Region 8 | Lettre

Mémoire de l’UNF au premier ministre de la C.-B. Christy Clark Re : Projet de loi 24

30 avril 2014
Hon. Christy Clark, Premier ministre
Boîte postale 9041
Stn Prov Govt
Victoria, BC V8W 9E1

(Courriel : premier@gov.bc.ca)

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Chère Première ministre Clark :

Objet : PROJET DE LOI 24, LOI DE MODIFICATION DE LA COMMISSION DES TERRES AGRICOLES, 2014

The () est profondément préoccupé par les modifications de la Loi sur la Commission des terres agricoles que votre gouvernement propose par le biais du PROJET DE LOI 24, la LOI DE 2014 PORTANT MODIFICATION À LA COMMISSION DES TERRES AGRICOLES. Nous avons préparé le document suivant que nous vous demandons de prendre en considération avant de prendre d’autres mesures pour modifier la législation de la Colombie-Britannique sur la protection des terres agricoles.

Le site représente des milliers de membres agriculteurs au Canada, d’un océan à l’autre. Les membres du site sont convaincus que les problèmes auxquels les fermières sont confrontées sont des problèmes communs et que les agriculteurs produisant des produits divers doivent travailler ensemble pour proposer des solutions efficaces. Le site travaille à l’élaboration de politiques économiques et sociales qui maintiendront l’exploitation agricole familiale en tant que principale unité de production alimentaire au Canada.

Le site est un membre fondateur de La Via Campesina, le mouvement mondial des petits fermiers et des paysans créé en 1993. La souveraineté alimentaire, terme inventé par les membres de La Via Campesina en 1996, affirme le droit des peuples à définir leurs propres systèmes alimentaires. En tant que défenseurs de la souveraineté alimentaire, nous cherchons à placer les individus qui produisent, distribuent et consomment la nourriture au centre des décisions sur les systèmes et les politiques alimentaires, plutôt que les entreprises et les institutions du marché qui ont fini par dominer le système alimentaire mondial.

Alors que la population de la Colombie-Britannique, du Canada et du monde entier augmente et devient de plus en plus urbanisée, la protection des terres agricoles est plus importante que jamais. Les petites et moyennes exploitations agricoles sont plus efficaces que les grandes exploitations industrialisées en termes de production alimentaire par hectare, et elles produisent et élèvent encore plus de la moitié des denrées alimentaires dans le monde. En Colombie-Britannique, 98 % des exploitations agricoles sont des exploitations familiales. Grâce à l’ALR, la Colombie-Britannique a conservé un nombre relativement stable d’exploitations agricoles et près des trois quarts d’entre elles ont une superficie inférieure à 130 acres. Le Canada, en revanche, a perdu environ un tiers de ses exploitations depuis la mise en œuvre de la RTA en Colombie-Britannique.

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Les terres agricoles de la Colombie-Britannique sont très diversifiées : elles comprennent les terres maraîchères et fruitières uniques des vallées de l’Okanagan, de la Kootenay et de la Similkameen, les pâturages de la Chilcotin, les exploitations céréalières de la rivière de la Paix, les laiteries et la production de légumes tout au long de l’année de l’île de Vancouver, les petites exploitations mixtes qui fournissent de la nourriture dans des régions plus isolées telles que Powell River et Bella Coola, ainsi que la production animale spécialisée et les cultures maraîchères intensives de la région du Lower Mainland. La Colombie-Britannique possède un riche patrimoine agricole et une culture agricole dynamique. De nombreux jeunes de la Colombie-Britannique aspirent à faire de l’agriculture le travail de leur vie et, s’il existe des terres accessibles et abordables, ils cultiveront des aliments sains et nutritifs pour nourrir les futurs habitants de la Colombie-Britannique – et du Canada. Toutes ces valeurs et aspirations dépendent de la priorité accordée à la pérennité des terres agricoles de la Colombie-Britannique.

Le site s’oppose aux modifications de la Commission des terres agricoles proposées dans le projet de loi 24. Nous souhaitons vous faire part de notre point de vue sur cette question importante. Nous vous demandons instamment d’abandonner le projet de loi 24 et de renforcer plutôt la protection des terres agricoles en Colombie-Britannique et de renforcer également la protection des fermières afin qu’elles puissent avoir accès aux terres agricoles en Colombie-Britannique.

