Policy

Soumission de l’UNF sur le projet de loi C-216 sur la gestion de l’offre

La Nationale des Fermiers soutient

Le projet de loi C-216 Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (gestion de l’offre)

Le Syndicat national des cultivateurs soutient le projet de loi C-216, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (gestion de l’offre), qui garantirait que, dans toutes les négociations futures d’accords commerciaux, le gouvernement du Canada ne s’engage pas à accorder un accès étranger supplémentaire aux marchés canadiens soumis à la gestion de l’offre et ne réduira pas ou n’éliminera pas les droits de douane sur les produits soumis à la gestion de l’offre qui sont importés au-delà des niveaux de contingents tarifaires existants.

La gestion de l’offre est une institution canadienne unique qui assure la stabilité de cinq secteurs de denrées périssables – produits laitiers, poulets de chair, poules pondeuses, dindes et œufs d’incubation – en contrôlant les quantités produites, en évitant les pénuries et en empêchant les importations d’inonder notre marché. Les consommateurs canadiens disposent ainsi d’un approvisionnement fiable en lait, poulet, œufs et dinde sains. La prévisibilité permet aux entreprises de transformation de fonctionner à pleine capacité tout au long de l’année, ce qui favorise la création d’emplois et évite les coûts liés à l’immobilisation d’installations, fréquents dans d’autres juridictions. Le Canada ne connaît pas d’importantes fluctuations de l’offre et des prix, et notre système ne nécessite pas de subventions publiques massives auxquelles d’autres pays ont recours pour soutenir les revenus des fermières dans ces secteurs.

Notre système de gestion de l’offre incarne la démocratie, les bons emplois et les moyens de subsistance équitables. Chaque province dispose de ses propres offices de commercialisation, dirigés par des fermiers élus par leurs pairs. Les paramètres de l’autorité de ces conseils sont définis par la législation fédérale globale ainsi que par les lois et règlements correspondants de chaque province. La gestion de l’offre offre aux fermières des moyens de subsistance décents et prévisibles, leur permettant d’investir dans des technologies respectueuses de l’environnement, d’utiliser des pratiques de gestion durables et d’employer des travailleurs locaux à des salaires décents. Chaque province dispose de ses propres installations de transformation pour les produits soumis à la gestion de l’offre, ce qui réduit la quantité de transport (et les gaz à effet de serre qui y sont associés) nécessaire pour fournir ces aliments aux consommateurs dans tout le pays. Lorsque la pandémie de COVID-19 a frappé, nos secteurs soumis à la gestion de l’offre ont fait preuve de résilience en réagissant à la crise mieux que leurs homologues d’autres pays et secteurs, ce qui a permis de réduire le gaspillage alimentaire et de partager équitablement le fardeau.

Les trois piliers de la gestion de l’offre
Le système de gestion de l’offre repose sur trois piliers qui doivent tous fonctionner ensemble :

  • Discipline de production – garantit que les fermières ne produisent ni plus ni moins que ce dont le marché a besoin ;
  • La tarification au coût de production – garantit que les fermières reçoivent un revenu équitable ; et
  • Contrôle des importations – assurer un approvisionnement prévisible et adéquat.

Le projet de loi C-216 est dans l’intérêt national parce qu’il soutient la fonction positive continue de la gestion de l’offre dans l’économie canadienne en empêchant l’érosion ou l’effondrement du troisième pilier – les contrôles à l’importation.

La discipline de production est assurée par l’utilisation de quotas, qui autorisent et obligent le fermier à produire un volume spécifique de produit. L’offre totale nécessaire pour chaque produit est déterminée chaque année sur la base des tendances de consommation de l’année précédente, et une part du quota total est allouée à chaque office provincial de commercialisation pour être distribuée aux fermières individuelles. Chaque commission de commercialisation décide également des exemptions de quotas et des quantités minimales de quotas pour sa propre province.

La fixation du prix en fonction du coût de production se fait en appliquant une formule pour fixer le prix minimum que les transformateurs doivent payer aux fermières pour couvrir les coûts de fonctionnement d’une exploitation efficace. Le mécanisme de fixation des prix en fonction du coût de production ne s’applique qu’aux prix pratiqués à la ferme, et non aux prix pratiqués dans les magasins d’alimentation.

Le contrôle des importations se fait au moyen de « contingents tarifaires » (CT) qui autorisent un nombre limité d’importations au Canada à des taux tarifaires faibles ou nuls, mais au-delà du seuil des CT, des droits de douane très élevés sont appliqués, ce qui rend toute nouvelle importation non rentable. Les règles de l’Organisation mondiale du commerce permettent aux pays de restreindre ou d’interdire les importations d’un produit s’ils le font pour appliquer des restrictions gouvernementales à la production nationale du même produit ou d’un produit similaire.

Nécessité du projet de loi C-216
Le projet de loi C-216 est nécessaire à la lumière des résultats de l’Accord économique commercial global avec l’Europe (AECG), du Partenariat transpacifique (PTP) et de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). Chacune d’entre elles a retiré de notre système une part importante du marché canadien soumis à la gestion de l’offre.

