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Démocratie, gestion de l’offre menacée

publié dans le Western Producer, le 4 février 2016

Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États du partenariat transpacifique donne aux entreprises étrangères le droit de poursuivre notre gouvernement si elles estiment que leurs bénéfices futurs seront réduits à la suite de mesures adoptées démocratiquement.

Si l’ISDS freine la réglementation d’intérêt public, le TPP a également des moyens plus insidieux de renverser le processus décisionnel démocratique et d’imposer un programme favorable aux entreprises. La première est l’attaque contre notre système de gestion de l’offre.

La gestion de l’offre est une innovation canadienne qui garantit que les fermières n’ont pas besoin de subventions pour rester en activité et que notre population dispose de suffisamment de produits laitiers, d’œufs et de volailles. Il repose sur trois piliers : le contrôle des importations, la fixation des prix en fonction des coûts de production pour les fermières et la discipline des producteurs afin de garantir une production suffisante, mais pas trop importante.

Si le TPP est ratifié, la frontière sera ouverte plus largement, ce qui augmentera les importations, principalement en provenance des États-Unis. Les conséquences pour le secteur laitier sont graves.

Le TPP autoriserait immédiatement des importations équivalant à 3,25 % de l’offre actuelle de lait frais du Canada, avec des augmentations d’un pour cent (composé) par an pendant les 18 années suivantes.

Quatre-vingt pour cent de ces importations de lait doivent être transformées au Canada et seraient probablement mélangées à du lait canadien.

Le lait importé des États-Unis peut contenir de l’hormone de croissance bovine synthétique (rBGH). L’utilisation de ce médicament dans les troupeaux laitiers canadiens a été interdite à la fin des années 1990 grâce aux efforts des citoyens, des scientifiques, des fermiers laitiers et du Sénat. L’interdiction se fonde sur des preuves évidentes que le médicament augmente les maladies et les souffrances des vaches.

Il est plus difficile d’évaluer les effets sur la santé humaine de la consommation de lait provenant de vaches ayant reçu de la rBGH, mais de nombreux consommateurs restent méfiants.

Le TPP prévoit que le Canada et les États-Unis s’engagent à discuter de leurs règles en matière de sécurité alimentaire des produits laitiers en vue de les harmoniser.

Si le TPP est adopté, la différence entre le lait canadien et le lait américain sera diluée et pourrait même disparaître.

L’accord de libre-échange nord-américain a ouvert les portes du Canada aux composants laitiers à haute teneur en protéines produits aux États-Unis, et le TPP supprimerait désormais tous les droits de douane sur le lactosérum américain au bout de dix ans.

Cela permettrait également à la Nouvelle-Zélande d’augmenter ses exportations de produits laitiers vers les États-Unis et d’accroître le dumping des protéines laitières américaines excédentaires vers le Canada, ce qui pose un certain nombre de problèmes.

Le beurre redevient populaire après avoir été accusé pendant des décennies d’être à l’origine d’un taux de cholestérol élevé. Dans les années 1970, le secteur laitier a dû ajuster sa production pour éviter de créer des excédents de matière grasse.

La margarine contenant des acides gras trans est désormais considérée comme un choix malsain, et les consommateurs reviennent au beurre et au lait entier.

Le secteur laitier est aujourd’hui confronté à un excédent structurel de protéines laitières, et le coût de l’élimination des composants protéiques excédentaires pèse sur les revenus des fermières pour le lait.

Les transformateurs disposent de nouvelles méthodes pour séparer les protéines du lait de consommation, qu’ils commercialisent sous le nom d’isolats de protéines de lait.

Les IPM sont ajoutés à certains produits laitiers pour en augmenter le rendement. Séparer les composants du lait, puis les traiter, les stocker et les transporter pour les réintroduire dans d’autres aliments constitue un changement radical par rapport à la simple fermentation ou à la culture du lait entier pour en faire du beurre, du fromage, du yaourt et du fromage blanc.

Cette pratique peut en fin de compte saper la confiance des consommateurs.

Les transformateurs peuvent importer des MPI sans droits de douane et, en raison de l’excédent structurel mondial, ils sont bon marché.

Les fermières canadiennes se retrouvent donc avec un surplus de lait écrémé en poudre encore plus important et des coûts plus élevés pour s’en débarrasser, ce qui exerce une pression sur le prix à la production.

Par conséquent, le TPP réduit les revenus des fermières laitières en exacerbant le déséquilibre beurre-protéines et en leur retirant une partie de notre marché domestique du lait de consommation.

Notre système garantit que le lait est produit et transformé dans chaque province, à une distance raisonnable des fermières et des consommateurs.

Une transformation plus intense et à forte intensité de capital pour fabriquer des composants protéiques ayant une durée de conservation plus longue favoriserait les usines centralisées de plus grande taille et éliminerait la production laitière dans les régions moins peuplées, telles que les Maritimes et l’île de Vancouver.

Un cercle vicieux s’ensuivrait, érodant la gestion de l’offre et concentrant la production et la transformation.

La gestion de l’offre est un trésor de la politique agricole du Canada et fait l’envie des fermières laitières du monde entier qui souffrent de la volatilité des prix, de l’endettement, de l’incertitude des marchés et de contrats inéquitables. Le TPP ne doit pas être applaudi simplement parce qu’il aurait pu être encore pire.

Jan Slomp
About the author

Jan Slomp

Jan Slomp and his spouse, Marian, have been dairy farmers since 1979, first in their native Netherlands and from April 1989 until 2015, in Alberta. They recently moved to BC and set up a new farm on Vancouver Island.

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