Nous ne sommes pas seulement opposés à Earl’s – un meilleur système est à notre portée
Lorsque Earl’s a annoncé qu’il ne parvenait pas à trouver un approvisionnement suffisamment important et régulier de bœuf canadien répondant à ses critères, la réaction a été rapide et émotionnelle. Cependant, la décision d’Earl en matière d’approvisionnement souligne également la nécessité pour le Canada de diversifier son système de production de viande bovine afin de créer davantage de valeur pour les fermiers et les consommateurs.
Tout d’abord, nous devons examiner à quel niveau de la chaîne d’approvisionnement sont prises les décisions concernant les hormones synthétiques, les antibiotiques et les méthodes d’abattage. Plus de 90 % de la viande bovine canadienne inspectée par le gouvernement fédéral est abattue et transformée par deux entreprises étrangères – JBS (Brésil) et Cargill (États-Unis) – dans deux usines d’emballage en Alberta et une en Ontario. Ces entreprises possèdent les parcs d’engraissement où elles engraissent une grande partie des bovins qui approvisionnent leurs usines de conditionnement. Ils ont une grande influence sur le prix payé pour le bétail et donc sur le type de pratiques qui rendent les autres parcs d’engraissement économiquement viables.
Il est compréhensible que les fermières familiales se sentent injustement étiquetées par la décision d’Earl. Les fermières n’ont pas leur mot à dire sur les méthodes d’abattage des usines de conditionnement ni sur les produits pharmaceutiques utilisés par les grands parcs d’engraissement. Les fermiers et les éleveurs canadiens élèvent généralement des animaux de boucherie dans des troupeaux relativement petits qui passent l’été à brouter dans les pâturages. Les éleveurs naisseurs n’utilisent généralement pas d’implants hormonaux ni d’antibiotiques dans les aliments pour animaux, car ils sont à la fois coûteux et inutiles. Les antibiotiques sont utilisés si nécessaire pour traiter les animaux malades, ce qui est une pratique humaine. Certains fermiers sont en mesure de finir leur viande (à l’herbe ou au grain) puis de la commercialiser directement auprès des consommateurs ou d’approvisionner des marchés de niche tels que les restaurants et les détaillants spécialisés, et d’obtenir ainsi un bon prix qui reflète leurs méthodes de production. La plupart d’entre eux doivent cependant vendre dans le système contrôlé par Cargill et JBS et accepter le prix offert. Il n’est pas juste de blâmer le fermiere pour les décisions de ces sociétés.
Nous aimerions mettre au défi les chaînes de restaurants telles que Earl’s de trouver un moyen de soutenir les fermières canadiennes tout en écoutant leurs clients et en évitant l’empreinte écologique de l’importation de viande en provenance des États-Unis. Ne pourraient-ils pas travailler avec un réseau d’abattoirs locaux, inspectés par les autorités provinciales, qui passeraient des contrats avec des fermières produisant selon leurs spécifications ? Les éleveurs de vaches-veaux sont déjà d’accord. Il pourrait être nécessaire de créer des parcs d’engraissement plus petits pour finir le bétail sans utiliser d’hormones et d’antibiotiques prophylactiques. Certains abattoirs pourraient avoir besoin d’investir dans des améliorations, mais avec un marché assuré, ils devraient être prêts à le faire. Cet investissement leur permettrait également de desservir un marché plus large. L’intérêt croissant des consommateurs pour les produits alimentaires locaux devrait entraîner une augmentation de la demande. Une telle approche contribuerait à la localisation du système alimentaire en aidant à créer un marché pour les producteurs de viande bovine dans chaque province où la chaîne de restaurants opère, et contribuerait à l’infrastructure nécessaire aux systèmes alimentaires locaux.
Le fait qu’Earl’s ait choisi de se tourner vers les États-Unis pour trouver une source fiable de 900 tonnes par an montre également que le Canada est loin d’être en mesure de tirer profit de l’accord commercial de l’AECG. S’il est ratifié, l’AECG donnera au Canada un accès au marché pour exporter plus de 50 000 tonnes de bœuf par an vers l’Union européenne. Toutefois, comme Earl’s, l’UE exclut le bœuf produit avec des hormones synthétiques et des antibiotiques, bien qu’elle n’exige pas les méthodes d’abattage sans cruauté de Temple Grandin.
L’Agence canadienne d’inspection des aliments a aidé les grandes entreprises étrangères à dominer le secteur de la viande bovine inspectée par le gouvernement fédéral en concevant un système réglementaire qui rend l’exploitation des abattoirs si coûteuse qu’elle exclut en grande partie les petites entreprises. Entre-temps, les groupements de producteurs de viande bovine semblent peu enclins à remettre en cause le statu quo. La situation du comte est très visible, mais ce n’est qu’une des opportunités que nos fermières ont perdues en raison de l’absence d’alternatives dans le système canadien.
Transformons la décision de l’Earl d’un point négatif en un point positif. Il met en lumière le secteur canadien du bœuf axé sur les produits de base et l’absurdité des affirmations selon lesquelles l’AECG va aider les fermières. Les fermiers, les éleveurs et les consommateurs se porteraient beaucoup mieux si la politique agricole et alimentaire du Canada s’orientait vers le soutien d’un système diversifié, viable et transparent qui permettrait aux entreprises orientées vers le consommateur de s’approvisionner en totalité auprès des exploitations agricoles canadiennes. Peut-être que les clients d’Earl’s convaincront également l’entreprise d’ajouter la mention « élevé localement » à ses critères d’approvisionnement éthique.