Nationale | Opinion

Nous devons respecter la souveraineté alimentaire du Mexique

Le 29 septembre était la journée nationale du Mexique, célébrant la place centrale qu'occupe le maïs dans la société et l'histoire mexicaines. Cette année, une nouvelle menace pèse sur son avenir. Le maïs tel que nous le connaissons aujourd'hui a été développé à partir d'une plante ancienne appelée teocinte par des peuples indigènes pendant des milliers d'années, faisant du Mexique le centre d'origine biologique et culturel de cette culture. Le maïs est un aliment de base de la cuisine mexicaine et sa culture permet aux fermiers mexicains de gagner leur vie. On ne saurait trop insister sur l'importance du maïs pour le Mexique, où il est d'ailleurs considéré comme sacré par de nombreuses personnes. Le Mexique a annoncé qu'il interdisait l'importation de maïs blanc génétiquement modifié (GM) destiné à la consommation humaine, qui pourrait autrement remplacer le maïs traditionnel dans les campagnes et dans le régime alimentaire des populations. Toutefois, dans le cadre de l'Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, le Mexique et les États-Unis d’Amérique (ALÉNA), les États-Unis ont lancé une procédure formelle de contestation visant à annuler cette interdiction. Le Canada s'est officiellement associé à ce différend en tant que tierce partie soutenant les États-Unis, bien qu'il ne vende pas de maïs au Mexique.

Au Syndicat national des cultivateurs du Canada, nous appuyons la décision du Mexique, car nous croyons qu'il a le droit de déterminer sa propre souveraineté alimentaire. En reconnaissance de la Journée nationale du maïs, nous a enregistré une déclaration vidéo (début à 41h30) de solidarité qui a été diffusée au Mexique vendredi. En tant que président de notre organisation, j'ai eu l'honneur de parler aux côtés de Celeste Smith, membre de la NFU et gardienne des semences Mohawk, pour partager le message suivant :

Nous sommes très heureux d'intervenir pour soutenir la décision du gouvernement mexicain de préserver sa souveraineté alimentaire.

Notre organisation est la plus grande organisation agricole volontaire à adhésion directe du Canada. Nous représentons les fermes familiales et les travailleurs agricoles de tout le pays dans tous les secteurs de l'agriculture. Nous visons à bâtir un système alimentaire où des fermes familiales et des coopératives financièrement viables produisent des aliments de haute qualité, sains et sûrs en utilisant des pratiques qui protègent nos sols, l'eau, la biodiversité et d'autres ressources naturelles. Nous promouvons la justice sociale et économique pour les producteurs d'aliments et toutes les personnes vivant au Canada et dans le monde.

L’UNF a toujours été préoccupée par les déséquilibres de pouvoir entre les grandes entreprises agroalimentaires et nos fermiers et leurs communautés. Nous voulons ériger un système alimentaire dans lequel les gens ont démocratiquement leur mot à dire sur ce que nous produisons, sur comment nous le produisons et sur ce que nous mangeons. 

C'est pour ces raisons et sur la base de ces principes que nous avons écrit à la ministre canadienne du Commerce international le 8 juin et à nouveau le 22 août 2023, pour l’exhorter de ne pas impliquer le Canada dans le conflit commercial qui oppose les États-Unis au Mexique au sujet des restrictions imposées par votre pays à l'importation de maïs blanc génétiquement modifié pour la pâte et les tortillas.

Nous avons demandé à notre ministre de respecter la décision du Mexique. Nous avons exprimé notre soutien aux raisons pour lesquelles le Mexique a mis en place ces mesures, à savoir le maintien de sa souveraineté alimentaire, y compris les systèmes agricoles indigènes traditionnels connus sous le nom de milpa ; la protection de la biodiversité mondiale en tant que centre d'origine du maïs ; et, la préservation du patrimoine bioculturel du Mexique, à savoir les pratiques agroécologiques de la milpa et le rôle du maïs dans son patrimoine culinaire.

Nous avons rappelé à notre ministre que le Canada est fier d'avoir signé la Convention des Nations unies sur la biodiversité en 1992 et que les engagements que nous avons pris à l'époque sont toujours en vigueur. Nous avons accepté de réglementer, de gérer ou de contrôler les risques associés aux OGM qui pourraient nuire à la conservation et à l'utilisation durable de la diversité biologique ou présenter des risques pour la santé humaine. Nous avons également convenu de respecter, de préserver et de maintenir les connaissances, les innovations et les pratiques des communautés autochtones qui supportent la biodiversité. 

Nous avons également souligné le fait que le Canada a récemment adopté une loi mettant en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et nous avons déclaré qu'il serait incompatible avec la DNUDPA (UNDRIP) que le Canada conteste le droit du Mexique à protéger le patrimoine alimentaire et agricole des peuples autochtones.

Nous nous opposons à l'utilisation des mécanismes de règlement des différends des accords commerciaux pour supprimer les droits démocratiques et faire passer les intérêts des corporations multinationales avant ceux des communautés humaines. Le commerce équitable est possible, mais il doit être fondé sur des systèmes agricoles et alimentaires interdépendants, écologiquement sains et résilients, gouvernés démocratiquement par les citoyens qui vivent et travaillent dans chaque pays.

En conclusion, l’Union nationale des fermiers du Canada est solidaire de la détermination du Mexique à protéger la richesse et la beauté de son patrimoine culturel, sa biodiversité vitale et le droit de son peuple à la souveraineté alimentaire. 

Jenn Pfenning, présidente de l'UNF, president@nfu.ca

Celeste Smith, coprésidente du CIP (Comité des programmes internationaux) et agricultrice autochtone traditionnelle,