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UNF Mémoire – Consultations prébudgétaires en vue du budget de 2017

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Témoignages

Mémoire remis par l’Union nationale des fermiers au Comité permanent des finances de la Chambre des communes – Consultations prébudgétaires en vue du budget de 2017
Fredericton (Nouveau-Brunswick)
Le 17 octobre 2016

L’Union nationale des fermiers (UNF) se félicite de pouvoir participer aux consultations prébudgétaires menées par le Comité des finances. L’UNF est une organisation agricole nationale, bénévole, à adhésion directe et non partisane qui regroupe des milliers de familles d’agriculteurs de partout au Canada; ces familles produisent diverses denrées agricoles, notamment des céréales, du bétail, des fruits et des légumes. L’UNF a été fondée en 1969, mais son histoire remonte à plus d’un siècle. La composition de cette organisation agricole générale est à l’image de la diversité du secteur agricole d’un bout à l’autre du pays, qu’il s’agisse des systèmes de production, de la taille des exploitations ou des caractéristiques démographiques des exploitants. Notre organisation défend la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire une approche globale qui place les êtres humains, les denrées alimentaires et la nature au centre du contexte stratégique, et accorde la priorité au contrôle démocratique du système alimentaire.

L’UNF s’efforce de favoriser l’élaboration de politiques économiques et sociales qui permettront de faire en sorte que les fermes familiales demeurent les principaux producteurs de denrées alimentaires au Canada. Pour l’UNF, l’agriculture devrait être viable sur les plans économique, social et environnemental, et la production alimentaire devrait fournir des aliments sains à la population, enrichir les sols, embellir les paysages ruraux, créer des emplois pour les travailleurs non agricoles, et contribuer à l’essor des collectivités rurales et à la biodiversité des écosystèmes naturels. L’UNF est un chef de file de la défense des intérêts des exploitants de fermes familiales du Canada, de l’analyse de la crise du revenu agricole et de la proposition de solutions abordables, équilibrées et innovatrices qui profitent à tous les citoyens. Ses énoncés de principe sont élaborés dans le cadre d’un processus démocratique au terme de débats et de votes sur des résolutions à des congrès régionaux et nationaux, conformément aux règles établies dans sa charte.

Les recommandations de l’UNF visent à favoriser la prospérité individuelle et collective des exploitants de fermes familiales, et à faire connaître leurs précieuses contributions à la santé économique, sociale et écologique du Canada et des Canadiens.

Points principaux

  • Reconstituer une capacité de recherche agricole et ajouter une nouvelle capacité de lutte contre les changements climatiques

  • Privilégier la recherche d’intérêt public

  • Faire revenir le port de Churchill au régime de propriété publique

  • Rétablir le financement de la Commission canadienne des grains au niveau d’avant 2012

  • Mettre en place un organisme de réception des wagons des producteurs et le placer sous l’autorité de la Commission canadienne des grains

  • Réduire la demande de paiements du programme de sécurité du revenu par la promotion d’institutions de régularisation du marché

  • Aider les jeunes fermiers à devenir la prochaine génération d’exploitants de fermes familiales

  • Améliorer la qualité de vie dans les collectivités rurales

  • Rouvrir toutes les prisons agricoles et rétablir le financement des programmes de ces établissements

  • Établir un programme national de vulgarisation afin de promouvoir l’adoption de pratiques ne portant pas atteinte au climat

Capacité de recherche
Il faut reconstituer la capacité de recherche du secteur public du Canada. Au cours de la dernière décennie, les établissements de recherche agricole canadiens ont connu de fortes réductions de financement et de nombreuses fermetures. Le gouvernement précédent a éliminé plus de cinq cents postes de recherche en agriculture entre 2012 et 2015. Des établissements de recherche et des stations de recherche sur le terrain de grande valeur ont été fermés dans chaque région, ce qui a nui à la capacité du Canada de régler les problèmes urgents ou nouveaux. Le secteur privé dispose maintenant des ressources et des prérogatives du secteur public, ce qui est irresponsable. Reconstituer la capacité scientifique et technique canadienne d’intérêt public dans le domaine de l’agriculture est une tâche aussi immense qu’urgente, qui exigera des ressources considérables.

