Une industrie de la viande artisanale dynamique pour les Britanno-Colombiens
Recommandations de l'UNF au ministère de l'agriculture de la Colombie-Britannique
Le ministère de l’agriculture a récemment publié un
document d’intentions
sur la « Modernisation de l’abattage rural ». Nous sommes très heureux de voir le ministère de l’Agriculture s’attaquer aux problèmes complexes auxquels est confronté le secteur de la transformation de la viande en Colombie-Britannique et nous nous réjouissons de l’occasion qui nous est donnée d’influencer la réflexion du ministère de l’Agriculture dans le cadre de ses travaux sur les politiques, les réglementations et les incitations financières essentielles qui seront nécessaires pour apporter des changements urgents et significatifs.
La Colombie-Britannique est confrontée à une crise de la transformation de la viande ; la politique provinciale actuelle et les structures réglementaires ont créé une situation dans laquelle, malgré la forte demande de produits carnés locaux, durables et de niche, il existe un problème critique de capacité d’abattage et de découpe/emballage. Les abattoirs sont un élément absolument essentiel d’un système de production de viande à petite échelle dynamique et résistant, et à l’heure actuelle, le manque d’accès fiable aux abattoirs est le principal obstacle auquel se heurtent les producteurs existants. Bien que la pandémie de Covid-19 ait exacerbé cette crise, il convient de souligner que ce problème existe depuis de nombreuses années.
Il convient également de noter que, bien que le Covid-19 ait récemment révélé à de nombreuses personnes les vulnérabilités de l’industrie de la viande en Colombie-Britannique, le gouvernement de la province consulte les acteurs de l’industrie depuis des années et est parfaitement conscient des problèmes. Heureusement, le ministère de l’agriculture est bien placé pour prendre des mesures rapides et stratégiques à ce stade, car il a récemment entrepris une série de consultations directement pertinentes avec les parties prenantes de l’industrie. Bien que nous soyons favorables à une consultation permanente et que nous soyons heureux de constater que les producteurs et les consommateurs se voient à nouveau offrir la possibilité de donner leur avis, le ministère devrait disposer de suffisamment d’informations issues des consultations précédentes pour prendre des décisions éclairées et rapides dans l’intervalle, tout en continuant à recueillir les réponses.
Ce qui suit est une exploration des dynamiques clés auxquelles sont confrontés les fermiers, les abattoirs et les consommateurs en Colombie-Britannique, ainsi que les solutions que nous proposons pour résoudre le problème. Ce rapport est le résultat de nos consultations approfondies avec les producteurs et les parties prenantes du secteur.
Pour comprendre le contexte en Colombie-Britannique, il est impératif de comprendre la dynamique nationale plus large. L’industrie canadienne de la transformation de la viande est dominée par une concentration géographique et une propriété excessives. Aujourd’hui, la quasi-totalité de la viande bovine vendue dans les épiceries canadiennes est transformée dans trois usines de conditionnement de viande à haut volume et à haut rendement, appartenant à Cargill et à JBS. Il s’agit d’un goulot d’étranglement évident dans le secteur qui permet à ces deux multinationales d’exercer une influence indue sur le prix du bétail payé aux fermières et sur le prix du bœuf payé par les consommateurs dans les épiceries. S’il est compromis (comme ce fut le cas lorsque le Covid-19 s’est propagé dans les usines), l’ensemble de l’industrie canadienne de la viande est immédiatement déstabilisée, ce qui soulève des questions quant à la sécurité alimentaire des consommateurs et à l’intégrité financière des producteurs qui dépendent de ces usines. En comprenant cela, on comprend mieux pourquoi un réseau de transformation de la viande intégral, diversifié et local est si nécessaire en Colombie-Britannique pour assurer la sécurité alimentaire des Britanno-Colombiens et la sécurité financière des éleveurs de bétail de la province.
Le paysage de la transformation provinciale de la viande en Colombie-Britannique s’est modifié après 2004, lorsque des changements ont été apportés au régime d’abattage afin de normaliser la sécurité alimentaire et les protocoles d’abattage au niveau national. La mise en œuvre complète de ces changements est intervenue en 2007 et a entraîné une restructuration du secteur. Avant cette évolution, il existait plus de 300 installations au service des communautés rurales et des éleveurs. Après 2007, il n’y avait plus que 13 usines inspectées par la province. En 2010, les licences d’abattage rural de classe D et E ont été introduites pour soutenir les producteurs mal desservis dans certaines zones rurales en permettant à un petit nombre d’animaux d’être transformés selon des normes réglementaires moins strictes. Actuellement, le manque d’inspecteurs dans la province signifie que certaines installations de classe A et B ne peuvent pas fonctionner à pleine capacité.
