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Réponse à l’ARLA – Risque environnemental potentiel pour l’abeille courge

Agence de régulation de la lutte antiparasitaire Section des publications
Agence de régulation de la lutte antiparasitaire (ARLA)
Santé Canada
2720 Riverside Drive
Ottawa, Ontario K1A 0K9

Par e-mail :
hc.pmra.publications-arla.sc@canada.ca

13 août 2021

Objet : Projet de décision d’examen spécial PSRD2021-02, Examens spéciaux : Risque environnemental potentiel lié à l’exposition de l’abeille de la courge(Peponapis pruinosa) à la clothianidine, au thiaméthoxame et à l’imidaclopride utilisés sur les cucurbitacées

L’Union Nationale des Fermiers – Ontario (UNF-O) a le plaisir de présenter ses commentaires à Santé Canada sur le risque environnemental potentiel lié à l’exposition de l’abeille de la courge (Peponapis pruinosa) à la clothianidine, au thiaméthoxame et à l’imidaclopride utilisés sur les cucurbitacées.

L’UNF-O est une organisation agricole accréditée qui représente des milliers de fermières familiales durables en Ontario et qui défend les intérêts des familles agricoles de l’Ontario et du Canada depuis 1969. Les membres travaillent ensemble pour mettre en place des politiques agricoles qui garantissent la dignité et la sécurité des revenus des familles d’agriculteurs, tout en protégeant et en améliorant l’environnement rural pour les générations actuelles et futures. L’UNF-O collabore au niveau local, national et international à la recherche, à l’éducation et au partage de solutions efficaces qui conduisent à un monde meilleur pour les familles d’agriculteurs et leurs communautés.

Fiche d’information

En 2014, Santé Canada a lancé des examens spéciaux sur les produits antiparasitaires néonicotinoïdes contenant de la clothianidine, du thiaméthoxame et de l’imidaclopride utilisés sur les cucurbitacées telles que le potiron et la courge. Cet examen a permis de déterminer que, pour certaines utilisations de cucurbitacées, il existait des risques inacceptables pour Apis (abeilles mellifères) et les abeilles non-Apis en raison de l’exposition aux résidus présents dans le pollen et le nectar de cucurbitacées, et qu’il était nécessaire d’atténuer les risques. Cette mesure d’atténuation a également été jugée protectrice pour les abeilles solitaires nichant dans le sol dans les cultures de cucurbitacées, y compris l’abeille de la courge. L’atténuation des risques résultant de la réévaluation des pollinisateurs a notamment consisté à modifier les modalités d’utilisation des néonicotinoïdes sur les cultures de cucurbitacées. Les applications au sol d’imidaclopride et de thiaméthoxame sur les cucurbitacées ont été annulées et les applications foliaires de clothianidine sur les cucurbitacées ont été réduites à une seule application avant la floraison. Aucune modification n’a été apportée aux utilisations de la clothianidine, du thiaméthoxame et de l’imidaclopride pour le traitement des semences, car le risque pour les pollinisateurs a été jugé acceptable et des mesures d’atténuation spécifiques ont été introduites.

Depuis 2014, l’utilisation de la clothianidine, du thiaméthoxame et de l’imidaclopride a fait l’objet d’un examen de ses effets sur les pollinisateurs, les invertébrés aquatiques, les oiseaux et autres mammifères, ainsi que sur la santé humaine. En novembre 2016, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada a déclaré qu’elle interdirait les utilisations agricoles de l’imidaclopride, un insecticide largement utilisé dans les exploitations agricoles canadiennes, en raison des risques pour les oiseaux chanteurs et les insectes aquatiques. Le 15 août 2018, Santé Canada a annoncé sa proposition de décision d’éliminer progressivement, sur une période de cinq ans, toutes les utilisations de la clothianidine dans l’agriculture extérieure et le gazon, ainsi que toutes les utilisations du thiaméthoxame dans l’agriculture extérieure et les plantes ornementales. Cette annonce était basée sur les résultats des examens spéciaux de l’ARLA sur les invertébrés aquatiques pour la clothianidine et le thiaméthoxame . En 2017, l’ARLA a achevé l’examen de l’impact des trois néonicotinoïdes sur les pollinisateurs et a proposé d’interdire ou de restreindre leur utilisation sur les cultures que les abeilles trouvent attrayantes. À l’époque, l’ARLA a examiné des stratégies d’atténuation potentielles pour voir s’il était possible de restreindre, plutôt que d’interdire, les produits chimiques. Ils ont conclu qu’il était peu probable que ces mesures fassent une différence suffisante, qu’elles seraient difficiles à mettre en œuvre et qu’elles pourraient être annulées par une intensification de l’utilisation. Toutefois, en ce qui concerne l’utilisation dans les cucurbitacées, les changements et les mesures d’atténuation suivants ont été mis en œuvre depuis 2014.

