Le projet de loi C-4, la
Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique
Le projet de loi C-4, Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), modifie certaines lois existantes afin de les rendre conformes aux obligations du Canada en vertu de l’ACEUM. L’examen des déclarations des témoins montre que ni les députés ni les témoins ne se sont penchés sur le texte réel du projet de loi C-4, mais ont supposé qu’il était conforme au texte de l’ACEUM. Lorsque la Nationale des Fermiers (UNF) a entrepris une lecture attentive des amendements à la Loi sur les grains du Canada (LGC ) du projet de loi C-4 (articles 59 à 69), nous avons découvert qu’il promulgue des changements substantiels au système céréalier du Canada qui n’ont pas été négociés dans le cadre de l’accord commercial et qui n’ont pas été débattus lors des audiences du Comité. Il s’agit notamment d’étendre l’accès américain à notre système d’exportation de céréales au-delà du blé pour y inclure toutes les céréales, ainsi que de modifier les opérations et l’autorité de la Commission canadienne des grains qui ne sont pas dans l’intérêt des producteurs de céréales et qui sapent le contrôle des normes de qualité des exportations de céréales du Canada.
L’UNF dispose d’une expertise de longue date sur la façon dont la
Loi sur les grains du Canada
(CGA), la Commission canadienne des grains (CCG) et la Loi sur les semences fonctionnent ensemble pour préserver la qualité de nos exportations de céréales et les intérêts de nos producteurs de céréales. Ces connaissances nous ont permis de reconnaître le danger que représentent pour nos fermières et notre système d’exportation de céréales les modifications injustifiées de la LGC.
- Le projet de loi C-4 contient des mesures qui n’ont pas été négociées dans le cadre de l’ACEUM :
- Traiter toutes les céréales cultivées aux États-Unis – et pas seulement le blé – de la même manière que les céréales cultivées au Canada
- Permettre aux céréales provenant de l’extérieur du Canada et des États-Unis d’être affectées à des grades canadiens
- Rendre les certificats d’exportation de la CCG facultatifs
- Affaiblissement de l’autorité de la CCG sur les grains contaminés
- Permettre aux silos de refuser la livraison pour des raisons autres que l’état ou l’infestation
- Exiger une déclaration de variété
- Réduire l’autorité de la CCG sur le transport des grains à l’intérieur du Canada
- Permettre l’incorporation par référence de documents de tiers
- Le débat à la Chambre des communes a été précipité et s’est concentré sur l’ACEUM, et non sur le texte même du projet de loi C-4, ce qui a permis l’adoption d’amendements inutiles à la loi sur les grains du Canada sans contrôle démocratique approprié.
- Les amendements du projet de loi C-4 ont des répercussions considérables sur l’intégrité des exportations de céréales du Canada et sur les moyens de subsistance des fermiers céréaliers canadiens.
- La loi sur les grains du Canada et la Commission canadienne des grains ont pour mandat de réglementer dans l’intérêt des producteurs de grains canadiens et de maintenir les normes de qualité des exportations de grains du Canada.
- Les amendements inutiles doivent être abrogés et remplacés
Le Canada a signé le nouvel accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM ) le 30 novembre 2018. Le 10 décembre 2019, le Canada a signé un accord sur les modifications du nouvel accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le projet de loi C-4, Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, a été présenté en première lecture au Parlement le 29 janvier 2020. Il a été adopté en deuxième lecture le 6 février et, le 27 février, le Comité permanent du commerce international (CIIT) a recommandé au Parlement de l’adopter sans modification. Le 13 mars, avant la fin de la troisième lecture à la Chambre des communes et sans examen par le Sénat, la Chambre et le Sénat ont adopté des motions considérant que le projet de loi C-4 avait été adopté lorsque le Parlement avait été ajourné en raison de la pandémie de grippe aviaire COVID 19. Le projet de loi a reçu l’assentiment royal le même jour. Le projet de loi devrait entrer en vigueur le 11 juin 2020 lors de l’entrée en vigueur de l’ACEUM (90 jours après la ratification de l’accord par le dernier pays (le Canada)).
