Les nouveaux fermiers ont besoin d’un nouveau gouvernement
On ne parle pas beaucoup de l’agriculture et de la crise de la succession agricole lors de cette élection. Le calcul politique semble être que l’agriculture est une question rurale et que les questions rurales n’ont pas d’importance parce qu’elles ne font pas basculer les votes. L’hypothèse est que les électeurs urbains, qui constituent la majorité, ne comprennent pas ou ne s’intéressent pas beaucoup à l’agriculture.
Mais l’agriculture n’est pas un simple groupe d’intérêt spécial et ce n’est certainement pas une simple « question rurale ». C’est le cœur de notre système alimentaire et une partie de l’épine dorsale de notre économie. Pourtant, elle est mise à rude épreuve et souffre de négligence, comme l’indique le déclin de la population des jeunes fermières, qui a chuté de 69 % au cours des 20 dernières années de recensement.
Ce printemps, en compagnie de plusieurs autres jeunes fermières de tout le Canada, je me suis rendue au Parlement pour rencontrer des députés. Nous voulions partager nos expériences en tant que nouveaux fermiers et discuter de ce qui pourrait être fait pour inverser le déclin rapide de la population des jeunes fermiers et soutenir une nouvelle génération de fermiers qui s’engagent à produire des aliments sains, écologiques et respectueux du climat et à construire des communautés fortes et saines.
Nous avons contacté les quatre partis politiques nationaux pour organiser des réunions. Nous avons reçu des réponses positives de chacune des parties… à l’exception d’une seule. Nous avons rencontré les porte-parole du NPD et du Parti libéral en matière d’agriculture, Malcolm Allen et Mark Eyking, ainsi que la porte-parole adjointe du NPD en matière d’agriculture, Ruth Ellen Brosseau, l’ancien porte-parole du NPD en matière d’agriculture , Alex Atamanenko, et l’ancien porte-parole du Parti libéral en matière d’agriculture, Wayne Easter. Ils ont été généreux de leur temps et ont semblé sincèrement intéressés et sensibles à nos récits sur les difficultés rencontrées pour obtenir la propriété de terres agricoles, accéder au financement et obtenir les connaissances techniques et l’expertise nécessaires à la gestion d’une entreprise agricole. Ils ont également soutenu et encouragé notre intérêt et notre engagement dans le processus politique. Ce fut une occasion d’apprentissage précieuse et une expérience enrichissante.
Le parti des Verts nous a également contactés. En raison du système électoral archaïque du scrutin majoritaire à un tour, qui entraîne leur sous-représentation au parlement, nous n’avons pas été en mesure de trouver une date compatible avec l’emploi du temps chargé de leurs quelques députés. Nous avons cependant apprécié leur réponse et leurs efforts pour nous satisfaire.
La réponse du parti conservateur a été remarquablement différente. Ils n’ont pas essayé d’organiser une réunion avec nous, pas même avec un membre de leur personnel. Ils n’ont même pas fait semblant de s’en préoccuper ; ils n’ont pas pris la peine de nous répondre.
Je ne sais pas pourquoi ils nous ont ignorés, je ne peux donc que spéculer :
Peut-être est-ce parce que le gouvernement conservateur a honte de son bilan en matière de politiques qui ne tiennent pas compte des exploitations agricoles familiales et qui sapent la souveraineté alimentaire du Canada. Par exemple, ils ont fait dérailler la Commission du blé détenue et gérée par les fermiers, ils ont donné plus de contrôle sur les semences à Monsanto et ses semblables en introduisant l’UPOV 91, ils ont fermé les prisons agricoles, ils ont fermé le programme de brise-vent des Prairies et défait les pâturages communautaires de l’ARAP, ils ont signé le Partenariat transpacifique qui sape le système canadien de gestion de l’offre de produits laitiers. Ils ont poursuivi de manière agressive des projets d’extraction de ressources au détriment de l’eau et du sol dont dépendent les fermières. Ils ont ignoré le changement climatique alors que les fermières ont été confrontées à une augmentation des inondations, des sécheresses et des conditions météorologiques extrêmes.
Ou peut-être pensent-ils simplement que les jeunes fermières n’ont pas d’importance. Le gouvernement conservateur a mis tous ses œufs agricoles dans un seul panier vulnérable, celui de la politique d’exportation. Leurs politiques visent à développer les très grandes exploitations industrielles et n’ont rien fait pour soutenir les petites exploitations écologiques qui pratiquent la vente directe, le type d’agriculture qui attire aujourd’hui de nombreux nouveaux fermiers. Comme l’indique la récente enquête de la National New Farmer Coalition, la plupart des nouveaux fermiers n’ont pas grandi dans une ferme et sont donc confrontés à des obstacles considérables à l’entrée sur le marché.
Ou peut-être ont-ils préjugé que nous étions des « radicaux » parce que nous sommes membres de l’association . Le site s’est opposé et a résisté à maintes reprises à l’agenda agricole des conservateurs et a défendu avec audace les exploitations familiales et l’agriculture durable. Il semble que le gouvernement conservateur tende vers une stratégie consistant à ignorer, miner ou auditer ceux qui s’opposent à lui. Peut-être cela fait-il partie de leur stratégie globale d’opacité, de dissimulation et de non-participation en dehors de leur environnement politique contrôlé.
Quelle que soit la raison pour laquelle ils nous ignorent, au moins nous ne sommes pas seuls. Dans le cadre de sa campagne électorale Mangez, pensez, votez, Sécurité alimentaire Canada a posé une série de questions à chacun des partis, notamment pour savoir s’ils étaient « d’accord pour dire qu’il faut davantage de soutien fédéral pour les nouveaux fermiers qui font face à des obstacles importants en matière d’accès au capital, aux terres et à la formation ». Les libéraux, le NPD et les Verts (et le Bloc) ont tous répondu par l’affirmative. Comme on pouvait s’y attendre, le parti conservateur n’a répondu à aucune de ces questions.
Il semble évident que les nouveaux fermiers bénéficieront d’un nouveau gouvernement. Tous les partis d’opposition semblent plus conscients et préoccupés par les défis auxquels sont confrontés les nouveaux fermiers. Toutefois, en creusant un peu, on constate des différences notables entre les plates-formes de politique agricole proposées.
Le parti écologiste et le NPD ont tous deux élaboré des programmes agricoles complets qui vont au-delà de l’approche limitée consistant à considérer l’agriculture comme une simple machine à fabriquer des produits de base pour les marchés d’exportation. Ils parlent de l’alimentation locale, de l’agriculture durable, de l’environnement, de la santé et de la nutrition. Ils offrent une vision de l’agriculture qui est la plus proche de ma vision et de mes valeurs, ainsi que de celles d’autres jeunes fermières que je connais. Notamment, le programme du NPD comprend une section spécifique sur l’assouplissement des barrières à l’entrée pour les nouveaux et jeunes fermiers et sur la garantie de l’accès à la terre et au capital.
La plate-forme libérale est remarquable par sa brièveté et son manque de vision. Avec seulement 204 mots, il ne révèle pas grand-chose. Elle ne contient rien de spécifique aux jeunes fermières.
Lors de ces élections, nous devons élire un nouveau gouvernement, qui soit à l’écoute des nouveaux fermiers. Une fois formés, il sera impératif que les nouveaux fermiers se fassent entendre et réclament activement le soutien dont nous avons besoin pour former une nouvelle génération d’agriculteurs et construire un système alimentaire durable, sain et juste. Nous savons ce que c’est que d’être ignoré ; nous devons être prêts à saisir notre chance de nous faire entendre.