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L’ACEUM va à l’encontre des intérêts du Canada

L’accord États-Unis-Mexique-Canada (ACEUM), proposé pour remplacer l’ALENA, ne couvre les céréales que dans quatre paragraphes du chapitre sur l’agriculture, mais cette section a de sérieuses implications pour les fermières canadiennes. Elle permettrait au blé produit aux États-Unis de profiter de la réputation internationale du Canada et menacerait en fin de compte le système de contrôle de la qualité qui permet aux fermières des Prairies d’obtenir des prix élevés pour leur blé. L’ACEUM donne aux intérêts américains une voix dans les consultations sur notre système de réglementation des semences, empiétant ainsi sur notre souveraineté en matière de semences. Les mesures relatives aux céréales de l’ACEUM concernent principalement les exportations de blé en vrac du Canada et des États-Unis, car le Mexique n’est pas un exportateur de blé important et les meuniers canadiens sont déjà en mesure d’importer librement du blé américain pour la transformation alimentaire.

La section sur les céréales de l’ACEUM exige que le Canada attribue au blé américain importé le même grade que le nôtre, et empêcherait le Canada d’identifier le pays d’origine du blé américain sur nos certificats de grade. Pour mettre en œuvre ces mesures, nous devrions modifier la loi sur les grains du Canada, qui stipule actuellement que le blé importé doit être identifié comme « étranger », séparé du blé canadien et classé comme « échantillon » s’il est livré dans notre système de manutention en vrac en vue d’être exporté. Les exigences de la loi sur les grains du Canada sont à la base de la réputation du Canada en matière de garantie de la qualité des céréales.

Le système canadien de classification et de classement est très apprécié par nos clients internationaux, car il leur garantit une qualité connue et constante de nos envois. Ils paient des prix plus élevés en raison de nos normes d’assurance qualité. Les fermières canadiennes ont besoin de prix plus élevés pour compenser nos coûts de transport, car notre zone de production céréalière est très éloignée des ports par rapport à d’autres pays exportateurs de céréales. L’agriculture céréalière est viable dans les Prairies en raison des prix plus élevés que nous sommes en mesure d’obtenir grâce à nos normes de qualité.

Le système canadien de classement des grains est le plus sophistiqué et le plus rigoureux au monde. Elle est autorisée par la loi sur les grains du Canada et mise en œuvre par la Commission canadienne des grains (CCG). Nos fermières amènent leurs céréales à un silo de collecte où le prix est fixé en fonction du grade (qualité) et de la classe (type). Chaque variété de blé enregistrée se voit attribuer une classe en fonction de ses propriétés d’utilisation finale (bonne pour le pain, les pâtes, les crackers, etc.). Il existe des normes pour classer chaque chargement de blé (grades 1, 2, 3, fourrage et échantillon) en fonction de facteurs de qualité. Une fois que le silo a acheté les céréales, celles-ci sont placées dans une trémie en vrac avec d’autres chargements de blé de la même classe et du même grade. Il est ensuite transporté dans un wagon jusqu’au port, où il est chargé sur un navire pour être exporté.

L’ACEUM rompt avec ce système. Il stipule que nos silos doivent accepter des céréales produites aux États-Unis, leur attribuer un grade comme s’il s’agissait de céréales produites au Canada et autoriser leur mélange avec des céréales canadiennes. Les livraisons mixtes de blé cultivé aux États-Unis et de blé canadien, vendues comme s’il s’agissait de blé 100 % canadien, porteront atteinte à notre marque canadienne et à sa prime de qualité. La CCG est chargée de faire respecter nos normes de qualité, mais elle n’aurait pas la capacité de faire respecter nos règles si les producteurs américains les enfreignaient, car elle n’a pas d’autorité aux États-Unis. Les problèmes de qualité qui pourraient résulter des céréales produites aux États-Unis comprennent les ventes frauduleuses de variétés non enregistrées, les résidus de pesticides non autorisés et les incidents de contamination par du blé génétiquement modifié.

Le troisième paragraphe de l’ACEUM sur les céréales est une nouvelle attaque contre notre système de classement. Il obligerait le Canada à discuter avec les États-Unis « des questions liées au fonctionnement d’un système national de classement des grains ou de classes de grains, y compris les questions liées au système de réglementation des semences associé au fonctionnement d’un tel système ». Les Américains sont ainsi aux premières loges de notre processus de consultation. Sous la bannière de la « synergie des semences », les multinationales des semences et des produits chimiques exercent un lobbying agressif en faveur de changements radicaux de notre système de semences. Leur objectif est de se débarrasser des mesures actuelles de contrôle de la qualité fondées sur l’intérêt public et de mettre en place un système « dirigé par l’industrie et soutenu par le gouvernement » qui maximiserait la capacité des entreprises à contrôler l’accès aux semences et à augmenter les prix des semences et les coûts des intrants pour les fermières. L’Agence canadienne d’inspection des aliments a tenu de nombreuses consultations sur nos réglementations en matière de semences. Depuis plus de vingt ans, les résultats ont toujours été favorables au maintien de notre système de contrôle de la qualité et à la réglementation dans l’intérêt du public. L’ACEUM porte atteinte à notre souveraineté en matière de semences en donnant aux États-Unis une influence indue sur les décisions du Canada.

Tout comme les producteurs laitiers, les fermiers céréaliers du Canada doivent supporter le poids de l’échec des négociations commerciales. Nous cédons à un concurrent étranger la capacité de définir les paramètres de notre commerce de céréales. Étant donné que le gouvernement fédéral espère que l’agriculture sera le moteur de l’augmentation des exportations du Canada, il est incompréhensible qu’il envisage de remettre les clés aux États-Unis. La section sur les céréales de l’ACEUM ne peut pas être maintenue.

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Voir Section D : Céréales Page 3-B-10 ANNEXE 3-B COMMERCE AGRICOLE ENTRE LE CANADA ET LES ÉTATS-UNIS