Le gouvernement a annoncé une révision de la CGA, prévue du 1er avril au 30 juin 2020. Cet examen public de la loi était le lieu approprié pour proposer des modifications substantielles. Les articles 59 à 69 du projet de loi C-4 devraient être abrogés afin qu’ils puissent être examinés au cours du processus de consultation publique et, le cas échéant, introduits dans un nouveau projet de loi visant à modifier la loi sur les grains du Canada et faire l’objet d’un débat en bonne et due forme. Les modifications apportées aux CGA avant l’achèvement de cet examen devraient être le minimum nécessaire pour se conformer à l’ACEUM.
Ce que l’ACEUM dit des céréales
Le texte suivant est tiré du chapitre 3, Agriculture, du texte de l’ACEUM.
Article 3.A.4 de l’ACEUM : Grains
-
- Chaque partie accorde au blé originaire importé du territoire de l’autre partie un traitement non moins favorable que celui qu’elle accorde au blé similaire d’origine nationale en ce qui concerne l’attribution des grades de qualité, notamment en veillant à ce que toute mesure qu’elle adopte ou maintient concernant le classement du blé en fonction de sa qualité, que ce soit sur une base obligatoire ou volontaire, soit appliquée au blé importé sur la base des mêmes exigences que le blé d’origine nationale.
- Aucune partie n’exigera qu’une déclaration de pays d’origine soit délivrée sur un certificat de qualité pour du blé originaire importé du territoire de l’autre partie, tout en reconnaissant que les exigences phytosanitaires ou douanières peuvent exiger une telle déclaration.
- À la demande de l’autre partie, les parties examinent les questions liées au fonctionnement d’un système national de classement des grains ou de classes de grains, y compris les questions liées au système de réglementation des semences associé au fonctionnement d’un tel système, par le biais des mécanismes existants. Les parties s’efforcent de partager les meilleures pratiques concernant ces questions, le cas échéant.
- Le Canada exclut de l’application du droit à recettes maximales pour les céréales, établi en vertu de la loi sur les transports au Canada, ou de toute modification, remplacement ou amendement de celle-ci, les mouvements de produits agricoles originaires du Canada et expédiés via les ports de la côte ouest en vue d’être consommés aux États-Unis.
Vue d’ensemble du système d’exportation de céréales du Canada
La CGA est la principale législation régissant le secteur céréalier canadien. La CCG est l’agence responsable de la mise en œuvre de la loi. La loi donne mandat à la Commission pour « dans l’intérêt des producteurs de céréales, établir et maintenir des normes de qualité pour les céréales canadiennes et réglementer la manutention des céréales au Canada, afin d’assurer un produit fiable pour les marchés intérieurs et d’exportation ». (Article 13)
La CGA définit le terme « grain » comme « toute semence désignée par voie réglementaire comme grain aux fins de la présente loi » (article 2). L’article 5 (1) du règlement de la CGA stipule ce qui suit : « Les graines suivantes sont désignées comme grain aux fins de la Loi : orge, haricots, sarrasin, canola, pois chiches, maïs, féveroles, graines de lin, lentilles, grains mélangés, graines de moutarde, avoine, pois, colza, seigle, graines de carthame, graines de soja, graines de tournesol, triticale et blé. »
La CGA définit le « grain étranger » comme « tout grain cultivé à l’étranger, y compris les criblures d’un tel grain et tout produit céréalier fabriqué ou transformé à partir d’un tel grain » (article 2). Les certificats d’inspection des céréales cultivées à l’étranger doivent mentionner le pays d’origine des céréales ou les identifier comme des céréales étrangères (article 32, paragraphe 1, point b)). Il n’existe actuellement aucune disposition permettant d’attribuer un grade canadien aux céréales étrangères, de sorte que, par défaut, le blé cultivé aux États-Unis est isolé et se voit attribuer le grade le plus bas.
Les responsabilités de la CCG comprennent la recommandation et l’établissement de grades de grains et de normes pour ces grades, la mise en œuvre d’un système de classement et d’inspection des grains canadiens afin de refléter adéquatement la qualité de ces grains et de répondre aux besoins d’une commercialisation efficace au Canada et à l’étranger, ainsi que l’établissement et l’application de normes et de procédures régissant la manutention, le transport et le stockage des grains et les installations utilisées à cette fin.
