National | Lettre

Lettre au Premier ministre sur le respect des engagements de l’accord de Paris

Le très honorable Justin Trudeau, C.P., député
Premier ministre du Canada
Chambre des communes
Ottawa, ON K1A 0A6

Courriel : justin.trudeau@parl.gc.ca

Monsieur le Premier ministre :

RE : Respecter les engagements pris par le Canada dans le cadre de l’accord de Paris en matière de lutte contre le changement climatique et de transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

The () soutient l’engagement du Canada à prendre des mesures pour empêcher que les températures mondiales n’augmentent de plus de 1,5 degré par rapport aux niveaux préindustriels.

Les fermiers sont en première ligne face au changement climatique, car ils font partie de ceux qui dépendent le plus d’un climat et de conditions météorologiques favorables pour gagner leur vie. Nous avons besoin de stabilité climatique pour produire nos cultures, élever notre bétail et maintenir la santé de notre écosystème agricole – et pour fournir les aliments que les Canadiens mangent. Nous sommes également en mesure d’avoir un impact significatif sur l’empreinte carbone du Canada en modifiant nos pratiques agricoles. L’adaptation et l’atténuation sont toutes deux nécessaires pour que l’agriculture joue son rôle dans la prévention d’un changement climatique catastrophique et pour que la production alimentaire et les moyens de subsistance des fermières soient maintenus dans un avenir climatique de plus en plus incertain.

Les scénarios de chaos climatique sont nombreux. La peur et le déni sont des réactions courantes. Mais regardons notre situation en face et agissons. Nous envisageons un avenir respectueux du climat qui incarne les valeurs démocratiques, la santé et la justice. Pour créer un tel avenir, le Canada doit délibérément confronter et modifier les relations de pouvoir – nous ne pouvons pas nous contenter de compter sur les mécanismes du marché et la technologie.

Le site appelle à des politiques alimentaires et agricoles qui favorisent des moyens de subsistance équitables pour les fermières, les travailleurs agricoles et les personnes impliquées dans le système de transformation des aliments. Nous avons besoin de politiques agricoles qui permettent aux fermières de rester sur leurs terres et d’utiliser des pratiques agronomiques qui favorisent la santé des sols et la qualité de l’eau à long terme et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que la production d’aliments nutritifs et sains, et qui soutiennent des normes élevées en matière de bien-être animal. Nous devons faire en sorte que l’agriculture soit une vocation attrayante pour les jeunes et que les fermières et fermiers plus âgés puissent prendre leur retraite dans la dignité. Notre politique agricole doit soutenir une diversité de types et de tailles d’exploitations, afin que notre système alimentaire ait la résilience nécessaire pour survivre dans un climat de plus en plus imprévisible. Une telle politique alimentaire et climatique tournée vers l’avenir garantira également que nos communautés rurales restent des lieux viables et attrayants où les Canadiens peuvent élever leurs familles et mener une vie épanouissante et productive. Pour atteindre ces objectifs, nous devons accorder la priorité à notre alimentation et à nos fermières, tout en respectant le droit des autres pays à prendre soin de leur population de la même manière.

La justice climatique exigera du Canada qu’il renonce à maximiser le commerce des produits agricoles et qu’il fasse de la souveraineté alimentaire son principal objectif politique. Cela signifie que la politique alimentaire et agricole doit être conçue de manière à garantir la capacité des fermières canadiennes à fournir des aliments sains à la population. Il doit favoriser le développement des connaissances et des compétences en matière de production et de préparation des denrées alimentaires. Elle doit fonctionner avec la nature, fournir des moyens de subsistance décents aux fournisseurs de denrées alimentaires, localiser la production et démocratiser le contrôle du système alimentaire.

La politique agricole axée sur le commerce a simultanément augmenté les distances parcourues par les aliments et les émissions de gaz à effet de serre et fragilisé notre système alimentaire. Les consommateurs canadiens consomment plus que jamais des aliments produits dans d’autres pays. Le revenu agricole n’a pas bénéficié de l’augmentation des exportations. Les prix des matières premières et les marchés d’exportation sont soumis à la volatilité des taux de change et à des événements politiques que nous ne pouvons pas contrôler. Les accords commerciaux tels que l’AECG et le TPP non seulement accélèrent ces tendances dangereuses, mais limitent également la capacité du Canada à mettre en œuvre des politiques publiques respectueuses du climat. Nous ne devons pas exacerber l’incertitude de notre climat futur par des risques inutiles résultant de notre dépendance à l’égard des importations pour la majeure partie de notre alimentation et de la vente d’une gamme restreinte de produits agricoles sur des marchés étrangers volatils.

L’Accord de Paris fournit des orientations concernant la manière dont les pays doivent mettre en œuvre leurs engagements en matière de réduction des GES et d’adaptation au climat. Les points qui sont particulièrement pertinents pour l’agriculture sont les suivants :

  • mettre en œuvre l’adaptation et l’atténuation d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire ;
  • fixer des objectifs d’émissions pour l’ensemble de l’économie ;
  • reconnaître l’importance d’approches non marchandes intégrées, holistiques et équilibrées en matière d’atténuation et d’adaptation ;
  • en reconnaissant que plus l’atténuation est importante, moins les besoins en matière d’adaptation sont élevés ;
  • Les mesures d’adaptation doivent tenir compte des connaissances traditionnelles et de celles des peuples autochtones, ainsi que de la science occidentale ;
  • renforcer la résilience des systèmes socio-économiques et écologiques ;
  • minimiser les pertes et les dommages dus aux effets aigus et lents du changement climatique ;
  • et notant que le leadership des pays inclut un rôle significatif des fonds publics dans la mobilisation des stratégies d’action climatique.

