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Synergie des semences : l’histoire

Au cours des deux derniers mois, les fermières ont pris conscience d’un mouvement inquiétant coordonné par des éléments de l’industrie semencière canadienne et soutenu financièrement par notre gouvernement fédéral, qui tente de supprimer notre droit de conserver et de réutiliser librement nos propres semences.

Cette histoire commence en fait en 1990, lorsque le gouvernement canadien a adopté la loi type UPOV ’78 sur les droits d’obtenteur, malgré les mises en garde contre le risque de voir l’industrie privée contrôler les fondements de toute l’agriculture : les semences et tout autre matériel de reproduction ou de multiplication. (UPOV signifie Union internationale pour la protection des obtentions végétales)

En 2015, le Canada a adopté l’UPOV 91. Cette convention actualisée prévoit des pouvoirs beaucoup plus importants pour permettre aux entreprises de contrôler les semences qui constituent la base de notre système alimentaire et d’en tirer profit. Elle a également transformé le droit des fermières de conserver et de réutiliser les semences en un privilège, susceptible d’être supprimé ou modifié par une réglementation au gré des caprices du gouvernement.

Cela a conduit à une campagne immédiate et continue de la part de certains éléments de l’industrie semencière canadienne pour faire pression sur la réglementation afin de leur permettre de prendre le contrôle de notre réseau de semences et d’éliminer la coopération et la souveraineté historiques des fermières sur leur utilisation des semences. Cette campagne menée par les groupes de pression de l’industrie semencière a été baptisée « Seed Synergy » et est soutenue par Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) à hauteur de près de 500 000 dollars dans le cadre de Cultivons l’avenir 2.

Dans la première phase de sa campagne, le groupe Seed Synergy a affirmé qu’il essayait simplement de rationaliser le processus d’enregistrement des variétés de céréales au Canada, en éliminant les doublons et en rendant le processus plus rapide, plus facile et moins coûteux pour lui. Oh, et à propos, il est possible que ce système remplace le système public de sélection végétale qui a permis au Canada de fonctionner avec succès au cours du siècle dernier.

Le temps passe et les projets changent. Aujourd’hui, deux ans plus tard, leur message ne porte plus sur la rationalisation de la procédure d’enregistrement des variétés, mais sur le fait que notre système public de sélection végétale est « cassé » (selon leurs propres termes) et qu’il doit être remplacé. Il n’est pas surprenant qu’ils recommandent de le remplacer par un système qui permettrait à n’importe quelle entreprise de posséder, de contrôler et de dominer notre approvisionnement en semences, au prix qu’elle est en mesure d’exiger. Toute composante publique restante – payée par les contribuables et les fermiers, bien entendu – serait reléguée aux travaux lourds et à la science de base, qui seraient ensuite confiés aux entreprises pour qu’elles facturent le produit fini aux fermiers.

Et qu’est-ce que cela va nous coûter ? Il s’avère que personne n’a procédé à une véritable analyse des coûts, de sorte qu’en termes de dollars, personne ne sait. Mais Seed Synergy et AAC qualifient tous deux cette idée de « création de valeur », donc quelqu’un doit bien gagner de l’argent avec ça.

Si l’on examine les justifications égoïstes avancées par les parties à l’origine du projet, il apparaît qu’aucune valeur ne sera créée pour les fermières ou les contribuables, mais que cette valeur sera certainement accaparée par les entreprises de semences. Quant à savoir de qui cette valeur est extraite, elle viendra inévitablement des fermières.

Heureusement, cette histoire est loin d’être terminée et la fin n’a pas encore été écrite. Les fermières doivent maintenant saisir toutes les occasions qui se présentent, que ce soit lors des foires agricoles, des réunions des groupements de producteurs ou du processus de consultation d’AAC, pour s’assurer que le droit des fermières de conserver et d’utiliser leurs propres semences est respecté.

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