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La crise du revenu agricole et la crise COVID 19

Les fermiers canadiens ont vécu et lutté pour survivre à la crise prolongée du revenu agricole qui a vu la majeure partie de la valeur de leurs produits agricoles capturée par d’autres acteurs du système alimentaire. Depuis 1985, les exploitations agricoles canadiennes ont produit des denrées alimentaires, des aliments pour animaux et des fibres d’une valeur de plus de 1 500 milliards de dollars, mais n’ont conservé que 5 % de cette valeur pour subvenir aux besoins de leurs familles. Le reste a été capté par les entreprises d’intrants, les banques, les chemins de fer et d’autres fournisseurs de biens et de services. Les fermières fixent les prix lorsqu’elles achètent des intrants et lorsqu’elles vendent leur production, et elles supportent la quasi-totalité des risques dans le système alimentaire. Dans ces conditions, beaucoup ont abandonné l’agriculture et moins de jeunes sont devenus fermiers. Le résultat est que nous avons moins de fermières que jamais, que l’âge moyen s’élève à près de 60 ans et qu’il n’y a qu’une minorité de jeunes fermières.

Aujourd’hui, la petite population de fermières qui nous reste est confrontée à une autre menace très immédiate : la pandémie de COVID 19. Personne n’est immunisé contre cette nouvelle maladie, et ce sont les personnes âgées qui sont les plus touchées, en particulier celles dont les poumons sont affectés par l’exposition à des polluants tels que les fumées de diesel et à des irritants tels que la poussière de céréales.

COVID 19 constitue une menace directe pour la santé des fermières canadiennes, dont beaucoup font partie de la population à haut risque. La pandémie pose également aux fermières des défis logistiques et économiques, alors que la société canadienne prend des mesures sans précédent mais nécessaires pour ralentir la propagation du COVID 19. Dans nos exploitations, nous devons adapter nos méthodes de travail pour protéger notre santé et celle de nos travailleurs. La pandémie affecte nos marchés en modifiant la structure de la demande, les prix et l’accès. Elle affecte nos familles, car les ménages pratiquent la distanciation sociale, les enfants sont absents de l’école et la vie communautaire se déplace sur des canaux éloignés.

Lorsque nous regardons le monde, nous pouvons apprécier notre chance de ne pas être parmi les premiers pays touchés, ce qui nous permet d’apprendre de l’expérience des autres. Le Canada est également capable et désireux de donner la priorité à la santé, en apportant un soutien financier aux personnes touchées par les perturbations économiques liées à la pandémie. La solidarité sociale dont font preuve les Canadiens est une véritable force dont nous pouvons être fiers et sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour passer à la phase de rétablissement.

Aujourd’hui, nous avons besoin de programmes d’urgence spécifiques pour aider les familles agricoles à faire face aux perturbations causées par les mesures de distanciation sociale, aux maladies dans d’autres parties du système alimentaire, et pour les aider à survivre et à se rétablir au cas où les fermières elles-mêmes tomberaient malades du COVID 19. Nous avons besoin de programmes qui répondent aux besoins des fermières – en tant que personnes exposées à des risques de maladie, dont le lieu de travail est également leur domicile et qui s’occupent donc d’autres personnes, et dont le travail est vital pour l’approvisionnement alimentaire et les relations commerciales extérieures du Canada.

L’aide d’urgence du Canada aux fermiers doit inclure des mesures pour.. :

Prévention de la maladie

  • Conseils pour des pratiques de travail sûres dans le cas où la distanciation sociale n’est pas possible en raison de la conception de l’équipement, de la configuration de l’espace de travail, etc.
  • Soutien à l’achat de fournitures et d’EPI nécessaires pour prévenir l’infection des membres de la famille et des travailleurs embauchés
  • Accès gratuit au meilleur service internet disponible avec données illimitées pour permettre de répondre aux besoins sociaux et professionnels en limitant les contacts directs.

COMPENSATION DES COUTS ET PERTES dus aux DISTRUPTIONS DE COVID 19 au NIVEAU DE L’EXPLOITATION AGRICOLE

  • Aide à la garde d’enfants et/ou aide aux travailleurs agricoles embauchés pour remplacer la main-d’œuvre parentale afin de permettre aux familles ayant des enfants d’âge scolaire de s’occuper d’eux en toute sécurité à la maison.
  • Remplacement du revenu pour les fermiers dont l’emploi non agricole et/ou l’entreprise agricole est affecté par la situation d’urgence

SOUTIEN AUX FERMIÈRES ET FERMIERS QUI TOMBENT MALADES

  • Procédure de notification aux prestataires de soins de santé en cas de maladie d’un fermier, afin que les soins nécessaires puissent lui être prodigués, en particulier s’il vit seul.
  • Aide financière permettant aux fermiers d’embaucher des personnes qualifiées pour effectuer les travaux agricoles pendant la maladie et la convalescence.
  • Soutien financier pour permettre aux familles d’agriculteurs d’accéder à des services de livraison de nourriture, de médicaments, etc. au domicile de l’agriculteur pendant la quarantaine.
  • Assistance pour aider les fermières à trouver des travailleurs qualifiés, en particulier pour les opérations spécialisées et les travaux qui nécessitent du personnel hautement qualifié

LA COMPENSATION DES PERTES DUES À LA PERTURBATION DE LA LOGISTIQUE ET DES MARCHÉS

Les perturbations affectant les transports, les usines de transformation, les installations de stockage et le système de manutention des céréales réduiront les prix perçus par les fermières et augmenteront les coûts qu’elles devront couvrir. Il ne suffit pas de retarder les paiements en prolongeant les échéances. Des acteurs plus puissants du système alimentaire seront en mesure de décharger les coûts sur les fermières et/ou de faire pression sur les fermières pour qu’elles vendent à des prix inférieurs. Cette relation inégale doit être compensée par des mesures telles qu’un revenu de base garanti et un prix plancher établi pour les produits de base afin de garantir la couverture des coûts de production des fermières pendant la crise.

Les 193 000 familles d’agriculteurs du Canada constituent un trésor national irremplaçable. Chaque fermiere, comme une graine, porte les connaissances et la culture qui lui ont été transmises par les générations précédentes, ainsi que toute une vie d’apprentissage et d’expérience, et la promesse d’un avenir où l’agriculture sera pratiquée et développée par les enfants et les jeunes d’aujourd’hui qui relèveront les défis de la production des denrées alimentaires, des aliments pour animaux et des fibres de notre société à l’avenir. Aujourd’hui, assurons-nous que notre population agricole actuelle dispose de ce dont elle a besoin pour traverser la crise COVID 19 et continuer à construire un système alimentaire encore plus fort dans les années à venir.

Ce message a été envoyé à Agriculture et Agroalimentaire Canada le 8 avril 2020. Téléchargez la version PDF de la lettre ici.