La taxe carbone accusée à tort d’être à l’origine de l’inflation des denrées alimentaires
Certains politiciens et commentateurs s’efforcent de convaincre les Canadiens que notre programme de prélèvement et de remboursement des droits d’émission de carbone(appelé à tort taxe carbone) est à l’origine de l’inflation des prix des denrées alimentaires. C’est faux.
En ce qui concerne l’inflation, et en particulier l’inflation des prix des denrées alimentaires, la taxe carbone n’est pas le problème. Voici quatre éléments de preuve.
Tout d’abord, l’inflation est élevée partout. Mais le taux canadien est l’un des plus bas. Au cours de l’année et demie écoulée (de janvier 2022 à août 2023), l’inflation a été plus faible au Canada qu’aux États-Unis ou dans l’Union européenne, selon l’OCDE.
De même, l’inflation des prix des denrées alimentaires est élevée partout. Au Canada, depuis un an et demi, les prix des denrées alimentaires ont augmenté de 13,1 %, selon Statistique Canada. Aux États-Unis, où il n’y a pas de taxe carbone, les prix des denrées alimentaires ont augmenté presque autant, soit de 11,8 %.
En ce qui concerne la plupart des produits agricoles (viande, céréales, oléagineux), la taxe carbone ne peut pas faire grimper les prix, car il existe une exemption pour la plupart des intrants agricoles (carburant pour les machines, énergie pour la fabrication d’engrais, etc.)
Certes, les fermières paient la taxe carbone sur une petite partie de leur consommation de carburant (propane et gaz naturel pour sécher les céréales ou chauffer les granges), mais cela ne représente qu’un faible pourcentage des dépenses agricoles ; la grande majorité des intrants agricoles sont exonérés.
Enfin, la Banque du Canada a quantifié la contribution de la taxe carbone à l’inflation globale au Canada : seulement 0,15 %, soit une fraction de l’inflation que nous observons. Et l’impact sur l’alimentation sera encore plus faible, compte tenu des exemptions pour les carburants agricoles, etc.
Il est clair que l’inflation des prix des denrées alimentaires, au Canada et dans le monde entier, ne peut pas être causée par notre taxe carbone. Quelles sont donc les véritables causes ?
Le facteur le plus important est le manque de concurrence et le degré élevé de concentration parmi les détaillants et les transformateurs de produits alimentaires, ce qui a entraîné des bénéfices exceptionnels pour bon nombre de ces sociétés. À cela s’ajoute l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a perturbé un important exportateur de céréales.
Les problèmes persistants de la chaîne d’approvisionnement liés à l’affaire COVID pèsent également sur les prix. Une autre cause est l’augmentation de la demande : la consommation mondiale de céréales et d’oléagineux a doublé depuis 1984. Un autre facteur important est l’impact du climat.
Ce dernier point est essentiel, car c’est le changement climatique (et non les taxes sur le carbone qui contribuent à réduire les émissions et à ralentir le changement climatique) qui sera le principal facteur d’augmentation des prix des denrées alimentaires à l’avenir.
Si nous ne réduisons pas rapidement nos émissions (par le biais de la taxe carbone et d’autres mesures) et si nous n’atténuons pas les effets du changement climatique, les augmentations des prix des denrées alimentaires de l’année dernière ou des deux dernières années seront éclipsées par des chocs beaucoup plus importants au niveau de l’offre et des prix dans les années à venir.
Le Bureau des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophes avertit que « le changement climatique augmente la fréquence, la gravité et la durée des sécheresses dans de nombreuses régions » et que « des événements simultanés affectant des greniers à blé connectés comme l’Argentine, l’Australie, le Brésil, l’Europe et les États-Unis d’Amérique pourraient conduire à une crise des prix des denrées alimentaires ». ….
« Compte tenu de la variabilité du climat à l’échelle mondiale, la probabilité d’un effondrement multiple du grenier à blé mondial est plus élevée.
Un autre rapport récent, du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), prévient que « les risques multiples liés au changement climatique vont de plus en plus se combiner et se multiplier à court terme ….. L’interaction de ces effets entraînera une hausse des prix des denrées alimentaires… ».
Le changement climatique affectera les rivières qui fournissent l’eau d’irrigation à la plupart des terres agricoles les plus productives du monde. Le fait qu’au cours de chacune des cinq dernières années, le monde a consommé plus de céréales et d’oléagineux qu’il n’en a produit confère une certaine gravité à ces prévisions.
Les faits sont clairs : notre taxe carbone n’est pas à l’origine de l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Au contraire, dans les années à venir, le changement climatique causé par les émissions de gaz à effet de serre constitue le plus grand risque pour l’approvisionnement en denrées alimentaires, la stabilité des prix et l’accessibilité financière.
La taxe carbone, qui est un outil essentiel pour réduire ces émissions, est donc également un outil essentiel pour modérer et stabiliser les prix des denrées alimentaires. La taxe carbone n’est pas le problème, mais elle constitue un élément essentiel de la solution.
Stewart Wells est un fermiere de la Saskatchewan et le vice-président des opérations de Union Nationale des Fermiers. Darrin Qualman est le directeur de la politique et de l’action en matière de crise climatique de UNF.