L’accès à la transformation de la volaille est également un défi important pour les petits producteurs. Toutes les installations de transformation à grande échelle sont conçues pour servir les producteurs qui existent dans le cadre de la gestion de l’offre et ne sont pas en mesure d’accueillir de petits troupeaux. Les petits transformateurs de volaille jouent un rôle essentiel et font actuellement défaut en Colombie-Britannique.
Aujourd’hui, le secteur des abattoirs est notoirement fragile, avec des abattoirs qui entrent et sortent fréquemment du marché en raison de la nature saisonnière de l’activité, des faibles marges, d’un réservoir de main-d’œuvre peu fiable (ou inexistant) et des coûts d’exploitation élevés. En outre, nombreux sont ceux qui quittent l’entreprise en raison de leur âge. Les fermières ne peuvent pas compter sur l’accessibilité de leur abattoir année après année, ce qui expose les exploitants à une remise en cause de l’ensemble de leur modèle économique. Les défis auxquels sont confrontés les fermiers de la Colombie-Britannique pour faire transformer leur viande aujourd’hui imposent une énorme pression financière et temporelle à des agriculteurs déjà surchargés. De nombreux fermiers de la province font de 2 à 6 heures de route pour transporter le bétail vers les abattoirs (nous avons entendu des histoires de voyages de 14 heures cet automne). Les longueurs de ces trajets sont de plus en plus insoutenables. Il n’est pas sûr que des fermières déjà épuisées soient obligées de conduire sur des autoroutes traîtresses dans de mauvaises conditions météorologiques simplement pour traiter leurs animaux. En outre, ces longs transports soulèvent de vives inquiétudes quant au bien-être des animaux et à l’augmentation de l’empreinte carbone imposée aux petites fermières.
La pandémie de Covid-19 a exercé une pression encore plus forte sur un système déjà au maximum de ses capacités. On constate une augmentation du nombre de Britanno-Colombiens qui élèvent du bétail pour la consommation domestique, une augmentation du nombre de chasseurs qui ont besoin de viande coupée et enveloppée, une nouvelle demande de la part des producteurs qui abandonnent la production commerciale (envoi des veaux au parc à bestiaux) au profit de la commercialisation directe en réponse à Covid-19, et une demande accrue de la part des producteurs de longue date qui ont augmenté leur production en raison de la demande des consommateurs après la crise de Covid. Par conséquent, les abattoirs de toute la province sont déjà complets pour 2020, et même pour 2021. Certains producteurs voient leurs réservations pour l’automne 2020 complètement annulées. Depuis le printemps, les exploitants d’abattoirs ont fait face à une demande sans précédent qui les a épuisés et les a obligés à se battre pour faire face à la demande. De nombreux animaux d’élevage seront abattus sans aucune surveillance cet automne, faute d’alternatives. En outre, de nombreux fermiers et éleveurs ne profiteront pas de l’occasion sans précédent que la pandémie de Covid-19 a créée pour développer leur activité et contribuer à l’économie locale et à la sécurité alimentaire. Sans accès aux services d’abattage et de transformation, ces opportunités continueront d’être perdues.
L’ensemble du modèle commercial des petits producteurs de viande dépend de leur capacité à tuer et à transformer de manière fiable le bétail qu’ils ont élevé. Nous devons agir maintenant pour jeter les bases d’un secteur de la viande plus résilient, respectueux du climat et financièrement prospère en Colombie-Britannique. Nous sommes ravis de constater que le ministère de l’agriculture s’efforce de résoudre cette crise et nous souhaitons profiter de cette occasion pour proposer un plan d’action.
Action nécessaire :
- Abattage immédiat à la ferme + capacité de découpe/enrubannage Mesures d’urgence
- Le bétail excédentaire de cet automne sera abattu d’une manière ou d’une autre. La province serait bien avisée d’adopter une mesure d’urgence légalisant l’abattage à la ferme, afin de pouvoir suivre ce qui se passera dans les deux cas.
- Pour faire face à l’augmentation du nombre d’animaux abattus, les boucheries locales doivent être incitées à augmenter le nombre d’heures de travail et l’espace de réfrigération afin de pouvoir traiter ces animaux. Il peut s’agir de la location d’un entrepôt frigorifique temporaire ou de la mise à disposition d’un logement temporaire pour le personnel intérimaire.
- Révision de l’octroi de licences
- Le contrôle doit être à la hauteur du risque. Les risques de contamination des aliments pour les grandes exploitations sont différents de ceux des petites exploitations agricoles et des entreprises de transformation. La structure actuelle des licences doit être mise à jour pour refléter les besoins de ce marché émergent et être réglementée d’une manière proportionnelle au risque plus faible et à la traçabilité accrue de la chaîne alimentaire plus courte créée par l’agriculture à petite échelle et la commercialisation directe au consommateur. En outre, une éducation et un soutien appropriés doivent être fournis pour toutes les catégories de transformateurs.