Source : https://www.canada.ca/en/health-canada/services/consumer-product-safety/pesticides-pest-management/public/consultations/proposed-special-review-decision/2021/environmental-risk-related-to-squash-bee/document.html#t1

En 2019, Santé Canada a réalisé trois réévaluations axées sur les pollinisateurs et a publié ses décisions. Ces réévaluations ont été effectuées conformément au
Guide pour l’évaluation des risques liés aux pesticides pour les abeilles
et ont évalué les utilisations homologuées des trois néonicotinoïdes, y compris les applications foliaires, le traitement des semences et les applications au sol. Les réévaluations actuelles des pollinisateurs par Santé Canada ont abouti aux conclusions suivantes en ce qui concerne les abeilles de courge :

  • Les mesures d’atténuation mises en œuvre dans le cadre de la réévaluation protègent les abeilles de courge.
  • Les risques environnementaux potentiels pour Peponapis pruinosa(abeille de la courge) liés à l’exposition à la clothianidine, au thiaméthoxame et à l’imidaclopride utilisés sur les cucurbitacées sont considérés comme acceptables lorsqu’ils sont utilisés conformément aux conditions d’utilisation actuelles et aux mesures d’atténuation déjà mises en œuvre (tableau ci-dessus).
  • Sur cette base, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada propose de maintenir l’homologation des produits à base de clothianidine, de thiaméthoxame et d’imidaclopride pour la vente et l’utilisation sur les cucurbitacées au Canada.
  • Aucune autre mesure d’atténuation n’est proposée.

Néonicotinoïdes

La clothianidine, le thiaméthoxame et l’imidaclopride sont des insecticides systémiques à base de néonicotinoïdes dont l’utilisation commerciale est autorisée au Canada sur diverses cultures agricoles, y compris les cucurbitacées. Lorsque le thiaméthoxame et la clothianidine sont appliqués en pulvérisation foliaire, les résidus peuvent être absorbés par la plante et se répandre dans le pollen et le nectar. Cela peut se produire même lorsque l’application a lieu en l’absence de fleurs. Si un produit n’est pas appliqué pendant la floraison, mais avant ou après, les résidus peuvent être absorbés par la plante, y rester et, lorsque les fleurs se forment, passer dans le pollen et le nectar. En règle générale, plus le produit est appliqué près de la période de floraison, plus les niveaux de résidus dans le pollen et le nectar sont élevés. Par exemple, l’application avant la floraison à une date proche de celle-ci (par exemple, 1 à 2 semaines avant la floraison) peut entraîner des résidus assez élevés dans le pollen et le nectar.

Un certain nombre d’études (Cimino et al. 2016) ont montré que les néonicotinoïdes sont persistants et se retrouvent dans le sol, la poussière, les zones humides, les eaux souterraines, les plantes non ciblées et les proies vertébrées, ainsi que dans les aliments courants du régime alimentaire américain. De plus, contrairement à la plupart des autres pesticides, les néonicotinoïdes ne peuvent pas être éliminés par lavage des aliments avant leur consommation.

Abeilles de la courge

L’abeille de la courge, Peponapis pruinosa, est une espèce solitaire qui nidifie dans le sol et que l’on trouve dans la majeure partie de l’Amérique du Nord et de l’Amérique du Sud. Il s’agit de la seule espèce d’abeille de courge présente au Canada et elle est répandue dans le sud de l’Ontario. Ces abeilles dépendent exclusivement des cultures de cucurbitacées pour le pollen et le nectar. Ils sont bien adaptés à la collecte des gros grains de pollen des cucurbitacées, et leur période de vol diurne est synchronisée avec l’ouverture des fleurs. Chaque fleur de cucurbitacée ne dure qu’une journée, s’ouvrant tôt le matin et se fanant en début d’après-midi. La plupart des abeilles de courges butinent tôt le matin, quelques heures après le lever du soleil, avant que les abeilles mellifères ne commencent à butiner.

