Lettre – L’UNF demande au Canada de ne pas s’immiscer dans le conflit américano-mexicain sur le maïs
La Nationale des Fermiers a envoyé la lettre suivante(cliquez ici pour la version espagnole/versión en español) au ministre du commerce international, de la promotion des exportations, des petites entreprises et du développement économique, Hon. Mary Ng le 8 juin 2023, l’invitant à ne pas impliquer le Canada dans un éventuel conflit commercial entre les États-Unis et le Mexique :
Monsieur le Ministre Ng,
Nous comprenons qu’en tant que ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, des Petites entreprises et du Développement économique, vous vous demandez si le Canada doit participer avec les États-Unis aux consultations sur le règlement des différends avec le Mexique dans le cadre de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (USMCA) concernant les mesures prises par le Mexique à l’égard des importations de maïs génétiquement modifié (GM) destiné à la consommation humaine.
La Nationale des Fermiers (UNF) vous demande instamment de ne pas mêler le Canada à ce différend et de respecter la décision du Mexique d’interdire les importations de maïs génétiquement modifié destiné à la consommation humaine. Le Mexique a mis en place ces mesures afin de préserver sa souveraineté alimentaire, y compris les systèmes agricoles traditionnels autochtones connus sous le nom de milpa.
Le 13 février 2023, le gouvernement mexicain a annoncé de nouvelles mesures remplaçant sa proclamation de décembre 2020 concernant le glyphosate et le maïs génétiquement modifié :
Le Mexique est le centre d’origine de plus de 55 races de maïs. La politique de sécurité alimentaire du gouvernement mexicain consiste à préserver ce patrimoine bioculturel. Elle promeut également la préservation des pratiques agroécologiques de nos communautés paysannes, de la milpa et de la richesse de son patrimoine culinaire.
Cette nouvelle version clarifie ses objectifs et apporte une certitude réglementaire fondée sur des preuves techniques et scientifiques.
Les clarifications les plus importantes sont les suivantes :
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- Le décret est strictement limité au maïs. Le canola, le soja, le coton et le reste des matières premières ne sont pas soumis à ce règlement.
- Pour éviter toute confusion, le maïs est classé en fonction de son utilisation : alimentation humaine (pâte et tortillas), fourrage et maïs industrialisé pour l’alimentation humaine.
- Le décret interdit l’utilisation de maïs génétiquement modifié pour la fabrication de pâtes et de tortillas. Cela n’affecte pas le commerce ou les importations, entre autres parce que le Mexique est plus qu’autosuffisant dans la production de maïs blanc sans OGM. Il s’agit de consolider cette souveraineté et la sécurité alimentaire en les plaçant au cœur de la culture des Mexicains.
- En ce qui concerne l’utilisation de maïs génétiquement modifié pour les fourrages et l’industrie, la date limite pour en interdire l’utilisation est supprimée, sous réserve de l’existence d’une offre suffisante. Des groupes de travail seront mis en place avec le secteur privé national et international pour assurer une transition ordonnée.
- Il a été explicitement établi que Cofepris [Federal Commission for the Protection against Sanitary Risks] mènera des recherches scientifiques sur les impacts possibles du maïs génétiquement modifié sur la santé des personnes. Ces études seront menées avec des agences sanitaires d’autres pays.
Le Canada a signé la Convention des Nations unies sur la biodiversité en 1992 et est fier d’être le premier pays industrialisé à l’avoir fait. Parmi les engagements que nous avons pris à l’époque, citons
- Mettre en place ou maintenir des moyens pour réglementer, gérer ou contrôler les risques associés à l’utilisation et à la dissémination d’organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie qui sont susceptibles d’avoir des effets néfastes sur l’environnement pouvant affecter la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, en tenant compte également des risques pour la santé humaine ;
- Respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique et promouvoir leur application plus large avec l’approbation et la participation des détenteurs de ces connaissances, innovations et pratiques et encourager le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques.
Ces engagements sont des valeurs qui sous-tendent également les mesures d’importation de maïs génétiquement modifié du Mexique. En tant que centre d’origine du maïs, il est essentiel que le Mexique fasse tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la perte ou la dégradation de ce patrimoine génétique et culturel. Le maïs tel que nous le connaissons a été développé par les fermières indigènes. La milpa est une pratique agricole ancestrale qui consiste à cultiver du maïs, souvent accompagné d’autres cultures telles que des courges et des haricots, développée et maintenue par les peuples indigènes du Mexique. Milpa intègre la biodiversité et des traditions sociales et culturelles d’une grande importance.
Le 21 juin 2021, la loi canadienne mettant en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones estentrée en vigueur. Il serait incompatible avec la DNUDPA que le Canada s’engage dans un différend commercial pour contrer le droit du Mexique à protéger le patrimoine alimentaire et agricole des peuples autochtones.
Le Canada doit également reconnaître la portée réelle de la déclaration du Mexique. Nous avons examiné les statistiques commerciales du Canada et constaté qu’il n’y a pas eu d’exportations de maïs (génétiquement modifié ou non) vers le Mexique depuis de nombreuses années. Les mesures prises par le Mexique sont strictement axées sur le maïs, de sorte que les autres produits que le Canada peut exporter vers le Mexique ne sont pas concernés.
À la lumière de ces faits, nous vous demandons instamment de prendre la bonne décision, c’est-à-dire de ne pas vous joindre au conflit commercial américain contre le Mexique et de respecter le droit du Mexique d’interdire les importations de maïs génétiquement modifié destiné à la consommation humaine.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués,
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Jenn Pfenning, Présidente, Nationale des Fermiers Union
CC Hon. Marie-Claude Bibeau, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Daniel Blaikie, porte-parole du NPD en matière de commerce, Alistair MacGregor, porte-parole du NPD en matière d’agriculture, Mike Morrice, Parti vert