Op Ed – Le ministre de la santé doit veiller à ce que les nouveaux aliments génétiquement modifiés fassent l’objet d’une réglementation adéquate et démocratique
Le 18 mai, Santé Canada a annoncé comment il allait réglementer les aliments issus de plantes génétiquement modifiées. Les nouvelles “orientations réglementaires” tournent le dos à la science et à la transparence en exemptant de la réglementation de nombreux nouveaux aliments génétiquement modifiés.
Notre ministre de la santé, Jean-Yves Duclos, a décidé de permettre à Santé Canada d’ouvrir la porte aux développeurs de produits pour qu’ils puissent vendre des organismes génétiquement modifiés sans aucun contrôle gouvernemental. Il a abandonné sa responsabilité envers les Canadiens qui comptent sur le gouvernement pour garantir la sécurité de notre système alimentaire. En l’absence d’une réglementation appropriée, rien ne garantit aux Canadiens ou à nos clients à l’exportation que nos produits sont sûrs.
Santé Canada a le devoir de protéger et d’informer les Canadiens. Le règlement d’application de la loi sur les aliments et drogues stipule clairement que les aliments qui ont été génétiquement modifiés “pour changer les caractères héréditaires d’une plante, d’un animal ou d’un micro-organisme au moyen d’une manipulation intentionnelle” et qui n’ont pas d’antécédents d’utilisation sûre en tant qu’aliments au Canada, sont soumis à la réglementation en tant que “nouveaux aliments”. De puissantes entreprises ont incité les bureaucrates de Santé Canada à réinterpréter le règlement d’application de la loi sur les aliments et les drogues de manière à ce que de nombreux aliments génétiquement modifiés soient considérés comme “non nouveaux”. En adoptant cette interprétation déconcertante, Santé Canada a confié son travail de régulateur aux entreprises mêmes qu’il est censé réglementer.
Santé Canada demande aux Canadiens de croire que l’absence d’ADN étranger dans le produit final fait qu’une plante génétiquement modifiée est pratiquement la même qu’une plante cultivée de manière conventionnelle. En fait, l’édition de gènes utilise des techniques de génie génétique nouvelles et émergentes pour apporter des changements significatifs au génome d’une plante. Contrairement aux anciennes techniques de génie génétique, l’édition de gènes a la capacité d’imposer des changements génétiques en outrepassant les systèmes de réparation cellulaire qui ont évolué au cours des millénaires pour protéger les zones vitales de l’ADN contre les mutations aléatoires. Ces résultats n’auraient pas pu être obtenus sans l’édition de gènes, de sorte que ces plantes n’ont pas d’antécédents d’utilisation sûre en tant qu’aliments au Canada. Il s’agit clairement de plantes “nouvelles”.
La recherche en cours dans le domaine de l’édition de gènes apporte continuellement des connaissances qui révèlent de nouvelles informations et comblent les lacunes de notre compréhension actuelle. Aujourd’hui, les régulateurs et les développeurs de plantes ne peuvent pas prétendre qu’ils comprennent parfaitement comment l’édition de gènes affectera l’organisme dans son ensemble, sa future progéniture, son environnement ou les personnes qui le consomment comme nourriture. C’est pourquoi nous devons procéder à un examen minutieux et approfondi de la sécurité publique de toutes les plantes et de tous les aliments génétiquement modifiés.
On nous dit que la science est le fondement de notre système réglementaire. Toutefois, grâce à ses nouvelles orientations réglementaires, Santé Canada approuve en fait à l’avance les aliments génétiquement modifiés. L’autorisation préalable repose sur l’hypothèse que, tant qu’ils ne contiennent pas d’ADN étranger, Santé Canada n’a pas besoin d’examiner ou d’évaluer ces produits, que le public n’a pas besoin de savoir s’ils sont génétiquement modifiés et qu’il ne sera pas nécessaire de disposer d’outils pour les contrôler une fois qu’ils seront sur le marché et dans notre système alimentaire.
La possibilité de commercialiser des produits sans réglementation en l’absence d’ADN étranger incite les entreprises de biotechnologie à se concentrer sur l’ingénierie génétique de variétés dépourvues d’ADN étranger afin d’éviter de déclencher une évaluation de la sécurité par le gouvernement et une notification obligatoire au public. Des entreprises comme Corteva, Bayer, BASF et Syngenta, qui dominent le marché des semences, contrôlent également l’accès aux technologies d’édition génétique par le biais de brevets et de licences. Les nouvelles orientations de Santé Canada aideront donc les plus grandes entreprises de semences et de produits chimiques du monde à renforcer considérablement leur pouvoir de contrôle, de manipulation et de profit de l’ADN même de nos cultures agricoles.
Un document d’orientation réglementaire est un outil bureaucratique quelque peu obscur destiné à expliquer comment le gouvernement envisage d’interpréter une réglementation. Les orientations réglementaires sont censées simplement traduire le langage juridique du règlement en langage technique spécifique pour décrire ce qui est nécessaire pour la mise en conformité. Les orientations réglementaires sont censées clarifier les règles, et non les modifier. Santé Canada a élaboré un document d’orientation qui fait plier notre réglementation établie au-delà du point de rupture.
Permettre à des entreprises intéressées de décider si leurs propres produits doivent faire l’objet d’un examen de sécurité par le gouvernement n’est pas une réglementation. Laisser les entreprises décider de révéler ou non que leur produit a été modifié génétiquement n’est pas de la transparence.
Les Canadiens exigent une réglementation de qualité, fondée sur des données scientifiques et transparente, dans l’intérêt du public. Pour respecter son mandat de protection de la sécurité de notre approvisionnement alimentaire et d’information des Canadiens, le ministre de la Santé, M. Duclos, doit prendre des mesures correctives immédiates et retirer la proposition d’orientation réglementaire.
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Cathy Holtslander est directrice de la recherche et de la politique à la Nationale des Fermiers. Elle fournit un soutien à la recherche pour faire avancer les recommandations politiques de l’UNF et, en collaboration avec les membres de l’UNF, analyse et critique les politiques agricoles et connexes existantes.