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Qui est en charge de la politique agricole ?

Alors que la récolte occupera la première place dans l’esprit des fermières et des fermiers pendant les longues heures de travail qui les attendent, d’autres questions doivent être prises en considération. Deux des plus importantes sont l’attaque d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) contre le droit des fermiers à utiliser librement leurs propres semences, et la réécriture apparemment non supervisée par AAC de la Loi sur les grains du Canada – y compris le mandat de la Commission canadienne des grains (CCG) de réglementer dans l’intérêt des producteurs.

De nombreux fermiers ont une idée de ce qui est présenté, et de ce qui est en jeu, avec la tentative d’AAC d’écraser les fermiers sur la question des semences. Après des années de lobbying intensif de la part des groupes de l’industrie des semences, et presque sans aucune contribution des fermières, AAC a présenté deux « solutions » conçues par l’industrie pour résoudre le problème qu’elle avait inventé.

Dans les deux cas, « End Point Royalties » et « Trailing Contracts », des réglementations gouvernementales seraient adoptées afin de confier le contrôle du système de semences du Canada à des entreprises et de forcer les fermières à payer des dizaines de millions de dollars par an aux entreprises de semences. Leurs projets pourraient détruire le système public de sélection végétale du Canada et nous faire perdre notre réputation de producteur de céréales de qualité supérieure.

Il semble maintenant qu’AAC se soit lancé dans une mission similaire pour réviser la loi sur les grains du Canada, y compris le mandat de la CCG. La loi sur les céréales a été adoptée et la CCG a été créée au début des années 1900 pour protéger les fermières des pratiques prédatrices des compagnies céréalières et des chemins de fer. La loi et la Commission sont les seules institutions restantes qui placent les intérêts des fermières au premier plan, et elles sont aussi nécessaires aujourd’hui que lorsqu’elles ont été créées.

Avec la participation active du commissaire en chef de la CCG, AAC s’est installé dans les bureaux de la CCG à Winnipeg, a écarté les deux commissaires fermiers nommés et a tenu de multiples réunions avec des représentants de l’industrie céréalière. Ils seraient en train de préparer un plan qui privera les fermières des protections mises en place il y a plus de cent ans et les remplacera par une liste de souhaits de l’industrie qui ouvrira la voie à des entreprises telles que Cargill, Viterra et Bunge pour décider des règles du commerce des céréales.

Des réunions avec certains députés du gouvernement ont révélé une grave préoccupation concernant ce processus. Des questions ont été posées directement au bureau du ministre fédéral de l’agriculture, M. Bibeau. Cependant, les réponses concernant le processus et les acteurs impliqués ont été inexistantes.

Cela nous amène à conclure qu’à tout le moins, le personnel d’AAC et le commissaire en chef de la CCG se sont engagés dans une révision de la Loi sur les grains du Canada et du mandat de la Commission canadienne des grains, guidés uniquement par les souhaits des sociétés céréalières. Dans ces conditions, il est impossible de croire que les intérêts des fermières seront défendus.

Si c’est le cas, les fermières se retrouveront dans une situation similaire à celle de la débâcle des redevances sur les semences dans le cadre de la « création de valeur ». Les fermières seront à nouveau confrontées à une situation de blocage lorsque les employés d’AAC présenteront un produit fini et s’attendront à ce que les fermières l’approuvent.

Tout cela pose la question de savoir qui détermine la politique agricole dans notre pays. S’agit-il des représentants du gouvernement que nous élisons et qui sont responsables devant les citoyens canadiens ? Ou est-ce que ce sont les employés d’AAC, qui n’ont pas de comptes à rendre, qui sont autorisés à mettre en œuvre des programmes d’entreprise au détriment des fermières ?

Le refus du ministre de l’agriculture d’enquêter sur les graves questions soulevées par ces problèmes est inacceptable. Il est encore temps pour ce ministre de faire un pas en avant et de répondre aux préoccupations des fermiers directement concernés. Toute révision de la CCG et de la loi sur les grains du Canada doit être immédiatement interrompue et un nouveau départ ne doit être pris que lorsque de véritables représentants des fermières seront présents à la table des négociations.

Cam Goff
Vice-président de la politique
Union Nationale des Fermiers