La CGA confère également à la CCG un vaste pouvoir de réglementation qui lui permet, entre autres, de prendre des règlements régissant la manutention et le traitement des grains dans les silos, la réception, l’inspection, la manutention et le stockage des grains étrangers dans les silos, l’obligation pour les silos et les négociants en grains agréés de fournir à la Commission des renseignements sur la conduite et la gestion de leurs affaires, l’annulation des certificats d’inspection, la prescription de toute question devant être prescrite en vertu de la CGA et, de façon générale, la mise en œuvre des objectifs et des dispositions de la CGA.
La CCG rend également des décisions contraignantes, à la demande d’un fermier, en cas de litige sur les grades et/ou les impuretés lorsque le grain est livré à un silo agréé. Elle joue un rôle dans la réglementation du transport ferroviaire des céréales. Elle assure également l’inspection finale des cargaisons de céréales destinées à l’exportation à partir des ports canadiens et délivre à l’entreprise exportatrice un « certificat final » qui vérifie le contenu et la qualité de la cargaison.
La CGA et la loi sur les semences se recoupent en ce qui concerne les grades et les classes de céréales. La loi sur les semences garantit que la plupart des cultures commerciales du Canada sont semées avec des variétés de semences enregistrées qui répondent à diverses normes de qualité, de performance et de résistance aux maladies. La loi sur les semences est un élément important du système canadien de contrôle de la qualité, tant pour garantir la valeur de nos produits que pour protéger les fermières contre les marchands de semences peu scrupuleux. La CGA décourage la livraison de variétés non enregistrées, et le processus d’inspection de la CCG permet de faire respecter la désignation correcte des grains par grade et par classe.
En vertu de la CGA, la Commission canadienne des grains est habilitée à désigner la classe de grains pour laquelle les nouvelles variétés de grains sont éligibles. Le Canada compte 18 classes de blé différentes (7 pour l’Est et 11 pour l’Ouest), deux classes de lin (Ouest et Est) et huit classes d’orge (4 pour l’Est et 4 pour l’Ouest). Les variétés ne peuvent être enregistrées que si elles présentent les caractéristiques de qualité de l’utilisation finale requises pour une classe spécifique. Le processus d’enregistrement des variétés requiert des données d’essais pluriannuels démontrant leur performance dans les conditions canadiennes, ainsi qu’une évaluation finale par des panels de phytotechniciens, de fermiers et d’experts de l’industrie.
Le règlement C-4 étend les mesures de l’ACEUM au-delà du blé cultivé aux États-Unis pour inclure toutes les céréales cultivées aux États-Unis.
Le Canada n’impose aucune restriction à l’importation de blé (ou de toute autre céréale) en provenance d’autres pays par des utilisateurs finaux tels que les minoteries, les boulangeries ou les usines de pâtes alimentaires. Toutefois, si des céréales provenant d’un autre pays sont livrées à un silo à grains en tant que produit destiné à être exporté par l’intermédiaire de l’infrastructure de manutention des céréales agréée par le Canada, elles doivent être séparées, identifiées comme « céréales étrangères » et ne peuvent prétendre qu’au grade le plus bas possible.
L’article 3.A.4 (céréales) de l’ACEUM impose au Canada de traiter le blé cultivé aux États-Unis de la même manière que le blé cultivé au Canada en ce qui concerne le classement. Elle exige également que le blé cultivé aux États-Unis ne soit plus identifié quant à son pays d’origine lorsqu’il est livré dans le système céréalier canadien. Cet article a pour effet d’engager le Canada à donner accès au système canadien de manutention des céréales au blé cultivé aux États-Unis – et uniquement au blé – en lui permettant d’être traité de la même manière que s’il s’agissait de blé cultivé au Canada et exporté dans des cargaisons identifiées comme canadiennes.
