Les idées du Conference Board du Canada pour changer la gestion de l’offre sont mal conçues et intéressées
Le Conference Board du Canada (CBoC) adhère au mantra selon lequel « toute croissance est bonne à prendre ». Leur plan visant à modifier la gestion de l’offre pour favoriser la croissance consiste à affaiblir, voire à éliminer, les trois piliers de la gestion de l’offre pour la production laitière au Canada – les contrôles de la production, les droits de douane à l’importation et la fixation du prix du coût de production par les fermiers – afin de produire davantage de lait, d’en abaisser le prix et d’augmenter les exportations.
Le CBoC prétend être un groupe de réflexion indépendant, mais il est affilié au Conference Board, basé à New York et dirigé par et pour des sociétés multinationales basées aux États-Unis. Tout en prétendant servir le public, elle défend une série de politiques – dont le démantèlement de la gestion de l’offre de produits laitiers – qui favorisent les intérêts des entreprises au détriment des valeurs et des aspirations des Canadiens.
Passons rapidement en revue la raison d’être de la gestion de l’offre de produits laitiers et son fonctionnement.
Dans les années 1960, les transformateurs laitiers utilisaient des pratiques de transport du lait irrégulières pour faire baisser les prix à la production payés aux fermières. Les fermières ont dû livrer du lait à n’importe quel prix ou tout perdre. Les fermières de l’Ontario et du Québec ont protesté et demandé au gouvernement d’agir. En 1969, un nouveau système a permis au gouvernement de réglementer les prix à la production sur la base des coûts de production des fermières en échange d’un flux constant de lait de haute qualité et d’un système de discipline (quotas) pour éviter la surproduction. Son succès a conduit à son adoption rapide dans toutes les provinces. Depuis lors, les offices provinciaux de commercialisation du lait gèrent avec succès l’approvisionnement, la commercialisation, les quotas, le contrôle de la qualité et la réglementation gouvernementale. Pour garantir la synchronisation de l’offre et de la demande, le Canada limite les importations de produits laitiers par des droits de douane conformes aux règles de l’OMC. Ainsi, le secteur laitier canadien produit principalement pour le marché intérieur.
La gestion de l’offre de produits laitiers au Canada fonctionne de manière harmonieuse, efficace et durable sans subventions publiques, contrairement à d’autres secteurs agricoles canadiens où les paiements au titre du programme Agri-stabilité sont souvent nécessaires pour soutenir les revenus des agriculteurs et surmonter la baisse des prix des produits de base.
Le CBoC encourage désormais l’augmentation de la production laitière au-delà des besoins canadiens afin d’exporter.
Le Canada est tout à fait capable de produire beaucoup plus de lait. Mais quels types de marchés d’exportation pourrions-nous viser, quels types de programmes seraient nécessaires pour obtenir ces marchés et quels seraient les avantages nets pour les différents acteurs du système ?
Seule une petite partie de la production mondiale de lait franchit les frontières, car il s’agit d’un produit volumineux et périssable. La plupart des exportations dépendent de subventions, souvent dissimulées sous la forme de soutiens indirects à la production afin de respecter les accords commerciaux.
Les fermières américaines reçoivent des paiements liés à la loi agricole américaine (US Farm Bill) qui doublent presque leur chèque de lait. Les subventions européennes assurent aux fermières laitières un revenu de base qui leur permet de survivre à la baisse des prix à la production. L’exception est la Nouvelle-Zélande, un important exportateur de produits laitiers qui ne reçoit que peu ou pas de subventions. Les coûts de production étant les plus bas du monde (pas d’hiver), ils peuvent être vendus aux prix les plus bas du monde à la sortie de l’exploitation.
Le démantèlement de la gestion de l’offre de produits laitiers serait coûteux pour les contribuables canadiens. Pour être compétitifs au niveau international, nous devrions nous aligner sur les subventions massives accordées par les États-Unis et les pays européens. Les fermières laitières du Canada recevraient des prix plus bas pour le lait, seraient soumises à une tarification moins transparente et auraient besoin de programmes de renflouement du gouvernement, tels qu’Agri-stabilité, pour continuer à fonctionner. Ironiquement, le plan laitier du CBoC s’inspire des secteurs déréglementés du porc et du bœuf, orientés vers l’exportation, qui non seulement n’ont pas réussi à se développer, mais ont connu un déclin constant ponctué de plusieurs crises au cours des quinze dernières années, parce que les fermières ne parviennent pas à recouvrer leurs coûts de production.
Le CBoC suggère qu’un système laitier orienté vers l’exportation, avec des prix à la production plus bas, se traduirait par des prix plus bas pour les consommateurs. En réalité, les détaillants facturent ce que le marché supporte – les consommateurs néo-zélandais paient des prix parmi les plus élevés pour les produits laitiers, malgré les faibles coûts de production de leurs fermières.
Les Canadiens apprécient la gestion de l’offre de produits laitiers, car ils bénéficient d’un approvisionnement régulier en produits de haute qualité à un prix raisonnable. La gestion de l’offre régule la production dans chaque région de notre vaste territoire, afin de fournir du lait là où les consommateurs en ont besoin. Un marché laitier non réglementé centraliserait la production, la transformation et la distribution, ce qui obligerait les consommateurs des régions éloignées à payer plus cher en raison des coûts de transport et de stockage.
Les transformateurs bénéficient d’un flux constant et prévisible de lait sous gestion de l’offre, ce qui leur permet de maximiser l’utilisation des usines et de la main-d’œuvre, contrairement à leurs homologues américains qui doivent faire face à des fluctuations importantes et irrégulières.
Le démantèlement de la gestion de l’offre de produits laitiers aiderait les entreprises affiliées au CBoC, telles que les transformateurs de produits alimentaires et les détaillants, ainsi que les industries qui souhaitent obtenir des concessions massives dans le cadre de l’accord commercial. Leur gain serait une perte énorme pour les citoyens canadiens et les fermiers laitiers canadiens.