Lors de la dernière convention nationale qui s’est tenue en novembre 2013, la résolution suivante a été adoptée :

COLOMBIE-BRITANNIQUE RÉSERVE DE TERRES AGRICOLES (RTA)


CONSIDÉRANT
que la réserve de terres agricoles (Agricultural Land Reserve – ALR) a été créée pour protéger les terres agricoles viables en Colombie-Britannique, et


CONSIDÉRANT
que le gouvernement provincial actuel a engagé un processus visant à démanteler ou à affaiblir la RTA et à permettre la poursuite du développement et de l’exploitation des terres agricoles,


QU’IL SOIT DONC RÉSOLU
que le site reconnaisse publiquement que la Réserve de terres agricoles (RTA) est un modèle qui devrait être reproduit dans tout le Canada et maintenu et renforcé en Colombie-Britannique.

Le projet de loi 24 modifie la loi sur la Commission des terres agricoles de la Colombie-Britannique (BC Agricultural Land Commission Act) :

  • L’établissement et la définition de six zones géographiques appelées « régions du panel » – Intérieur, Île, Kootenay, Nord, Okanagan et Côte Sud.
  • Création de six panels et définition de leur forme – Chaque panel serait composé d’au moins deux membres, dont le vice-président de la région du panel et tous les autres membres de la Commission qui résident dans la région du panel. Ces quelques personnes auraient toute autorité pour prendre les décisions finales dans leur propre région.
  • Établissement de zones. La zone 1 comprendrait les régions de l’île, de l’Okanagan et de la côte sud. La zone 2 correspondrait aux régions de l’intérieur, de Kootenay et du panneau nord.
  • Ajout des « valeurs économiques, culturelles et sociales, des objectifs de planification régionale et communautaire et d’autres considérations prescrites » comme facteurs à prendre en compte lors de la prise de décisions concernant les terres de la zone 2. Ces nouvelles considérations pourraient bien entrer en conflit avec les objectifs actuels de la Commission qui sont « de préserver les terres agricoles ; d’encourager l’agriculture sur les terres agricoles en collaboration avec d’autres communautés d’intérêt ; et d’encourager les gouvernements locaux, les premières nations, le gouvernement et ses agents à permettre et à accommoder l’utilisation agricole des terres agricoles et les utilisations compatibles avec l’agriculture dans leurs plans, leurs règlements et leurs politiques ».
  • Autoriser le lieutenant-gouverneur en conseil (Cabinet) à prendre de nouveaux règlements qui ajoutent d’autres facteurs que les commissions doivent prendre en compte lorsqu’elles prennent des décisions concernant les terres de la zone 2.

Le site souhaite également attirer l’attention sur la manière antidémocratique dont ce projet de loi a été présenté. L’ALR est une institution de longue date en Colombie-Britannique, qui contribue à définir le caractère de la province ainsi que son utilisation des sols et son économie. Toute modification d’un élément aussi important nécessite un processus public complet et inclusif. Les fermières devraient être au premier plan de toute discussion sur l’avenir des terres agricoles, car sans terre, il n’est pas possible de cultiver. Pourtant, aucune consultation publique n’a eu lieu – les fermières et autres résidents de la Colombie-Britannique n’ont pas eu l’occasion de participer à un débat public complet sur cette question d’intérêt vital.

Le site s’oppose à la création de zones et à la structure permanente du panel. Toutes les terres agricoles de la Colombie-Britannique sont importantes et doivent être protégées, indépendamment de leur emplacement ou du type de pression exercée par le développement. La RTA a été créée en tant qu’institution au profit de l’ensemble de la province et, par conséquent, les valeurs globales de protection des terres agricoles doivent être prises en compte dans la prise de décision, quel que soit l’endroit où l’on se trouve. En déléguant l’ensemble des compétences de la Commission des terres agricoles aux petits groupes régionaux (deux personnes seulement) qui résident dans la région, il y a un risque évident que les pressions du développement local influencent les membres du groupe et que la vision globale de la Commission soit diluée et/ou fragmentée au fil du temps. Les intérêts locaux doivent être équilibrés par des intérêts plus larges et le risque est grand de perdre cet équilibre lorsque les pleins pouvoirs de la Commission peuvent être exercés par un si petit nombre de personnes.

En outre, le site s’inquiète du fait que tous les critères à prendre en compte lors de la prise de décisions dans la zone 2 ne sont pas révélés dans la législation proposée. Le projet de loi 24 permettrait au gouvernement d’ajouter de nouveaux critères simplement en adoptant de nouvelles réglementations, un processus qui se déroule sans débat public au sein de la législature. Ces nouveaux critères seraient donc adoptés dans le cadre d’un processus qui manque de transparence.