Les femelles des abeilles de la courge font des nids dans le sol en grands groupes à l’intérieur et autour des plantations de cucurbitacées ou des sites de nidification avoisinants. Ils ne produisent qu’une seule génération par an. Le nid de l’abeille de la courge comporte généralement quatre à six cellules contenant des œufs et du pollen de cucurbitacées mélangé à du nectar. Ils sont construits à une profondeur de 12 à 22 cm sous la surface du sol. Les abeilles courges mâles et les abeilles femelles qui n’ont pas encore fait leur nid dorment à l’intérieur de la fleur fermée pendant la nuit et sortent tôt le lendemain matin pour rencontrer les abeilles courges femelles et se nourrir. Les abeilles adultes sortent de leur nid en terre de fin juillet à août, les mâles émergeant avant les femelles. Les abeilles émergent lorsque les cultures de cucurbitacées sont en fleur. Environ deux à trois semaines après l’émergence, elles construisent des nids jusqu’au début du mois de septembre. Les œufs pondus dans les nids en terre se transforment en œuf, en larve et en prénymphe en l’espace de deux semaines. Les abeilles de la courge passent l’hiver sous forme de pré-nymphe dans le sol et se transforment en chrysalide l’été suivant, entre la mi-juin et la mi-juillet. Le cycle de vie se répète ensuite lorsque les abeilles adultes émergent entre la fin juillet et le mois d’août.

L’UNF-O s’interroge sur le risque d’exposition acceptable à la clothianidine, au thiaméthoxame et à l’imidaclopride utilisés sur les cucurbitacées lorsqu’ils sont utilisés conformément aux conditions d’utilisation actuelles.

L’UNF-O remet en question la décision d’autoriser l’utilisation de la clothianidine, du thiaméthoxame et de l’imidaclopride conformément aux conditions d’utilisation actuelles, car nous ne voyons pas de preuve qu’il y aura un contrôle efficace du respect de ces conditions.

La proposition de décision de l’ARLA, publiée en 2018, aurait introduit un retrait progressif sur cinq ans menant à une interdiction de l’utilisation des néonicotinoïdes. Selon nous, il s’agit d’un pas dans la bonne direction pour promouvoir la santé et la survie des pollinisateurs (y compris les abeilles de courge), des insectes aquatiques et des oiseaux qui se nourrissent de ces insectes. La décision proposée se fonde sur la conclusion de l’ARLA selon laquelle il est peu probable que les mesures d’atténuation fassent une différence suffisante, qu’elles soient difficiles à mettre en œuvre et qu’elles puissent être annulées par une intensification de l’utilisation. Nous ne sommes pas d’accord avec la décision de réévaluation publiée en 2019, qui a annulé l’interdiction proposée, mais a mis en œuvre des mesures d’atténuation.

L’UNF-O s’interroge sur les conséquences pour les abeilles des courges de l’utilisation continue des traitements de semences, de l’application en intérieur de l’imidaclopride et de la pulvérisation foliaire de la clothianidine.

L’application au sol de l’imidaclopride dans le cadre d’une utilisation agricole en plein air a été annulée, car elle présente le risque le plus élevé pour les populations d’abeilles Apis et non-Apis, mais elle est toujours autorisée pour la culture en intérieur (sous serre) de cucurbitacées. Les cucurbitacées standard ont des fleurs mâles et femelles séparées, ce qui nécessite un pollinisateur pour apporter le pollen d’une fleur mâle à une fleur femelle. Nous ne voyons pas comment l’utilisation continue de l’imidaclopride dans les serres n’aura pas d’impact négatif sur les populations d’abeilles de courge, que ce soit par l’exposition directe à l’intérieur ou par les populations qui nichent à proximité des structures des serres.

