Les fermières canadiennes seront-elles les victimes collatérales de l’adoption précipitée du projet de loi C-4 ?
Le Canada est confronté à une crise sans précédent dans le cadre de la lutte contre la pandémie mondiale de COVID 19. Le 12 mars, le Premier ministre Trudeau et au moins deux autres députés ont dû s’isoler après avoir été exposés au virus. Le lendemain, le Parlement a décidé de ne pas poursuivre ses activités comme à l’accoutumée et a décidé de suspendre ses travaux jusqu’au 20 avril. Dans le même temps, la Chambre des communes et le Sénat ont considéré que le projet de loi C-4 – la législation visant à mettre en œuvre l’accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM) – avait été adopté en troisième lecture avant même que le débat au Sénat n’ait commencé.
Le projet de loi C-4 comprend une série d’amendements de type omnibus à la Loi sur les grains du Canada (LGC ) qui concernent la Commission canadienne des grains (CCG). Ces amendements n’ont pas été négociés dans le cadre de l’ACEUM et n’ont rien à voir avec la mise en œuvre de l’accord commercial. Parce que toute l’attention était concentrée sur l’accord de l’ACEUM lui-même, ces amendements intégrés dans le projet de loi C-4 ont échappé à un examen approprié par la Chambre des communes.
Les négociateurs canadiens de l’ACEUM ont accepté de traiter le blé cultivé aux États-Unis de la même manière que le blé canadien et de ne pas indiquer son pays d’origine sur les documents d’inspection. Toutefois, le projet de loi C-4 oblige le Canada à traiter toutes les céréales cultivées aux États-Unis – et pas seulement le blé – comme s’il s’agissait de céréales cultivées au Canada. Il permet également l’adoption de règlements qui autoriseraient les inspecteurs à attribuer des grades canadiens à des céréales cultivées en dehors du Canada ou des États-Unis, et il affaiblit l’autorité de la CCG dans les domaines qui touchent au transport des céréales et au contrôle de la qualité, tout en renforçant le pouvoir des sociétés de silos sur les fermières.
La Nationale des Fermiers a fait part de ses préoccupations à un certain nombre de sénateurs et, le 11 mars, lors de l’examen préalable du projet de loi C-4 par la commission sénatoriale du commerce international, le sénateur Massicotte a demandé au négociateur en chef et au directeur général d’Agriculture et Agroalimentaire Canada si l’interprétation du projet de loi par l’UNF était correcte. La réponse a été que nous avions raison dans notre analyse des changements inutiles, y compris le passage du blé américain, convenu dans l’ACEUM, aux céréales américaines.
En autorisant tous les types de céréales cultivées aux États-Unis (orge, maïs, soja, avoine, etc.) dans notre système de manutention et d’exportation des céréales, nous pouvons également nous attendre à des répercussions sur notre système de transport des céréales. On peut imaginer que les expéditeurs américains profiteront du système ferroviaire canadien au lieu d’utiliser le transport américain plus coûteux, ce qui aggravera les problèmes de capacité et les goulets d’étranglement. Les chemins de fer proposeraient sans doute de « résoudre » le problème en mettant fin au plafonnement des recettes (MRE) et en leur permettant d’augmenter les taux de fret en fonction de ce que le marché pourrait supporter.
Lorsque le projet de loi C-4 a reçu la sanction royale le 12 mars, il a mis fin à la possibilité d’amender le projet de loi C-4 pour supprimer les clauses inutiles affectant la CGA. Tout cela s’est fait après que le gouvernement ait annoncé des consultations sur le CGA, qui devaient débuter en mars (et qui ont été reportées). Il est difficile de voir dans les amendements inutiles du projet de loi C-4 autre chose qu’une fuite en avant destinée à éviter le débat public.
Aujourd’hui, les fermières doivent travailler ensemble. Il est impératif de supprimer ces parties néfastes du projet de loi avant l’entrée en vigueur de l’ACEUM le 11 juin. Le maintien des modifications apportées par le projet de loi C-4 à la loi sur les grains du Canada constituerait un affront aux décennies de travail accompli par les fermiers et nos institutions et agences publiques pour établir des marchés de premier ordre et fidéliser la clientèle sur la base de la qualité des grains canadiens.