Les négociateurs de l’AECG ont accordé un accès supplémentaire à 17 500 tonnes de fromage européen sur le marché canadien, déplaçant 185 000 tonnes de production laitière du Canada vers l’Europe. La production pour ce marché perdu aurait pu soutenir 400 familles d’éleveurs laitiers nouvellement arrivées au Canada. Les négociateurs du TPP ont cédé aux 11 pays concernés l’accès à plus de 3,25 % de notre marché intérieur dans les secteurs des produits laitiers, de la volaille et des œufs soumis à la gestion de l’offre. Après le départ des États-Unis du TPP, le Canada a conclu pratiquement le même accord avec les 10 pays restants. Dans le cadre de l’ACEUM, les négociateurs canadiens ont accordé aux États-Unis une part supplémentaire qui représente plus de 3,25 % de notre marché.

Le Canada est désormais engagé dans des négociations d’accords commerciaux avec le Royaume-Uni à la suite du Brexit qui l’a fait sortir de l’AECG, avec les pays du Mercosur — Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay et Venezuela — ainsi qu’avec de nombreux petits pays et blocs commerciaux. Le Royaume-Uni et l’Argentine sont des pays exportateurs de produits laitiers. Le Brésil est le premier exportateur mondial de poulets de chair. Le Royaume-Uni est l’un des dix plus grands exportateurs de dinde. Il est probable que ces pays chercheront à accéder à nos marchés gérés par l’offre.

Les négociations d’accords commerciaux se déroulent à huis clos, le texte n’étant rendu public qu’une fois les accords finalisés. Il est donc essentiel que les règles de base visant à maintenir notre système de gestion de l’offre soient fixées dès maintenant par nos représentants élus qui votent ouvertement au Parlement.

Les dégâts à ce jour
Bien que notre système de gestion de l’offre survive, il a été endommagé par AECG, le TPP et ACEUM. Avec le TPP et l’ACEUM, les fermières canadiennes perdent des parts de marché par étapes, de sorte que l’impact n’a pas encore été pleinement perçu.

Au cours des cinq premières années de l’accord TPP, les autres pays ont obtenu un accès en franchise de droits à 3,25 % du marché laitier actuel du Canada, à 2,3 % du marché des œufs, à 2,1 % du marché du poulet, à 2 % du marché de la dinde et à 1,5 % du marché des œufs d’incubation de poulets de chair. Les années suivantes, l’accès en franchise de droits à ces marchés augmente.

Dans le cadre de l’ACEUM, la part de marché des États-Unis augmente pour chaque contingent tarifaire chaque année pendant les 19 années de la durée de l’accord, à l’exception du lactosérum, qui deviendra entièrement exempt de droits de douane au cours de la dixième année de l’ACEUM. Bien que ce processus d’introduction progressive puisse sembler une approche plus douce en permettant aux fermières de s’adapter, il a pour effet de brouiller l’impact politique de ces changements structurels importants. En outre, l’accord de l’ACEUM prévoit un « examen conjoint » de l’accord au cours de la sixième année, ce qui ouvre la porte à d’éventuelles modifications des termes de l’accord au cours de chaque année suivante. Il n’est donc pas garanti que le calendrier actuel d’augmentation des contingents tarifaires pour les secteurs soumis à la gestion de l’offre se poursuive, et la perte de marché pourrait s’accélérer.

Les concessions de marché sont exprimées en termes de contingents tarifaires distincts pour les produits transformés tels que le beurre, le lait écrémé en poudre, la crème glacée, etc. La fermiere, elle, vend un produit entier aux transformateurs – poulets de chair, oeufs, dindes ou lait. En ce qui concerne les produits laitiers, la capacité des transformateurs à séparer le lait en composants de prix différents signifie qu’à mesure que certains produits importés gagnent des parts de marché au Canada, la formule de fixation des prix en fonction du coût de production subira des pressions à la baisse, ce qui aura un impact direct et négatif sur la situation financière des familles d’agriculteurs d’un océan à l’autre. Les composants laitiers à haute teneur en protéines, tels que les produits à base de lactosérum, seront dévalués en raison de l’engorgement du marché par les importations américaines, ce qui créera un déséquilibre entre la demande intérieure de types de produits laitiers et la composition du lait tel qu’il est produit naturellement par la vache. Il y a des limites à ce que l’alimentation ou la génétique peuvent faire pour adapter la production de la vache laitière aux catégories de CT de l’accord commercial, d’où le gaspillage et/ou les réductions de prix.

Les jeunes qui aspirent à devenir fermiers dans les secteurs du lait, des œufs, du poulet ou de la dinde subissent de plein fouet la perte de parts de marché de nos secteurs soumis à la gestion de l’offre provoquée par les accords commerciaux. Ils ne sont pas indemnisés, mais leur avenir est compromis. Si le marché ne soutient pas les nouveaux arrivants, ils se voient refuser cette opportunité et le Canada risque de perdre sa prochaine génération de fermières dans ces secteurs.