L’article 62, paragraphe 3, du projet de loi C-4 modifie la loi sur les céréales de manière à ce que toutes les céréales – et pas seulement le blé – originaires des États-Unis puissent bénéficier du grade le plus élevé possible et ne soient ni séparées ni identifiées par pays d’origine. Le projet de loi C-4 outrepasse donc l’ACEUM, en donnant à toutes les céréales produites aux États-Unis l’accès aux grades canadiens – et donc à l’ensemble du système de manutention des céréales du Canada, y compris les silos, le système de transport ferroviaire et les installations portuaires. Alors que l’ACEUM exige que nous traitions le blé cultivé aux États-Unis de la même manière que le blé cultivé au Canada, le projet de loi C-4 exige également que le Canada traite l’orge, les haricots, le sarrasin, le canola, les pois chiches, le maïs, les féveroles, les graines de lin, les lentilles, les céréales mélangées, les graines de moutarde, l’avoine, les pois, le colza, le seigle, les graines de carthame, les graines de soja, les graines de tournesol et le triticale cultivés aux États-Unis comme s’ils étaient canadiens, et s’appliquerait à toutes les céréales ajoutées à l’avenir.
En vertu du projet de loi C-4, des céréales d’origine américaine seraient mélangées à des céréales d’origine canadienne dans les cargaisons destinées à l’exportation. Le projet de loi C-4 ne fait rien pour empêcher la livraison d’importantes cargaisons de céréales d’origine américaine à des silos terminaux canadiens et leur exportation comme s’il s’agissait de céréales canadiennes. Le projet de loi C-4 donne aux entreprises céréalières le feu vert pour utiliser des céréales d’origine américaine afin d’affaiblir les prix payés aux fermières canadiennes. Les silos agréés pourront s’approvisionner en blé, maïs, soja, orge, etc. américains à des prix inférieurs grâce aux subventions de la loi agricole américaine (US Farm Bill) et à d’autres mesures de soutien des prix dont ne bénéficient pas les fermiers canadiens, puis exporter les céréales comme si elles étaient originaires du Canada. Les problèmes résultant du mélange de céréales cultivées aux États-Unis dans les cargaisons canadiennes, tels que les impuretés contaminées par des graines de mauvaises herbes nuisibles tolérantes aux herbicides (comme l’amarante de Palmer) que l’on ne trouve pas au Canada, sont plus susceptibles de se produire et seront plus difficiles, plus coûteux, voire impossibles à résoudre. Le projet de loi C-4 menace les nombreuses années de travail des délégations commerciales et des institutions canadiennes pour développer et promouvoir les céréales canadiennes, leur qualité, leur fiabilité et l’image de marque positive des céréales canadiennes qui leur a permis d’obtenir des prix élevés.
L’inclusion de toutes les céréales cultivées aux États-Unis, au lieu du seul blé, dans le projet de loi C-4 devrait également avoir un impact sur notre système de transport ferroviaire et sur sa réglementation. En donnant accès à tous les types de céréales produites aux États-Unis, le volume transporté ne serait plus strictement lié à l’importance des récoltes canadiennes.
Le transport de céréales est réglementé par la division VI de la
Loi sur les transports au Canada
par le biais du droit à recettes maximales (MRE), également connu sous le nom de « plafond de recettes ». Le MRE réglemente chaque année les taux de fret, garantissant un bon bénéfice aux chemins de fer et plafonnant le taux facturé par kilomètre chargé. Le Canada a adopté des taux de fret réglementés pour les céréales afin d’empêcher les chemins de fer de prendre en otage les expéditeurs de céréales, puisque les céréales destinées aux ports d’exportation n’ont pas d’autre choix que le transport ferroviaire. En revanche, le système ferroviaire américain n’est pas réglementé, ce qui oblige les expéditeurs de céréales à faire des offres pour l’accès à d’autres marchandises. Il est probable que les expéditeurs américains préfèrent le système réglementé du Canada au système américain plus coûteux, d’autant plus que le changement climatique rend le système de barges du Mississippi moins fiable. Cela exercerait une pression sur la capacité de nos chemins de fer et conduirait le lobby des chemins de fer à demander le remplacement des MRE par le système américain. Nous sommes certainement préoccupés par l’impact du blé cultivé aux États-Unis sur notre système de transport, mais il serait extrêmement irresponsable d’ajouter inutilement toutes les autres céréales cultivées aux États-Unis.