Le budget de 2017 devrait ramener le financement de la recherche d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) au moins aux niveaux d’avant 2012, en dollars constants. L’UNF prend acte des investissements que vient de consacrer le gouvernement fédéral aux établissements de recherche et l’exhorte à en investir davantage dans les personnes qui y travaillent. Un financement supplémentaire est nécessaire si l’on veut rebâtir la capacité en personnel scientifique, technique et de soutien, du fait du renouvellement des générations, des licenciements antérieurs et du recrutement insuffisant (ou de l’absence de recrutement) des dix dernières années. La pénurie de personnel technique saisonnier et permanent nuit à l’évolution de nombreuses installations d’AAC. Un nouveau financement est nécessaire pour faire progresser la recherche nécessaire afin d’atténuer les effets des changements climatiques dans le secteur de l’agriculture et s’y adapter. Nous voudrions que le Comité sache que les agriculteurs sont des partenaires engagés en recherche. À titre d’exemple, ils ont investi ces trente dernières années environ 80 millions dollars dans la recherche agricole par leurs contributions à la Western Grain Research Foundation (WGRF).

En ce qui concerne la sélection de cultures, il est primordial qu’AAC remette en vigueur sa politique de classification pour que les variétés de blé roux vitreux de printemps de l’Ouest canadien puissent être pleinement enregistrées en tant que telles. Le matériel génétique ne doit pas être privatisé. Les fonds publics ne devraient pas servir à la création d’organismes génétiquement modifiés.

Le budget de 2016 a apporté un soutien considérable à la recherche en génomique appliquée à l’agriculture. Les données produites grâce à cet investissement doivent demeurer dans le domaine public et être soustraites aux contestations aux fins des droits de propriété intellectuelle qui feraient obstacle à leur utilisation par les chercheurs.

La WGRF a relevé de graves insuffisances dans la capacité du Canada en recherche agronomique, lesquelles doivent être éliminées par l’intermédiaire d’un investissement public. Pour lutter contre les changements climatiques, il faut financer la conception et l’amélioration de méthodes agricoles à faibles intrants, notamment la rotation des cultures et les stratégies de biodiversité pour la gestion des mauvaises herbes et des maladies, ainsi que l’analyse du cycle de vie des flux d’énergie dans les divers systèmes de production végétale. Le budget de 2017 devrait financer la recherche susceptible de nous faire mieux comprendre les processus biologiques qui augmentent la quantité de carbone dans le sol. Les dépenses en recherche doivent servir à appuyer la recherche axée sur l’ensemble de l’exploitation agricole et la recherche en milieu réel à participation fermiers-chercheurs.

Si nous voulons tenir nos engagements de l’Accord de Paris, il faudra permettre aux agriculteurs canadiens de se procurer du matériel agricole produisant peu d’émissions, par exemple des tracteurs électriques à batterie de petite taille et de taille moyenne et d’autres machines agricoles et, peut-être, de plus grands tracteurs propulsés à l’hydrogène. Le Canada possède un savoir-faire dans les technologies des véhicules électriques à batterie et des autobus alimentés à l’hydrogène. Notre secteur industriel compte des fabricants de machines agricoles et de tracteurs de calibre international. Le budget de 2017 devrait favoriser la synergie dans l’innovation en appuyant la recherche-développement axée sur les machines agricoles produisant peu d’émissions.

Il conviendrait de revoir les programmes de subventions qui imposent aux chercheurs de trouver eux-mêmes des fonds de contrepartie auprès de partenaires du secteur privé. En raison de la concentration croissante de la propriété dans l’agro-industriel, quelques mégasociétés sont de plus en plus en mesure d’orienter le programme de recherche du Canada pour le mettre au service de leurs intérêts particuliers. En finançant à cinquante pour cent les universités, ces sociétés peuvent bénéficier de ressources publiques importantes, c’est-à-dire de personnel (professeurs et étudiants diplômés), de laboratoires, de matériel et de lopins de terre de recherche. Elles privatisent souvent les résultats de ces travaux en invoquant les droits de propriété intellectuelle ou le développement des produits. Il s’ensuit que la recherche de nature non commerciale est sous-financée. Des sujets d’intérêt de nature non commerciale ne font pas l’objet de recherches, et des innovations applicables par la mise en commun des connaissances plutôt que par l’achat d’intrants ne se réalisent pas.

L’UNF recommande de corriger ce déséquilibre. Les chercheurs qui étudient des problèmes de nature non commerciale doivent avoir un accès fiable à toutes les subventions publiques. Nous recommandons également d’ajouter au budget de 2017 une surcharge pour la recherche d’intérêt public au financement alloué par les sociétés qui forment des partenariats avec les universités et AAC. Les recettes provenant de cette surcharge seraient alors affectées à la recherche d’intérêt public de nature non commerciale effectuée dans ces établissements (sur des thèmes tels que les techniques de la gestion améliorée des parcours ou la conception d’installations de stockage permettant de réduire les déchets alimentaires). Les fonds devraient également servir à promouvoir un « domaine commun de recherche » de façon à rendre accessibles les innovations servant l’intérêt général en les plaçant dans le domaine public ou sous un régime de « copyleft », afin que les restrictions aux droits de propriété intellectuelle ne fassent pas obstacle à la recherche ultérieure.