Fallacies
Lorsque les négociations commerciales font la une des nouvelles, les médias présentent souvent les producteurs agricoles des différents secteurs comme des concurrents en quête de concessions ou de parts de marché, tant à l’intérieur du Canada qu’entre le Canada et ses partenaires commerciaux. L’idée d’un jeu à somme nulle est mise en avant : si les fermières laitières gagnent, les céréalières perdent ; si la gestion de l’offre gagne, les producteurs de viande bovine perdent ; si le Canada cède une part de marché, cela résoudra la crise agricole de l’autre pays. En fait, ces prétendus compromis sont faux.

Lors de la négociation de l’AECG, les médias ont laissé entendre que le Canada devait céder aux exigences de l’UE en matière d’accès aux produits laitiers en échange d’un accès au bœuf et au porc en Europe. Dans notre document de 2015
Mémoire présenté au Comité du commerce sur le projet de loi C-30, Loi de mise en œuvre de l’AECG […]
, l’UNF a souligné que le Canada n’utilisait pas son quota existant sur le marché européen pour le bœuf et le porc. Nous avons souligné que le Canada avait le droit de vendre 23 000 tonnes par an de bœuf sans hormones en franchise de droits, mais qu’en 2013, il n’a vendu que 1 000 tonnes de bœuf (équivalent poids carcasse) à l’UE ; le Canada disposait alors d’un contingent de 7 000 tonnes de porc en franchise de droits à l’échelle de l’OMC et d’un accès supplémentaire à un contingent de 70 390 tonnes à l’échelle de l’OMC à des niveaux tarifaires peu élevés, mais il n’a exporté que 100 tonnes de porc (équivalent poids carcasse) à l’UE.

Aujourd’hui, nous constatons qu’en 2020, le Canada n’a exporté que 1 550 tonnes de bœuf et 144 tonnes de porc vers l’Europe. Le Canada a négocié l’équivalent de l’ensemble du marché laitier de la Nouvelle-Écosse en échange d’un meilleur accès au marché européen du bœuf et du porc, qui n’était pas utilisé à l’époque et qui ne l’est toujours pas. Il est manifestement faux de dire que le manque d’accès d’autres pays aux secteurs canadiens soumis à la gestion de l’offre constitue un obstacle aux exportations canadiennes d’autres produits agricoles.

La plupart des pays protègent et soutiennent leurs marchés laitiers intérieurs, subventionnent leurs fermières et ne participent pas aux marchés d’exportation. Les fermières laitières des pays orientés vers l’exportation, notamment la Nouvelle-Zélande et l’Australie, participants au TPP, ainsi que les États-Unis, le Royaume-Uni et plusieurs pays européens dans le cadre de l’AECG, et l’Argentine du Mercosur, souffrent de l’échec des politiques de leurs pays axées sur l’exportation. Les prix « mondiaux » sont des prix de dumping en raison de la périssabilité des produits laitiers – n’importe quel prix est préférable à zéro (ou au coût de l’élimination des produits excédentaires en tant que déchets). Lorsque les prix intérieurs sont fixés au niveau des prix mondiaux ou fortement influencés par ceux-ci, les fermières sont payées moins que le coût de production. Pour compenser la baisse des prix unitaires, les fermières augmentent leur production si elles le peuvent. Les autres doivent sortir. Cela fait encore baisser les prix à la production, ce qui crée un cercle vicieux. Les pertes sont nombreuses, la qualité en pâtit, les pratiques de gestion environnementale et de bien-être animal sont réduites car les fermières cherchent à réduire les coûts pour payer les factures, et leurs communautés se dégradent. Sacrifier nos fermières et saper un système qui fonctionne pour les agriculteurs, les consommateurs, les transformateurs et les contribuables canadiens ne résoudra pas les problèmes de surproduction de ces pays. Nous encourageons les autres pays à adopter notre système.

Les Canadiens soutiennent la gestion de l’offre
Chaque dollar dépensé par les consommateurs pour des produits importés à la suite de concessions accordées dans le cadre d’accords commerciaux sur les marchés soumis à la gestion de l’offre est un dollar qui quitte l’économie canadienne. Il n’est pas disponible pour assurer un revenu à un fermier canadien ou soutenir un emploi dans une usine de transformation canadienne. Elle ne contribue pas à la recherche agricole au Canada. Il n’est pas multiplié dans les communautés locales où les fermiers et les travailleurs des usines dépensent leurs revenus. Il ne génère pas l’activité économique nécessaire dans les communautés rurales et ne favorise pas leur prospérité. La gestion de l’offre s’appuie sur ses trois piliers pour fonctionner, et c’est aussi un élément puissant qui soutient la viabilité économique, la santé environnementale et le tissu social du Canada. C’est une bonne politique.

Les Canadiens ont des valeurs fortes qui soutiennent notre système de gestion de l’offre, et ces valeurs doivent être respectées et maintenues. Nous vous demandons instamment d’adopter le projet de loi C-216, car il s’agit d’une question d’intérêt national.

Le tout respectueusement soumis par
The Union Nationale des Fermiers
7 juin 2021