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Lorsque l’ALR a été créée il y a plus de quarante ans, il était entendu qu’elle représentait une vision à long terme de la Colombie-Britannique en tant qu’endroit qui prend soin de ses terres et de ses habitants en protégeant les terres agricoles limitées et précieuses de la province contre l’empiètement urbain et industriel. La Colombie-Britannique a été visionnaire à cet égard, et la RTA lui a permis de conserver et même d’accroître ses terres agricoles, alors que le Canada dans son ensemble a connu une diminution nette, comme l’illustrent les graphiques ci-dessus.

En 1973, le changement climatique mondial était mal connu ou mal compris, mais aujourd’hui, nous en constatons les effets sous la forme de phénomènes météorologiques erratiques et de crises telles que la grave sécheresse qui affecte actuellement la production agricole de la Californie. Les pressions exercées sur les terres agricoles par les promoteurs urbains et les industries d’extraction des ressources en Colombie-Britannique n’ont fait qu’augmenter depuis la création de l’ALR. Les effets du changement climatique à l’échelle locale et mondiale rendent d’autant plus impératif le maintien, l’entretien et l’amélioration des terres agricoles existantes dans toutes les régions de la Colombie-Britannique.

Au cours du siècle dernier, le développement a considérablement augmenté la population mondiale et, par conséquent, la production et le commerce de denrées alimentaires. Dans de nombreux cas, l’intensification et la spécialisation des méthodes agricoles ainsi que les économies d’échelle ont été encouragées afin d’accroître les disponibilités alimentaires. Le fil conducteur de cette approche a été l’augmentation constante de l’utilisation d’engrais, la mécanisation qui permet d’économiser de la main-d’œuvre, la transformation, le transport et la distribution des denrées alimentaires, le tout avec une dépendance accrue aux combustibles fossiles.

Ces avancées technologiques ont aussi leur côté obscur : l’agriculture est l’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique. Les habitants de la Colombie-Britannique, du Canada et du monde entier reconnaissent la nécessité de renforcer la résilience de nos pratiques agricoles, de moins dépendre des combustibles fossiles et de fournir davantage de nourriture dans nos régions. Les habitants de la Colombie-Britannique reconnaissent ce besoin et, selon un sondage Ipsos Reid de 2008, 91 % d’entre eux souhaitent augmenter la production alimentaire locale et réduire la dépendance à l’égard des importations.

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Il est donc ironique, ou peut-être simplement tragique, que les modifications proposées pour la RTA non seulement faciliteraient la suppression des terres agricoles de la réserve, mais le feraient apparemment pour faire place à une augmentation des activités pétrolières, gazières, de fracturation, minières et autres activités industrielles extractives qui rendraient notre climat encore moins hospitalier pour la production alimentaire.

La modification de la structure de l’ALR proposée par le projet de loi 24 montre que les terres agricoles qui perdraient leur niveau de protection actuel se situent précisément dans les régions de la Colombie-Britannique qui ont un potentiel d’exploitation du pétrole, du gaz et du charbon, comme l’illustrent les deux cartes ci-dessous. Il a été dit que « la structure est une stratégie au ralenti ». Ainsi, les amendements proposés suggèrent que la Colombie-Britannique est prête à adopter une stratégie basée sur la promotion de l’industrie pétrochimique au détriment des fermières de la province, des aliments qu’elles produisent et des personnes qui les consomment.

La Colombie-Britannique est devenue plus dépendante des importations de denrées alimentaires en raison des politiques fondées sur la mondialisation économique. La théorie selon laquelle nous nous porterons mieux si, au lieu de produire tout ce dont nous avons besoin, nous nous spécialisons dans la fabrication de ce que nous savons faire et échangeons ce que nous ne produisons pas, ne résiste pas à la réalité. En fait, les fermiers canadiens ont perdu plus qu’ils n’ont gagné grâce à la politique agricole axée sur l’exportation, la dette agricole augmentant plus rapidement que jamais.

Revenu agricole, endettement, importations et exportations, 1970-2011

Revenu agricole, endettement, importations et exportations, 1970-2011

Les consommateurs canadiens sont devenus beaucoup plus dépendants des denrées alimentaires importées qui peuvent rapidement devenir plus chères, voire indisponibles, en raison de phénomènes météorologiques erratiques, de problèmes de transport ou de bouleversements politiques dans d’autres pays. Plus notre économie alimentaire et agricole fonctionnera à l’intérieur de nos frontières, moins les fermières et les consommateurs seront vulnérables face à des forces extérieures incontrôlables, et plus notre propre économie sera stable. Les gens ont besoin de manger tous les jours. Dans ce monde de plus en plus incertain, il est de plus en plus important de conserver la capacité de produire sa propre nourriture. Pour ce faire, nous devons protéger nos terres agricoles.