Bien que tous ces problèmes affecteront le blé canadien une fois que les engagements de l’ACEUM concernant le blé cultivé aux États-Unis entreront en vigueur, il n’est pas nécessaire de multiplier les risques, les pertes et les coûts pour les fermiers canadiens, Il n’est pas nécessaire de multiplier les risques, les pertes et les coûts pour les agriculteurs, la réputation internationale et les marchés du Canada en étendant inutilement et volontairement l’accès à notre système à l’orge, aux haricots, au sarrasin, au canola, aux pois chiches, au maïs, aux féveroles, aux graines de lin, aux lentilles, aux céréales mélangées, aux graines de moutarde, à l’avoine, aux pois, au colza, au seigle, aux graines de carthame, aux graines de soja, aux graines de tournesol et au triticale cultivés aux États-Unis.
Nous pensons que les exigences de l’ACEUM seraient satisfaites en modifiant la définition de « grain étranger » et l’obligation d’indiquer le lieu où le grain non étranger est cultivé sur les certificats d’inspection délivrés lorsque le grain est reçu par un silo agréé. Pour ce faire, il suffirait d’apporter de simples modifications au CGA, par exemple :
Les définitions des céréales étrangères ,
grain de l’Est
et
grain de l’Ouest
de l’article 2 de la même loi sont remplacées par les définitions suivantes : « grain étranger », « grain oriental » et « grain occidental » :
- grain étranger: tout grain cultivé en dehors du Canada , à l’exception du blé cultivé aux États-Unis, y compris les criblures d’un tel grain et tout produit céréalier fabriqué ou transformé à partir d’un tel grain ;(foreigngrain) ;
- grain del‘Est : le grain, autre que le grain étranger, livré dans la division de l’Est ;
- grain de l’Ouest: le grain, autre que le grain étranger, livré dans la division Ouest.(western grain) : les céréales autres que les céréales étrangères, livrées dans la division Ouest.
L’article 32, paragraphe 1, point a), de la même loi, avant le sous-paragraphe i) , est remplacé par ce qui suit : (a) s’il ne s’agit pas de grains étrangers,
Difficulté de protéger l’intégrité des grades lorsque le blé américain est livré dans le système canadien
Autoriser le blé cultivé aux États-Unis dans notre système d’exportation est compliqué par les défis à relever pour s’assurer que les grades canadiens ne sont pas attribués à des variétés de blé cultivées aux États-Unis qui ne sont pas enregistrées au Canada. L’article 67 du projet de loi C-4 exige que les fermiers et les silos fassent une déclaration véridique quant à la variété livrée, le format devant être défini par voie réglementaire. La mise en œuvre de cette mesure pourrait avoir des effets négatifs sur les moyens de subsistance des fermiers canadiens si elle entraîne des restrictions sur l’utilisation des semences conservées à la ferme.
L’article 65 du projet de loi C-4 permet aux silos agréés de refuser la livraison de céréales produites à partir de semences d’une variété qui n’est pas enregistrée en vertu de la loi sur les semencespour la vente ou l’importation au Canada. Bien qu’à première vue cela puisse sembler être un mécanisme visant à protéger notre système des variétés non enregistrées, la décision d’accepter ou de rejeter les variétés non enregistrées sera prise par l’éleveur. Rien n’empêche un silo d’accepter des variétés non enregistrées cultivées aux États-Unis. Actuellement, s’il y a de la place dans l’installation, les silos à grains ne peuvent refuser que les grains hors d’état (trop humides pour être stockés en toute sécurité) ou infestés de parasites. Les grains de variétés non enregistrées peuvent être livrés, mais ils doivent être conservés séparément et se voir attribuer le grade le plus bas. Cela décourage la livraison de variétés non enregistrées, mais ne l’interdit pas.