Nombre de ces points sont en contradiction avec les termes du TPP et de l’AECG. Ces accords commerciaux enrichiraient les entreprises mondiales à court terme, mais nuiraient gravement à la capacité du Canada à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. La stabilisation du climat est le devoir le plus important de notre génération, et nos actions – ou notre inaction – auront des conséquences à long terme. Il est donc impératif que le Canada choisisse Paris plutôt que les accords commerciaux.

Il a été suggéré qu’un marché du carbone fondé sur un système de plafonnement et d’échange pourrait rémunérer les fermières pour la séquestration du carbone dans les sols. Toutefois, cette approche suscite de sérieuses inquiétudes. Le piégeage du carbone dans les sols est temporaire et a des limites : il peut facilement être relâché dans l’atmosphère. Il pourrait en résulter une dette financière si l’on demandait aux fermières de rembourser leurs crédits antérieurs et/ou une incapacité à équilibrer les émissions et les puits de carbone. Pour que le marché soit légitime, il faudrait que des tiers indépendants mesurent avec précision les ajouts et les pertes de carbone dans le sol. C’est à la fois difficile et coûteux, et cela détournerait les ressources nécessaires de l’action. Enfin, un marché du carbone fondé sur le plafonnement et l’échange profiterait principalement au secteur financier en fournissant un nouveau type de produit dérivé à échanger. Le financement direct de mesures d’atténuation et d’adaptation efficaces pour l’agriculture, qui permettront également de renforcer le carbone du sol et de réduire les émissions de GES (y compris le méthane et l’oxyde nitreux, et pas seulement le CO2), constituerait une meilleure utilisation des ressources limitées.

Les exploitations agricoles canadiennes sont le maillon intermédiaire de la chaîne de production alimentaire, avec d’un côté de puissants fournisseurs d’intrants et de l’autre de puissants transformateurs et détaillants. Si un système de taxe sur le carbone est mis en place, les entreprises situées en amont des fermières utiliseront probablement leur pouvoir de marché pour répercuter les taxes sur le carbone au niveau des exploitations agricoles sous la forme d’une augmentation du coût des intrants. Ceux qui se trouvent en aval des fermières répercuteront probablement les taxes sur le carbone sur les agriculteurs familiaux sous la forme d’une baisse des prix des céréales et du bétail. Ainsi, les fermières seraient contraintes de payer les taxes sur le carbone à chaque maillon de la chaîne, ce qui intensifierait la compression des coûts et des prix qui nuit déjà aux revenus agricoles, à tel point qu’environ 80 % des revenus agricoles familiaux sont aujourd’hui obtenus grâce à des emplois hors de l’exploitation.

Les mêmes acteurs puissants qui peuvent se décharger des taxes sur le carbone sur les fermières ont également construit la structure énergivore de l’agriculture canadienne. Les fermières ont protesté lorsque les compagnies céréalières et les chemins de fer ont supprimé les silos de collecte et détruit les embranchements ferroviaires, obligeant les agriculteurs à utiliser des camions moins économes en énergie pour transporter les céréales sur de plus longues distances. La production locale de fruits et légumes a été entravée par les détaillants et les fabricants de produits alimentaires qui centralisent de plus en plus la transformation et la distribution des produits alimentaires au Canada, ou la délocalisent dans des pays où les coûts sont moins élevés et les réglementations plus souples. Ce ne sont là que quelques exemples de changements à grande échelle auxquels les fermières ont résisté et qui ont également augmenté l’intensité énergétique du système alimentaire.

À court terme, les fermières ne peuvent pas répondre aux taxes sur le carbone en modifiant de manière significative l’utilisation de l’énergie dans leurs exploitations ou dans le système alimentaire. Mais à moyen et long terme, les fermières, en collaboration avec les gouvernements et les citoyens, veulent restructurer radicalement le système alimentaire afin de réduire les émissions et de créer un système alimentaire plus local et plus durable.

L’Accord de Paris reconnaît les défis particuliers que pose le développement d’une économie respectueuse du climat tout en assurant une production alimentaire durable. Les politiques en matière de carbone doivent être soigneusement conçues pour être à la fois équitables et efficaces.

Le site souhaite vivement jouer un rôle de premier plan dans la transition vers une économie neutre en carbone. Nous travaillons dans tout le Canada sur un projet de recherche détaillé et un plan d’action visant à identifier les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre des systèmes agricoles et alimentaires. Les résultats et les recommandations seront publiés début 2017. Nous avons également de nombreux membres qui mettent déjà en œuvre une production à faible émission de carbone dans leurs propres exploitations. Nous cherchons à partager nos connaissances et notre expérience en tant que ressource pour les décideurs politiques qui s’engagent dans cette voie importante.

Comme l’a dit l’éducateur populaire brésilien Paolo Friere, « c’est en marchant que nous traçons la route ».

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués,

Jan Slomp
Président,

CC : Hon. Catherine McKenna, ministre de l’environnement et du changement climatique
Hon. Rona Ambrose, chef de l’opposition
Hon. Thomas Mulcair, chef du NPD
Rhéal Fortin, chef intérimaire du Bloc Québécois
Elizabeth May, députée, chef de file des Verts
Premiers ministres provinciaux