Lettre ouverte : Le Canada doit soutenir l’accès mondial aux vaccins COVID-19 à l’OMC
Cette lettre a été envoyée au Premier ministre Justin Trudeau le 10 mars 2021.
Monsieur le Premier ministre,
Depuis le début de la pandémie, les dirigeants du monde entier ont évoqué à maintes reprises la nécessité d’une solidarité mondiale pour nous permettre de surmonter cette crise sanitaire unique en son genre. Vous ont été parmi les premiers à réclamer l’égalité d’accès aux technologies de santé COVID-19 à l’échelle mondiale. Mais au fil du temps, les appels à l’unité ont été suivis d’un manque d’engagement décevant de la part de nombreuses nations plus riches, dont le Canada.
La réticence du Canada à soutenir une proposition de l’Organisation mondiale du commerce visant à rendre les vaccins, les traitements et les technologies liés au COVID plus abordables et plus facilement accessibles à tous les pays est un exemple flagrant de ce décalage entre les paroles et les actes.
En octobre 2020, l’Afrique du Sud et l’Inde ont conclu une proposition commune de déroger temporairement à certaines obligations découlant de l’OMC Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPS) jusqu’à ce que l’urgence COVID-19 soit terminée. Cette dérogation signifierait que les États membres de l’OMC ne seraient pas tenus d’accorder ou de faire respecter les brevets et autres droits de propriété intellectuelle couvrant les médicaments, vaccins et diagnostics COVID-19, ainsi que d’autres technologies telles que les masques et les ventilateurs.
Cette proposition de dérogation n’est pas une panacée. Mais avec la suppression de ces barrières et restrictions, les États membres de l’OMC et la communauté scientifique peuvent continuer à travailler au développement et à la distribution de nouveaux diagnostics, vaccins, médicaments et fournitures médicales, sans craindre les risques de litiges et les sanctions commerciales prévues par l’accord sur les ADPIC.
Dans l’état actuel des choses, la technologie et les connaissances en matière de vaccins sont traitées comme une propriété privée par les sociétés pharmaceutiques, bien qu’une grande partie de cette recherche ait été financée par plus de 100 milliards de dollars de l’argent des contribuables. Alors que les communautés du monde entier s’adaptent à la « nouvelle normalité » de la pandémie, les entreprises pharmaceutiques poursuivent leurs activités comme si de rien n’était. Grâce à leurs droits exclusifs et à leurs monopoles protégés par l’OMC, les entreprises pharmaceutiques sont en mesure de pratiquer des prix plus élevés et d’inhiber la concurrence des génériques, dont il a été démontré à maintes reprises qu’elle était essentielle pour faire baisser les prix et les maintenir à un niveau bas, en particulier pour les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Dans le contexte de l’urgence sanitaire actuelle, il en résulte que des pays riches comme le Canada passent des contrats privés avec des fabricants de vaccins, alors que de nombreux pays en développement n’ont reçu aucune dose de vaccin. Alors que le Canada a commandé suffisamment de doses des multiples vaccins disponibles pour inoculer plusieurs fois sa population, certaines estimations indiquent que les vaccins ne seront pas disponibles pour un cinquième de la population mondiale avant 2022.
La proposition faite à l’OMC de lever temporairement certaines restrictions de l’accord sur les ADPIC contribuerait à lever les obstacles à l’extension de la fabrication et de la fourniture des outils médicaux COVID-19, qui sauvent des vies, dans le monde entier. Le Canada a maintenu qu’il n’avait pas rejeté cette proposition. Mais le Canada n’a pas non plus dit oui, se joignant à l’Australie, au Brésil, à l’UE, au Japon, à la Norvège, à la Suisse, au Royaume-Uni et aux États-Unis pour faire obstruction à la dérogation au sein du Conseil des ADPIC de l’OMC.
Le Canada prétend à tort que les flexibilités existantes dans l’accord sur les ADPIC, telles que celles relatives à la délivrance de licences obligatoires pour la fabrication de médicaments brevetés (comme affirmé dans la déclaration de Doha de 2001 sur l’accord sur les ADPIC et la santé publique), sont suffisantes. Toutefois, comme l’ont souligné Médecins sans frontières et d’autres défenseurs de la santé, ces assouplissements ne sont accessibles qu’au cas par cas et il faut parfois des années pour trouver un accord avec les entreprises détentrices de brevets ou les gouvernements étrangers. Pour répondre au COVID-19, il faut que les produits soumis à des brevets exclusifs et à d’autres revendications et restrictions en matière de propriété intellectuelle deviennent accessibles et abordables. maintenant.
Le mois dernier, plus de 400 organisations aux États-Unis ont appelé le président Joe Biden à soutenir la dérogation au Conseil des ADPIC. Plus de 100 organisations de la société civile ont appelé le Parlement européen à la soutenir également, ainsi que de nombreux parlementaires européens eux-mêmes. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé appelle les États membres, dont le Canada, à soutenir cette dérogation. Les organisations de la société civile et les syndicats canadiens lancent des appels similaires depuis des mois.
La pandémie de COVID-19 est la crise sanitaire et économique mondiale la plus grave depuis des générations. Au Canada et dans le monde entier, le virus a touché de manière disproportionnée les femmes, les travailleurs migrants et les travailleurs à bas salaires, les groupes racialisés et les autres groupes marginalisés. Des millions de vies ont été perdues à cause de ce virus.
Tout le monde, partout, doit sortir de cette pandémie le plus rapidement possible. Le Canada doit participer à l’effort mondial pour sauver des vies, et non y faire obstacle. Nous demandons au gouvernement canadien de soutenir la dérogation dès maintenant.
Signé :
Réseau pour la justice commerciale
Amnistie internationale Canada francophone
Amnesty International Canada
Centre canadien de politiques alternatives (CCPA)
Métallurgistes unis (USW)
Groupe de 78
Union Nationale des Fermiers
Syndicat national des employés publics et généraux (NUPGE)
Unifor
Mines Alerte Canada
Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
Réseau juridique VIH
CWA Canada, Le syndicat des médias
Coalition canadienne de la santé
Alliance de la fonction publique du Canada
Justice commerciale Î.-P.-É.
Réseau de défense des grands-mères
Jésuites canadiens internationaux
Coalition interagences sur le sida et le développement
Société canadienne du sida
Action Canada pour la santé et les droits sexuels
KAIROS : Canadian Ecumenical Justice Initiatives | Initiatives oecuméniques Canadiennes pour la justice
Réseau canadien autochtone du sida
Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers
Ministère de la justice sociale, de la paix et de la protection de la création avec les Sœurs de Saint-Joseph de Toronto
Service jésuite des réfugiés – Canada
Forum jésuite pour la foi sociale et la justice
Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC)
Congrès des syndicats de retraités du Canada
ATTAC-Québec
Canadian Coalition for Global Health Research / La Coalition Canadienne pour la recherche en santé mondiale
Council of Canadians | Le Conseil des Canadiens
Les amis de l’assurance-maladie
Canadian Society for International Health / Société canadienne pour la santé internationale
The United Church of Canada | L’Eglise Unie du Canada
Syndicat des employés de l’hôpital
Centre Oblat – Une voix pour la justice
Alliance des travailleurs migrants pour le changement
Dérogation_OMC_Justin_Trudeau_10mars2021
WTO_waiver_Justin_Trudeau_10March2021