Si le projet de loi 24 est adopté, ce sont les fermières qui seront le plus durement touchées. Les bonnes terres agricoles seront retirées de la production. Certaines seront purement et simplement retirées de la RTA, tandis que d’autres terres deviendront plus difficiles, voire impossibles à cultiver en raison d’utilisations conflictuelles sur les terres avoisinantes. Les terres agricoles restantes deviendront plus chères à l’achat ou à la location, ce qui réduira, voire supprimera, l’accès à la terre pour les jeunes fermières et fermiers. Ceux qui se lancent dans l’agriculture ou la poursuivent dans ces conditions devront s’endetter davantage, ce qui rendra plus difficile la survie de la profession de fermier et réduira le montant des revenus disponibles pour investir dans le capital d’exploitation ou dans l’économie locale.

Lorsqu’il existe des conflits d’utilisation sur les terres avoisinantes (développement industriel ou développement suburbain), les rotations de cultures ou les troupeaux de bétail doivent souvent être ajustés, le rendement des cultures et la santé des animaux peuvent être compromis, les prix des produits peuvent être réduits ou des méthodes agricoles plus complexes peuvent être nécessaires. Tous ces éléments augmentent les coûts et peuvent rendre l’exploitation non viable, ce qui aggrave la vulnérabilité de la Colombie-Britannique aux problèmes de sécurité alimentaire dus à la perte de terres agricoles. Les familles agricoles qui sont obligées de faire face à des problèmes nouveaux, difficiles et coûteux peuvent constater que leurs enfants sont moins intéressés par la reprise de l’exploitation à l’avenir, ce qui entraîne la perte de toutes les connaissances et compétences qu’ils auraient pu apporter en tant que nouvelle génération de fermiers familiaux.

La combinaison de la crise prolongée des revenus agricoles, de la perte des institutions de commercialisation gérées par les agriculteurs et de l’endettement croissant place les fermières dans une situation désavantageuse lorsqu’elles cherchent à accéder aux terres sur le marché. C’est une tendance qui existe non seulement en Colombie-Britannique, mais aussi dans tout le Canada et dans d’autres pays. Les pressions exercées sur les terres agricoles en Colombie-Britannique sont intensifiées par la géographie de la province. Sans protection législative, de vastes zones rurales de la Colombie-Britannique risquent de devenir soit un terrain de jeu pittoresque pour les riches, soit une zone de sacrifice au profit des industries d’extraction des ressources (en grande partie détenues par des étrangers).

La Colombie-Britannique peut poursuivre une vision bien meilleure. Une protection adéquate des terres agricoles créera un espace politique qui soutiendra également la biodiversité, la production alimentaire durable, les exploitations agricoles économiquement viables et les communautés rurales dynamiques. La Colombie-Britannique peut devenir un chef de file au Canada en veillant à ce que les jeunes qui souhaitent devenir fermiers et éleveurs puissent acquérir les terres dont ils ont besoin et en mettant en place des mécanismes de soutien pour garantir la réussite de ces jeunes agriculteurs. La souveraineté alimentaire peut devenir une réalité pour les habitants de la Colombie-Britannique si la province reconnaît que les terres agricoles sont le fondement de sa prospérité future. Nous aurons toujours besoin de manger tous les jours, même lorsque l’argent du pétrole et du gaz sera épuisé.

Respectueusement soumis par,

[orginally signed by]

Jan Slomp, Président

c.c. Hon. Norm Letnick, ministre de l’agriculture

c.c. Hon. Mary Polak, ministre de l’environnement

c.c. Hon. Steve Thomson, ministre des forêts, des terres et des opérations sur les ressources naturelles

c.c. Hon. Bill Bennett, ministre de l’énergie et des mines

Sources :

-Image : « NO 24 » a été prise à Metchosin BC par Alex Fletcher à Wind Whipped Farm.

-Graphiques : Le « nombre d’exploitations agricoles » se réfère aux données du recensement de l’agriculture.

-Graphiques : La « superficie totale des exploitations agricoles » fait référence aux données du recensement de l’agriculture.

-Graphique : « Revenu agricole, endettement, importations et exportations 1970-2011 » renvoie aux données de Statistique Canada.

-Carte : « BC’s Farm Lands Open for Development » provient de Commons BC http://commonsbc.tumblr.com/

-Carte : « BC Oil and Gas Undiscovered Resource Estimates » est tirée de The BC Energy Plan, gouvernement de la Colombie-Britannique http://www.energyplan.gov.bc.ca/bcep/default.aspx?hash=9