L’importance de l’article 65 est renforcée par les récentes modifications apportées à la loi sur la protection des obtentions végétales. Depuis février 2015, les variétés nouvellement introduites peuvent bénéficier d’une protection dans le cadre du régime de droits de propriété intellectuelle de l’UPOV 91. La loi sur les droits d’obtenteur permet d’adopter des règlements qui empêcheraient les fermières utilisant de nouvelles variétés de planter des semences conservées à la ferme, à moins qu’elles ne versent chaque année une redevance au titulaire du droit d’obtenteur. En 2019, le gouvernement fédéral a commencé à prendre des mesures en vue d’introduire des réglementations qui établiraient un tel système. En raison de l’opposition massive des fermiers, cette initiative a été suspendue. Les variétés déjà commercialisées avant 2015 ne sont pas soumises aux nouvelles dispositions relatives à la perception des redevances. Toutefois, les modifications apportées en 2013 au règlement relatif à la loi sur les semences permettent aux entreprises de semences de supprimer l’enregistrement de variétés plus anciennes à leur guise. L’article 65 incite fortement les obtenteurs à radier les anciennes variétés afin d’obliger les fermières à acheter de nouvelles variétés et à payer des redevances chaque année.
La clause 65 permet également aux silos agréés de refuser la livraison de céréales si celles-ci sont contaminées par un produit antiparasitaire qui n’est pas homologué au Canada. Bien que cette mesure semble être un moyen de protéger la qualité des exportations canadiennes contre les risques accrus liés à l’acceptation de céréales cultivées aux États-Unis, elle n’obligepas les silos à refuser les céréales contaminées par des pesticides. En vertu de la loi actuelle, la CCG est habilitée à définir les grains contaminés et à en refuser la livraison.
Le fait d’autoriser l’entrée dans notre système de blé cultivé aux États-Unis par l’intermédiaire de l’ACEUM pose un défi majeur à la CCG : comment protéger nos exportations canadiennes de l’adultération par des variétés de blé américain non enregistrées et du blé contenant des résidus de produits antiparasitaires qui n’ont pas été approuvés au Canada – sans conférer un pouvoir excessif aux sociétés céréalières ni imposer des coûts excessifs aux fermières canadiennes. Le mandat de la CCG est de réglementer dans l’intérêt des producteurs ET de maintenir des normes de qualité pour les grains canadiens. Les articles 65 et 67 du projet de loi C-4 ne fournissent pas à la CCG les outils réglementaires nécessaires pour remplir ce mandat.
Les amendements du projet de loi C-4 qui ne sont pas nécessaires à la mise en œuvre de l’ACEUM devraient être abrogés
Le projet de loi C-4 contient d’autres mesures néfastes qui ne figurent pas dans l’ACEUM :
- Permettre aux céréales provenant de l’extérieur du Canada et des États-Unis d’être affectées à des grades canadiens
- Rendre les certificats d’exportation de la CCG facultatifs
- Affaiblissement de l’autorité de la CCG sur les grains contaminés
- Réduire l’autorité de la CCG sur le transport des grains à l’intérieur du Canada
- Permettre l’incorporation par référence de documents de tiers
Permettre aux céréales provenant de l’extérieur du Canada et des États-Unis d’être affectées à des grades canadiens
L’article 68 du projet de loi C-4 permet à la CCG d’adopter des règlements autorisant les inspecteurs à attribuer des grades canadiens aux grains importés de pays autres que les États-Unis. Cette clause suggère que le gouvernement envisage d’utiliser l’accès à notre système comme monnaie d’échange dans les négociations de futurs accords commerciaux, ou d’autoriser volontairement les sociétés céréalières à utiliser notre système de manutention agréé pour « laver les grains » des cargaisons provenant de pays où les mécanismes de contrôle de la qualité sont faibles ou inexistants et les exporter comme s’ils avaient été cultivés au Canada par des fermières canadiennes. Cela n’est clairement pas dans l’intérêt des producteurs et est en contradiction avec le mandat de la CCG.
Rendre les certificats d’exportation de la CCG facultatifs
Actuellement, la CCG délivre un « certificat final » comme dernière étape de la procédure d’inspection officielle des envois à l’exportation. L’article 63 du projet de loi C-4 rendrait facultative la délivrance d’un certificat d’exportation officiel de la CCG et permettrait à la CCG de délivrer d’autres documents à la place des certificats d’exportation. Cet amendement permet de diluer notre système de contrôle de la qualité et n’est pas requis par l’ACEUM.