- Les restrictions régionales en matière de transformation et de distribution doivent être levées.
- Autres méthodes d’inspection
- L’inspection virtuelle devrait être mise en œuvre pour faciliter l’accès aux services d’inspection pour les opérations plus petites et à moindre risque. Cela permettrait également de réduire le nombre d’inspecteurs et d’inspecter plus d’animaux.
- Soutenir et encourager les nouvelles installations de découpe et d’emballage
- Offrir une assistance pour la mise à niveau et la rénovation des installations existantes.
- Créer des bourses pour soutenir la formation du personnel.
- Soutien financier et logistique pour permettre aux nouveaux opérateurs de mettre en service de nouvelles installations le plus rapidement possible.
- L’éducation
- Nous devons créer une main-d’œuvre prospère et qualifiée. Le ministère de l’Agriculture peut tirer parti du fait que la Colombie-Britannique est l’une des seules provinces à reconnaître la boucherie comme un métier qualifié, afin d’attirer des étudiants et des gens de métier pour répondre à la demande de bouchers qualifiés en Colombie-Britannique.
- Actualiser le programme de transformation de la viande existant à l’UTR et développer de nouveaux programmes de boucherie et d’abattage qui répondent au marché de niche croissant des produits de viande de la ferme à la table, en se concentrant sur le développement de compétences en boucherie d’animaux entiers et de services de boucherie à valeur ajoutée.
- Créer des bourses et d’autres mesures incitatives pour que les nouveaux bouchers accèdent à l’enseignement et que les employeurs proposent des stages d’apprentissage. Pour faire de l’abattage et de la boucherie une carrière plus attrayante, des subventions salariales devraient être envisagées.
Il convient de noter que toutes les mesures prises par le ministère de l’agriculture doivent être rentables pour les fermiers.
Qu’est-ce qu’une petite industrie de la viande dynamique offre aux Britanno-Colombiens ?
- Changement climatique
- Accès aux abattoirs locaux :
- facilite la production de viande finie à l’herbe et les systèmes de pâturage régénérateurs, maximisant ainsi les bénéfices pour la biodiversité et l’enrichissement des sols
- sous-tend les efforts visant à repositionner la viande, qui n’est plus une protéine de base bon marché, mais un aliment de haute qualité et de grand plaisir, un produit qui a son propre terroir. Cela peut signifier que les fermières ont des marges plus élevées, qu’elles peuvent gagner leur vie avec moins d’animaux, et donc que le nombre d’animaux dans la province (et les émissions qui en découlent) peut diminuer légèrement même si les revenus augmentent.
- favoriser les relations directes entre fermiere et mangeur qui peuvent avoir les memes effets d’augmentation des marges
- rendre possible des chaînes d’approvisionnement courtes qui réduisent les émissions dues au transport.
- rendre possible la préservation de l’identité et les systèmes d’étiquetage qui mettent en évidence les viandes à faibles émissions et durables, ce qui améliore encore les marges et donne aux consommateurs la possibilité de choisir des options moins polluantes.
- Accès aux abattoirs locaux :
- Sécurité alimentaire et reprise des activités
- Le Covid-19 a permis à de nombreuses personnes de se confronter à la fragilité de notre système alimentaire mondialisé. Étant donné que plus de 95 % de la viande de bœuf vendue dans les épiceries de la Colombie-Britannique provient de trois usines situées en dehors de la province, il est essentiel pour la sécurité alimentaire des Britanno-Colombiens que des mesures immédiates soient prises pour garantir l’accès à la transformation locale de la viande. Si nous voulons assurer la sécurité alimentaire dans la province, il est impératif que les fermières et les consommateurs ne soient pas redevables à deux multinationales.
- Économies locales et développement des communautés rurales
- L’augmentation de la demande de denrées alimentaires produites localement, en particulier de viande, a tout d’une réussite économique. La transformation de la viande, ainsi que les diverses activités liées à l’élevage et au bétail qui prospéreront grâce à leur présence, ont la possibilité de devenir une nouvelle source de prospérité locale dans les communautés rurales de la Colombie-Britannique qui sont en difficulté.
- Bien-être des animaux
- Les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par le bien-être des animaux. L’autorisation de l’abattage à la ferme et la réduction des distances entre l’exploitation et l’abattoir sont des mesures essentielles pour améliorer le bien-être des animaux.
Nous devons nous attaquer à la crise croissante du secteur de la transformation de la viande et veiller à ce que des actions positives et immédiates ne soient pas contrecarrées. Une industrie de transformation de la viande prospère et résiliente servira les objectifs économiques, nutritionnels, sociaux, de développement communautaire, de production alimentaire et de lutte contre le changement climatique de tous les Britanno-Colombiens.
Par Freya Kellet, coordinatrice du changement climatique de l’UNF – Colombie-Britannique