Institutions agricoles
Le port de Churchill est un atout stratégique pour le Canada. Construit dans les années 1930, il appartenait à une société d’État fédérale qui en assurait l’exploitation. Ce port jouait un rôle vital en permettant de transporter jusqu’aux marchés les céréales produites dans les Prairies, en réduisant les goulots d’étranglement dans les années de récoltes surabondantes et en offrant un avantage de fret de 10 à 25 dollars la tonne aux fermiers de l’Est de la Saskatchewan et de l’Ouest du Manitoba. En 1997, il a été vendu à Omnitrax, une société privée des États-Unis, de même que la ligne de chemin de fer reliant le port à La Pas (Manitoba). En juillet 2016, Omnitrax a fermé le port sans préavis, éliminant cette précieuse option en matière de transport. Sans trafic céréalier, l’avenir du chemin de fer est aussi remis en question. L’UNF appelle le gouvernement fédéral à reprendre possession du port de Churchill et du chemin de fer de la baie d’Hudson, et à garantir un investissement soutenu dans ces biens stratégiques. Avec l’établissement d’un plan adéquat et d’un organisme de commercialisation des céréales assurant un trafic annuel de 500 000 tonnes, le port de Churchill peut être une entité dynamique qui contribue à la prospérité de milliers de personnes et de centaines d’entreprises de la ville de Churchill, des collectivités situées le long de la ligne de chemin de fer et des agriculteurs du bassin hydrographique de Churchill.

L’UNF recommande que le budget de la Commission canadienne des grains (CGC) revienne à son niveau d’avant 2012, en dollars constants. Nous exhortons le gouvernement fédéral à rétablir l’inspection à l’arrivage et à créer un nouvel organisme de réception des wagons de producteurs, lequel serait placé sous l’autorité de la CGC. L’expédition par les wagons de producteurs renforce la réglementation sur les pouvoirs des sociétés ferroviaires et céréalières. Ces mesures doivent être prises si l’on veut éviter que le droit des fermiers de charger et d’expédier des wagons devienne un droit fictif.

L’UNF recommande que le budget fédéral reconnaisse le rôle joué par les organismes de commercialisation contrôlés par les agriculteurs dans la prospérité des agriculteurs et des zones rurales. L’élimination des organismes provinciaux à guichet unique de commercialisation du porc a entraîné une dépendance à l’égard des marchés d’exportation et une exposition à une telle instabilité des prix que le secteur est à présent très tributaire des programmes de sécurité du revenu, ce qui comporte des coûts pour les contribuables canadiens. La Commission canadienne du blé, à guichet unique, assurait auparavant, sous la direction des agriculteurs, un accès équitable aux marchés et des prix supérieurs, et elle défendait efficacement les intérêts des producteurs de blé et d’orge de l’Ouest. Son élimination a fait chuter le revenu potentiel des agriculteurs, ce qui a eu pour effet de rendre plus nécessaires les paiements de sécurité du revenu.

Là encore, l’UNF appelle le gouvernement fédéral à effectuer une vérification publique complète des finances de la Commission canadienne du blé de décembre 2011, moment où les administrateurs de la Commission élus par les agriculteurs ont été licenciés, jusqu’à la privatisation de ses actifs au cours d’une transaction qui en a apparemment transféré la propriété à G3 sans que les nouveaux propriétaires au Canada versent un montant quelconque au Canada.

L’UNF préconise que le Comité des finances garde à l’esprit tout ce qu’apporte notre système de gestion de l’offre, non seulement à chaque agriculteur qui en fait partie, mais également à leurs collectivités et à l’économie du Canada. Ce système permet aux agriculteurs d’investir dans leurs exploitations, tout en produisant, au bon moment, des produits en quantité suffisante et de bonne qualité. Il a fait ses preuves pour les agriculteurs tout autant que pour les consommateurs et pour le Trésor public. Le Comité des finances devrait exercer son influence afin de promouvoir la viabilité continue de notre système de gestion de l’offre, ne serait-ce que pour éviter le financement des subventions massives nécessaires dans les pays où l’on a assisté à une déréglementation de la production laitière.