Affaiblissement de l’autorité de la CCG sur les grains contaminés
L ‘article 61 du projet de loi C-4 modifie la définition de » grain contaminé« , ce qui réduit l’autonomie de la CCG en matière de définition et de traitement des grains contaminés par rapport à ce que prévoit cet article. Cette autorité devrait être maintenue à la lumière des risques accrus résultant des livraisons de blé cultivé aux États-Unis.
Réduire l’autorité de la CCG sur le transport des grains à l’intérieur du Canada
L’article 67 du projet de loi C-4 élimine les restrictions existantes sur le transport du grain entre l’Est et l’Ouest du Canada sans l’autorisation de la CCG. Cela affaiblit la capacité de la CCG à protéger la qualité des expéditions à l’exportation. Le système canadien de classement des grains travaille en étroite collaboration avec le système d’enregistrement des variétés de semences afin de fournir aux acheteurs des caractéristiques d’utilisation finale fiables, organisées par « classe ». En raison des différences de conditions de croissance entre les Prairies et l’Est du Canada, nous avons deux séries de cours : Ouest et Est. En éliminant la restriction sur le transport entre l’Est et l’Ouest, le projet de loi C-4 donne la possibilité aux sociétés céréalières de mélanger indûment les classes de blé de l’Est et de l’Ouest et de faire de fausses déclarations aux clients à l’exportation.
Adoption inutile d’un texte autorisant l’ajout de caractéristiques de qualité dans les notes
L’article 66 du projet de loi C-4 confère à la CCG le pouvoir d’ajouter des caractéristiques de qualité aux grades de grain, ce qui n’est pas nécessaire pour assurer la conformité à l’ACEUM et est redondant. La CCG a déjà le pouvoir de définir les grades en vertu de l’article 16 (1) de la Loi sur les grains du Canada, qui stipule ce qui suit : « La Commission peut, par règlement, établir des grades et des appellations de grade pour tout type de grain de l’Ouest et de l’Est, établir les spécifications de ces grades et définir une ou plusieurs méthodes, visuelles ou autres, pour déterminer les caractéristiques du grain en vue de répondre aux exigences de qualité des acheteurs de grain.
Permettre l’incorporation par référence de documents detiers
L’article 69 du projet de loi C-4 permet à la CCG de créer des règlements qui incorporent par renvoi tout document, quelle qu’en soit la source, soit tel qu’il existe à une date donnée, soit tel qu’il est modifié de temps à autre. Cela n’est pas exigé par l’ACEUM. Lorsque des documents appartenant à des tiers sont incorporés par référence, le lien entre la réglementation et le processus démocratique est rompu. Cette clause permet à des tiers non élus de créer des règles qui ont force de loi, simplement en modifiant un document qui a été incorporé par référence.
Les partisans de l’incorporation par référence suggèrent qu’elle est efficace, puisque le règlement proposé ne doit pas faire l’objet d’une analyse réglementaire et d’un examen public. Nous pensons que le temps consacré aux processus démocratiques est bien utilisé et qu’il révèle souvent des aspects importants de la réglementation qui n’avaient pas été pris en compte par l’autorité de régulation. La CCG a fait l’objet d’un lobbying intense de la part des multinationales céréalières et des semenciers qui souhaiteraient exercer leurs activités au Canada avec peu de contraintes. Ces entreprises ont les poches pleines et disposent de nombreux canaux pour accéder aux décideurs. Il existe un risque évident qu’une future CCG soit influencée par ces lobbyistes, et l’incorporation par référence pourrait être utilisée de manière inappropriée pour transférer l’autorité réglementaire publique à ces entreprises en leur permettant d’élaborer et de gérer les documents qui régissent les fermières.
Les erreurs du projet de loi C-4 doivent être corrigées
La réputation internationale du Canada en tant que fournisseur de céréales de qualité supérieure a été construite et méritée grâce à des institutions publiques bien conçues et à des fermières qui travaillent ensemble dans l’intérêt du public depuis des décennies. L’investissement en temps, en expertise, en connaissances et en engagement qui a permis d’injecter des milliards de dollars dans l’économie canadienne est en jeu. Le maintien des modifications apportées par le projet de loi C-4 à la Loi sur les grains du Canada réduirait à néant les avantages de ces efforts et irait à l’encontre du mandat de la CCG.