De même, les études utilisées par Santé Canada dans son examen spécial de l’impact des néonicotinoïdes sur les abeilles de courge ont montré que les résidus de thiaméthoxame dans le sol augmentaient avec le temps lors de la plantation répétée de semences traitées au thiaméthoxame. Par conséquent, l’UNF-O se demande comment l’accumulation persistante de néonicotinoïdes dans le sol provenant de cultures plantées avec des semences traitées affectera les nids et la survie des larves d’abeilles de courges à long terme, et comment l’exposition à des accumulations croissantes de néonicotinoïdes dans le pollen et le nectar récoltés sur les fleurs aura un impact sur les abeilles de courges à long terme.

L’UNF-O appelle à la précaution et à la transition vers une agriculture écologique

L’UNF-O a joué un rôle de premier plan parmi les organisations agricoles en demandant aux gouvernements d’appliquer le principe de précaution lorsqu’ils réglementent les pesticides. Parallèlement à une approche de précaution en matière de réglementation des pesticides, l’UNF a encouragé le financement public de la recherche sur des méthodes alternatives de lutte contre les parasites, l’amélioration de la collecte de données et du suivi afin que les décideurs politiques disposent d’éléments probants pour étayer leurs décisions, ainsi que l’éducation des fermières à l’adoption de pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement.

L’UNF-O demande instamment à Santé Canada de reconnaître et de promouvoir les alternatives agronomiques à l’utilisation des pesticides chimiques et de soutenir la recherche agricole, l’éducation et les mesures de politique publique visant à réduire l’utilisation des pesticides dans l’agriculture canadienne.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués,

Don Ciparis

Président de l’Union Nationale des Fermiers – Ontario

Références :

Andria M. Cimino, Abee L. Boyles, Kristina A. Thayer et Melissa J. Perry (2016). Effets de l’exposition aux pesticides néonicotinoïdes sur la santé humaine : A Systematic Review, Environmental Health Perspectives (2016). https://ehp.niehs.nih.gov/doi/10.1289/EHP515

Cathy Holtslander (2018). Santé Canada propose une élimination progressive des néonicotinoïdes sur une période de cinq ans. Lettre d’information de l’Union Fermière. https://www.nfu.ca/wp-content/uploads/2018/09/UF-NEWSLETTER-SEPT-OCTOBER-2018.pdf

Roger Williams, Dan Fickle, Andrew P. Michel et Karen Goodell (2009). Pollinisateur de la citrouille : Biologie et comportement de l’abeille de la courge. Département d’entomologie, OARDC/The Ohio State University. http://icpbees.org/wp-content/uploads/2016/06/Ohio-State-Fact-Sheet-on-Peponapis.pdf

Agence de régulation de la lutte antiparasitaire (2021). Projet de décision d’examen spécial PSRD2021-02, Examens spéciaux : Risque environnemental potentiel lié à l’exposition de l’abeille de la courge(Peponapis pruinosa) à la clothianidine, au thiaméthoxame et à l’imidaclopride utilisés sur les cucurbitacées. https://www.canada.ca/en/health-canada/services/consumer-product-safety/pesticides-pest-management/public/consultations/proposed-special-review-decision/2021/environmental-risk-related-to-squash-bee/document.html#a3

Agence de régulation de la lutte antiparasitaire (2019). Décision de réévaluation RVD2019-06, Imidaclopride et ses préparations commerciales associées : Réévaluation des pollinisateurs. https://www.canada.ca/en/health-canada/services/consumer-product-safety/reports-publications/pesticides-pest-management/decisions-updates/reevaluation-decision/2019/imidacloprid.html

Agence de régulation de la lutte antiparasitaire (2019). Décision de réévaluation RVD2019-05, Clothianidine et ses préparations commerciales associées : Réévaluation des pollinisateurs. https://www.canada.ca/en/health-canada/services/consumer-product-safety/reports-publications/pesticides-pest-management/decisions-updates/reevaluation-decision/2019/clothianidin.html

Agence de régulation de la lutte antiparasitaire (2019). Décision de réévaluation RVD2019-04, Thiamethoxam et ses préparations commerciales associées : Réévaluation des pollinisateurs. https://www.canada.ca/en/health-canada/services/consumer-product-safety/reports-publications/pesticides-pest-management/decisions-updates/reevaluation-decision/2019/thiamethoxam.html