Le phare du Canada pour les fermiers laitiers du monde entier ne doit pas s’éteindre !
Avec la rhétorique « America First » du président Trump, il semblait que les renégociations de l’ALENA se termineraient dans une impasse, mais les cadeaux canadiens pour apaiser Trump maintiennent l’ALENA en vie. Les fermières et les consommateurs ne doivent pas faire preuve de complaisance à l’égard des engagements politiques du gouvernement fédéral pour défendre la gestion de l’offre contre les exigences de Trump.
La gestion de l’offre, une innovation canadienne créée dans les années 1960, régule l’offre de produits laitiers, de poulets, d’œufs et de dindes. Dans chaque région, des fermiers engagés produisent les quantités requises en échange d’un prix à la production qui reflète les coûts de production. La gestion de l’offre crée de la stabilité dans la communauté agricole, élimine le besoin de renflouer les exploitations agricoles par le gouvernement, permet aux transformateurs de maximiser l’utilisation de la capacité des usines, réduit les distances parcourues par les aliments et évite le gaspillage. Les consommateurs se voient proposer une large gamme de produits de haute qualité à des prix comparables à ceux des pays ne pratiquant pas la gestion de l’offre.
Pour comprendre la gestion de l’offre, il est essentiel de reconnaître la différence entre les réactions à la baisse des prix des fabricants de biens industriels et celles des fermières. Le fabricant industriel réduit les coûts variables en licenciant des travailleurs, en ralentissant ou en réduisant la production et en stockant les marchandises jusqu’à ce que le marché s’améliore. À l’inverse, un fermiere dépend essentiellement de la main d’œuvre familiale, absorbe les coûts de la main d’œuvre et tente de payer les autres factures grâce à une augmentation de la production, malgré des marges plus faibles. Les fermiers qui travaillent avec des animaux, des sols et des plantes, généralement selon des cycles annuels, ont une capacité très limitée à arrêter ou à réduire leur production. S’il peut être logique que des individus augmentent leur production pour maintenir le revenu du ménage, lorsque tout le monde le fait, le marché est saturé et les prix chutent. Le cercle vicieux de la surproduction et de la baisse des prix se transforme rapidement en crise.
La surproduction systémique a provoqué des crises partout où les fermiers laitiers produisent pour le marché international. Même les transformateurs qui ont investi dans une plus grande capacité de transformation du lait à bas prix constatent que le marché ne peut pas absorber leurs produits, aussi bon marché soient-ils. Lors d’une récente conférence sur les produits laitiers en Nouvelle-Zélande, Lino Saputo, PDG du géant international des produits laitiers Saputo, basé à Montréal, a exhorté le monde à réduire la production de lait afin d’enrayer la volatilité des prix. Dans les pays exportateurs de produits laitiers qui ne pratiquent pas la gestion de l’offre, les gouvernements versent des aides massives et permanentes pour éviter le désastre.
Le système canadien de gestion de l’offre est un exemple de réussite, de plus en plus reconnu et envié dans le monde entier comme une solution élégante à la surproduction, à la volatilité des prix et à la vitalité économique des zones rurales. Le Parlement européen examine actuellement une résolution visant à réintroduire la gestion de l’offre après l’avoir abandonnée en 2012, les États membres ne voyant de plus en plus aucune autre solution. Pourtant, nos dirigeants politiques ont l’habitude de l’échanger par bribes.
Lorsque l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été créée dans les années 1990, le Canada a été contraint de remplacer 5 % de son marché intérieur par des importations. Depuis lors, les transformateurs américains ont utilisé les lacunes tarifaires pour exporter de nouveaux produits douteux au Canada : des mélanges d’huile de beurre pour la crème glacée, des concoctions de caséine comme ingrédients de pizza et du lait diafiltré pour remplacer le lait canadien dans la production de fromage. Le Canada n’a pas appliqué les mesures de contrôle aux frontières et est resté les bras croisés pendant que ces importations faisaient des ravages. Les fermières ont été contraintes de gérer la situation en absorbant les réductions de quotas et en accordant des remises aux transformateurs canadiens. En conséquence, le prix à la production est aujourd’hui bien inférieur à la formule de coût de production à laquelle le Canada s’est engagé lors de la mise en place du système.
En signant l’AECG, l’Accord économique commercial global avec l’Europe, le Canada a accepté d’importer 17 000 tonnes supplémentaires de fromage européen, retirant ainsi la production de 400 fermes canadiennes de notre économie. Bien que significative, cette mesure n’aidera en rien les fermières laitières européennes submergées par la surproduction.
Avec le Partenariat transpacifique, le gouvernement canadien a accepté d’augmenter progressivement les importations pour tous les produits soumis à la gestion de l’offre et d’éliminer immédiatement les droits de douane pour les importations de protéines laitières déplaçant encore plus de volailles, d’œufs et de produits laitiers canadiens – un autre coup dur pour les fermières canadiennes.
L’empressement du gouvernement canadien à promouvoir la mondialisation en cédant des pans essentiels de notre économie n’échappe pas aux négociateurs américains de l’ALENA. Bien que de nombreux fermiers américains et d’autres experts reconnaissent que les problèmes de l’industrie laitière américaine sont dus à la surproduction et que l’accès au marché canadien ne résoudra pas leurs problèmes, il y en a toujours quelques-uns qui sont prêts à faire pression au nom des transformateurs et des négociants dans l’espoir de récompenses futures.
Le lait canadien est produit sans hormones génétiquement modifiées et selon des normes de qualité plus élevées que le lait américain. La production excédentaire américaine remplirait le marché canadien du jour au lendemain, tandis que nos détaillants pourraient continuer à pratiquer les prix actuels. Les fermières, les économies rurales et le public canadien ont beaucoup à perdre si notre secteur laitier est sacrifié pour apaiser Trump.
Le Canada devrait défendre fièrement et définitivement son système de gestion de l’offre pour la grande innovation politique qu’il est. Nous ne devons pas permettre aux négociateurs de l’ALENA de céder nos exploitations laitières, de volaille et d’œufs avec un clin d’œil et un coup de pouce en sapant les fondations de la gestion de l’offre au point qu’elle ne puisse plus tenir debout.
– 30 –