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Lettre – Le président de l’ACIA doit être remplacé à la lumière de l’implication apparente de CropLife Canada dans la rédaction des règlements

Le 14 octobre 2022, la Nationale des Fermiers et 14 autres organisations ont envoyé la lettre suivante à la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, Marie-Claude Bibeau :

Monsieur le Ministre. Bibeau

RE : Le président de l’ACIA doit être remplacé à la lumière de l’implication apparente de CropLife Canada dans la rédaction des règlements

La confiance du public dans notre secteur alimentaire et agricole dépend d’une surveillance réglementaire qui fonctionne de manière transparente et dans l’intérêt du public à tout moment. Comme vous le savez, le 19 septembre 2022, Radio-Canada a rapporté que l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a fait circuler un résumé d’une importante proposition de réglementation par le biais d’un document provenant de CropLife Canada, le groupe de pression de l’industrie de la biotechnologie. L’article,

OGM : Ottawa présente sa réforme en utilisant les fichiers d’un lobby agrochimique

fournit des preuves alarmantes d’une collaboration inappropriée entre notre organisme public de réglementation et les sociétés privées dont il réglemente les produits, au point qu’il semble que CropLife dirige effectivement l’ACIA. Le document présente les propositions de l’ACIA concernant l’interprétation des règlements régissant de nombreuses semences génétiquement modifiées et propose un système qui profiterait aux multinationales des semences en leur permettant de mettre sur le marché de nombreuses nouvelles variétés de semences génétiquement modifiées sans évaluation indépendante de la sécurité par le gouvernement ou autre contrôle gouvernemental, et sans divulguer au gouvernement ou au public, y compris aux fermières, que ces semences sont génétiquement modifiées.

Le système proposé porterait préjudice aux fermiers canadiens qui ont besoin de savoir ce qu’ils plantent pour gérer leurs exploitations et conserver l’accès à des marchés sensibles. Les orientations réglementaires proposées affaibliraient également la confiance du public dans notre système de réglementation alimentaire en empêchant une évaluation scientifique indépendante par les régulateurs gouvernementaux avant que ces produits ne soient vendus, et en autorisant leur mise sur le marché sans qu’aucun rapport ne soit présenté au gouvernement ou au public.

Ce problème de marché et de confiance du public ne peut être résolu que si l’ACIA maintient son autorité réglementaire sur toutes les semences génétiquement modifiées et met en place des systèmes obligatoires de déclaration pour la transparence du public.

L’énoncé des valeurs de l’ACIA comprend : « Nous maintenons notre indépendance réglementaire par rapport à toutes les parties prenantes externes. Nous avons le courage de prendre des décisions et de formuler des recommandations difficiles et potentiellement impopulaires, sans parti pris personnel ». La Nationale des Fermiers’s 2021 Submission to CFIA on Gene Editing Regulatory Guidance (Soumission à l’ACIA sur l’orientation réglementaire en matière d’édition de gènes) note que l’ACIA a participé à un groupe de travail Santé Canada-Industrie créé pour « éclairer l’élaboration d’un projet d’orientation pour le Règlement sur les aliments nouveaux, axé sur la sélection végétale, avant la consultation officielle ». Ce groupe de travail est composé de représentants de Santé Canada, de CropLife Canada, du Conseil des céréales du Canada et de l’Association canadienne du commerce des semences (aujourd’hui Seeds Canada). Le personnel d’Agriculture et Agroalimentaire Canada et de l’ACIA ayant des responsabilités réglementaires liées à l’édition de gènes est invité en tant qu’observateur. CropLife et Seeds Canada sont des groupes de pression qui représentent les parties réglementées, à savoir les développeurs de semences qui cherchent à commercialiser des cultures génétiquement modifiées. Le vice-président de CropLife Canada siège au conseil d’administration du Conseil des céréales du Canada, qui compte parmi ses membres CropLife, Semences Canada et les multinationales à la tête du lobby de l’industrie biotechnologique.

Les entreprises de biotechnologie que ces associations représentent seront les principales bénéficiaires des orientations réglementaires qui excluent les plantes génétiquement modifiées des évaluations de sécurité du gouvernement et de la divulgation publique.

Il semble que des aspects essentiels des orientations proposées, tels que la divulgation volontaire préalable à la mise sur le marché et l’exclusion des modifications n’ayant pas d’ADN étranger de la réglementation en vertu de la partie V du règlement sur les semences, aient été demandés par des groupes industriels intéressés et ont été incorporés dans les orientations réglementaires de l’ACIA. Ainsi, les orientations réglementaires proposées semblent avoir été élaborées dans l’intérêt des parties réglementées, de sorte que ni les préoccupations des fermières, ni l’intérêt public en général n’ont été correctement pris en compte.

En tant que régulateur public, habilité par des lois et des règlements adoptés par des membres du Parlement démocratiquement élus, l’ACIA est responsable devant le public, et non devant les entreprises qu’elle réglemente. Elle a le devoir de protéger l’intérêt public et de respecter le Parlement. Contrairement à l’intention de la partie V du règlement sur les semences, les orientations réglementaires proposées déchargent l’ACIA de la responsabilité qui lui a été confiée en créant un mécanisme qui minimise sa surveillance des semences génétiquement modifiées.

La révélation qu’un document résumant la proposition de réglementation de l’ACIA a été produit sur un ordinateur appartenant à Jennifer Hubert, directrice générale de la biotechnologie végétale chez CropLife Canada, est un signal d’alarme concernant la collaboration inappropriée de l’ACIA avec CropLife et ses groupes de pression apparentés, Seeds Canada et le Conseil des céréales du Canada. L’ACIA fait preuve depuis longtemps d’une déférence à l’égard des parties réglementées, ce qui nous a fait perdre confiance dans la capacité de l’ACIA à protéger l’intérêt public. Nous demandons donc que le président de l’ACIA soit remplacé par un nouveau dirigeant qui maintiendra un engagement inébranlable à protéger les intérêts des Canadiens, notre alimentation et notre environnement afin de restaurer la réputation et la crédibilité de l’ACIA.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués.

Katie Ward,

Président de la Nationale des Fermiers Union

et les organisations suivantes :

Réseau canadien d’action sur les biotechnologies
Conseil des Canadiens
Association des fermiers écologiques de l’Ontario
Défense de l’environnement
FarmFolk CityFolk
Les Amis de la Terre Canada
Greenpeace Canada
Organic BC
La sécurité alimentaire, c’est important
Sierra Club BC
UFCW (United Food and Commercial Workers Union)
Union Paysanne
Vigilance OGM
Jeunes agriculteurs