La relève agricole
L’âge moyen des agriculteurs au Canada augmente, et le nombre d’agriculteurs de moins de 35 ans est en baisse. Nous sommes en pleine crise de transfert des exploitations d’une génération à l’autre. Il est urgent de prendre des mesures pour aider les jeunes à démarrer dans l’agriculture et continuer dans ce domaine. Des mesures destinées à favoriser des revenus durables pour tous les agriculteurs aideront les jeunes à choisir cette branche pour y faire une carrière économiquement viable. Ceux qui commencent ont besoin de mentorat et de formation, outre une aide pour accéder aux terres, et tout particulièrement de solutions pour la garantie des titres de propriété n’entraînant pas de dettes accablantes.

L’UNF recommande au gouvernement fédéral de concevoir des mécanismes de transfert de terres agricoles d’une génération à l’autre sans que les familles aient à dépendre de prêts ou de paiements d’intérêts. Le gouvernement fédéral devrait instaurer des mesures financières favorables aux options de financement, aux fiducies foncières et aux banques foncières communautaires, de façon que des agriculteurs locaux assurent la production alimentaire. Le Canada a également besoin d’un régime d’assurance du revenu pour les agriculteurs qui démarrent, afin de les aider à s’établir et de faciliter leur réussite à long terme. Avec un programme d’épargne-retraite ou un régime de retraite spécialement conçu pour eux, ceux-ci n’auraient pas à vendre des terres à prix élevés pour payer leurs dépenses à la retraite.

L’investissement dans les infrastructures sociales et physiques des collectivités rurales permettra à celles-ci d’offrir une qualité de vie plus attrayante et contribuera à la réussite des jeunes qui choisissent d’exploiter une
ferme familiale. Le budget de 2017 devrait allouer des fonds aux collectivités rurales à l’appui du développement des infrastructures sociales de façon à lutter contre l’isolement dont souffrent de plus en plus souvent les agriculteurs et d’autres résidants de petites collectivités en raison de l’urbanisation et de la concentration croissantes de la population canadienne.

Les prisons agricoles
L’UNF trouve encourageantes les mesures que le gouvernement prend pour rouvrir les prisons agricoles. Au nombre de six, ces prisons ont toutes été très utiles à leurs collectivités agricoles locales. Le travail dans ces établissements a transformé radicalement la vie de nombreux détenus. Leur avenir possible comme travailleurs agricoles n’est que l’un des nombreux avantages de ces programmes. Nous recommandons la réouverture de toutes les prisons agricoles fermées par le gouvernement antérieur et le plein financement des programmes connexes en 2017.

Les changements climatiques
Pour gagner leur vie, les agriculteurs dépendent d’un climat et de conditions météorologiques favorables. Il nous faut un climat stable pour produire nos cultures, élever notre bétail et préserver la santé de notre écosystème agricole, et pour fournir les aliments que les Canadiens consomment. Nous sommes également en mesure de contribuer de manière importante à la réduction de l’empreinte carbonique du Canada en modifiant nos pratiques agricoles. Il faut prendre des mesures d’adaptation et d’atténuation afin que l’agriculture puisse jouer son rôle de prévention de changements climatiques catastrophiques et de maintien de la production alimentaire et du mode de vie des agriculteurs, compte tenu de l’incertitude de plus en plus grande qui plane sur l’avenir du climat.

Il faut créer des programmes d’aide aux exploitations qui font face à des problèmes à long terme liés au climat. Par exemple, certaines exploitations qui subissent des inondations prolongées peuvent devoir déplacer des bâtiments et des enclos à bétail sur des terres plus élevées. L’investissement dans des mesures stratégiques de réduction des GES et d’adaptation aux changements climatiques permettra également de réduire les besoins futurs en programmes de sécurité du revenu, en favorisant une plus grande résilience des exploitations.

Le budget de 2017 devrait privilégier le financement d’une recherche et de services de vulgarisation efficaces, afin de réduire les émissions ayant pour source la production d’animaux d’élevage, de diminuer l’utilisation d’engrais azoté, de promouvoir l’adoption de méthodes de production à faibles intrants, d’appliquer des méthodes efficaces de production qui augmentent la quantité de carbone dans les sols et de favoriser les pratiques d’économie d’énergie sur l’exploitation. À l’heure actuelle, les agriculteurs obtiennent leur information, pour l’essentiel, des sociétés qui leur vendent des intrants agricoles : engrais, produits chimiques, semences et d’autres produits. Ils doivent avoir accès à une autre source d’information pratique, dans la mesure où le secteur commercial de l’agriculture n’est pas incité à fournir ce type d’information. Le budget de 2017 doit établir un programme national efficace de vulgarisation pour le secteur de l’agriculture de façon que tous les agriculteurs disposent des outils dont ils ont besoin pour contribuer à l’atteinte des objectifs canadiens en matière de réduction de gaz à effet de serre.

Respectueusement soumis par
L’Union nationale des fermiers