marchés lucratifs étaient attribuées aux producteurs canadiens, enrichissant ainsi l’économie nationale. Nous demandons au Canada de réinstaurer une commission unique pour la commercialisation des grains afin de regagner notre réputation internationale et les marchés qui l’accompagnent. Voilà une stratégie de commerce qui serait plus avantageuse que celles offertes par le PTP.

Mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS) du PTP et souveraineté démocratique Les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États permettent aux investisseurs étrangers (mais non aux entreprises locales) de poursuivre un gouvernement pour la perte de profits futurs par le biais du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Ces tribunaux interviennent hors des tribunaux de tout pays et démontrent une partialité envers les intérêts des entreprises. Ces tribunaux sont composés d’avocats spécialisés en droit commercial qui tirent profit des cas de l’ISDS en collectant des honoraires avantageux et une part des récompenses lorsqu’une entreprise gagne un procès contre un pays.

Les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États créent un « gel réglementaire » qui empêche les États d’adopter des lois et des règlements pour protéger le public par crainte d’être poursuivi par des entreprises qui pourraient perdre des profits futurs suite à une nouvelle réglementation. Le gouvernement fédéral précédent a sévèrement affaibli notre infrastructure réglementaire par une série de lois omnibus et de modifications des règlements. Si le Canada ratifie le PTP, il sera très difficile pour le gouvernement actuel et les futurs gouvernements de reconstruire l’autorité légale pour protéger l’intérêt public.

Il existe un conflit très clair entre l’ISDS et une mesure efficace pour lutter contre les changements climatiques. Le Canada, signataire de l’Accord de Paris, s’est engagé à réduire l’émission de gaz à effet de serre pour empêcher un réchauffement planétaire de plus de deux degrés. Il est probable que les mesures prises pour atteindre cet objectif demandent une réglementation qui aura pour effet d’augmenter les coûts de certaines entreprises. L’ISDS permettra alors à ces entreprises de poursuivre le gouvernement pour obtenir une compensation pour la perte de leurs profits futurs. Le gouvernement doit s’occuper des changements climatiques et ne devrait pas être pris en otage pour des intérêts privés. L’UNF soutient les gestes efficaces pour réagir aux changements climatiques, car les moyens de subsistance des producteurs y sont directement liés, et ceux-ci sont souvent affectés par le climat changeant.

Les accords d’échanges comme ceux du PTP ne concernent les échanges que de façon superficielle; ils sont ultimement conçus pour limiter l’autorité des gouvernements nationaux sur leur propre économie et pour augmenter l’étendue du pouvoir des entreprises multinationales. Ces accords contiennent des mécanismes à cliquets, comme les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, pour éviter que les États puissent revenir sur leurs concessions auprès des entreprises et reprendre leur contrôle démocratique. En ratifiant le PTP, le gouvernement canadien abandonnerait la majorité de son autorité concernant des domaines importants de la politique publique en donnant le pouvoir aux entreprises. Un tel geste serait antidémocratique et contraire aux intérêts des Canadiens, en y incluant les générations futures.

Respectueusement,
Union Nationale des Fermiers, région 1, district 1 (Île-du-Prince-Édouard)