Region 6 | Opinion

SaskPulse L’accord VUA compromet le contrôle des semences et de la recherche par les fermiers

Par Kevin Beach et Donna Bryck-Beach

La récente assemblée générale de SaskPulse a donné lieu à un débat animé sur la résolution s’opposant aux accords d’utilisation des variétés (AIV) pour les variétés développées à l’aide des fonds du prélèvement (check-off). Les VUA sont des contrats que les fermières doivent signer lorsqu’elles achètent certaines nouvelles variétés, ce qui les oblige à payer une redevance annuelle au semencier si elles veulent planter des semences conservées par la ferme les années suivantes. La résolution a été soumise à SaskPulse par des producteurs de légumineuses dont les préoccupations dépassent le cadre d’une seule organisation, car la question de la VUA est au cœur de la question très sérieuse de savoir « qui contrôle les semences ». Les résultats du vote montrent clairement qu’il n’y a pas de consensus et que le débat n’est pas clos, d’autant plus que de nombreux fermiers ne sont pas encore conscients du sujet ou de ses implications.

Vous vous souvenez probablement des grandes réunions publiques organisées dans les Prairies en 2018 lorsque Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) menait des consultations sur la façon dont les fermiers voulaient payer les entreprises pour obtenir l’autorisation d’utiliser leurs propres semences de ferme : Redevances de point final ou Contrats de suivi. La réponse a été un NON retentissant – rien de tout cela. Des centaines de fermiers ont participé à ces réunions et l’opposition était forte et claire. En conséquence, AAC a renoncé à son projet de modifier la réglementation relative à la protection des obtentions végétales (POV) afin d’obliger les fermières à payer des redevances sur les semences conservées à la ferme. Au lieu de cela, AAC a déclaré qu’il attendrait que le secteur prenne l’initiative. Il semble que l’industrie (le gouvernement entend par là les multinationales semencières, et non les fermières) ait décidé d’opter pour les VUA, une version privée de la proposition de contrat de suivi.

Dans le cadre de son accord avec le géant multinational des semences Limagrain, SaskPulse a accepté de verser à l’entreprise 850 000 dollars par an, prélevés sur les fonds de prélèvement payés par les fermières, en échange du développement de variétés de pois et de lentilles. Si et quand les variétés qui en résultent sont diffusées, elles ne seront disponibles que pour les fermières qui acceptent de signer un contrat les obligeant à payer une redevance annuelle à Limagrain si elles l’utilisent pour des semences de ferme. Au lieu d’être poursuivis pour violation du droit d’obtenteur, les fermiers seraient poursuivis pour rupture de contrat s’ils plantent des semences de ferme sans payer l’entreprise. Ainsi, SaskPulse a donné à Limagrain un monopole sur l’utilisation des semences développées avec l’argent du check-off des producteurs. Ce que Limagrain n’a pas pu obtenir par voie réglementaire, SaskPulse l’a donné à l’entreprise, sans mandat ni consultation préalable des fermières.

SaskPulse affirme que les fermières qui souhaitent continuer à utiliser des semences conservées à la ferme sont invitées à utiliser des variétés plus anciennes, mais qu’elles continueront à payer des prélèvements obligatoires sur chaque boisseau de pois et de lentilles qu’elles vendent, subventionnant ainsi davantage des arrangements auxquels elles s’opposent.

Lors du débat de l’assemblée générale de SaskPulse, les directeurs ont affirmé qu’une partie de l’argent de la VUA reviendrait à SaskPulse, mais ils n’ont pas révélé combien, ni si d’autres obtiendraient également une part de ce gâteau. Un directeur a également fait valoir que les fermiers ne devraient pas trop s’inquiéter de payer deux fois pour la recherche sur les semences – c’est-à-dire une fois avec leur prélèvement et une autre fois avec une AUEV – parce que finalement, nous ne ferons que payer les AUEV. Il semble donc que les directeurs de SaskPulse planifient leur propre obsolescence. Pas de chèque, pas de SaskPulse ! Sans prélèvement, les fermières n’auront aucun moyen de pression – pas de fonds à affecter à la recherche en fonction des besoins des fermières, pas de droit de regard sur la manière dont les fonds sont investis, et donc aucune raison de continuer à avoir des organisations de développement des cultures.

Les semenciers comme Limagrain cherchent à augmenter leurs revenus et, comme les frais d’AAV ne sont pas limités, on peut s’attendre à ce que le prix des semences augmente, surtout si les AAV deviennent la norme pour toutes les nouvelles variétés. Alors que la récolte 2023 sera la plus chère jamais enregistrée, pourquoi SaskPulse accepterait-elle un système qui augmente le coût des semences en faisant payer les fermières pour les semences qu’elles ont cultivées dans leurs propres fermes ?

Il existe de nombreuses alternatives à l’abandon de notre pouvoir et de notre argent aux multinationales des semences. La sélection végétale publique, réalisée par le Centre de développement des cultures et d’autres universités, ainsi qu’à Agriculture Canada, avec le soutien et l’orientation du financement des fermières, donne des résultats exceptionnels pour l’ensemble du secteur agricole et notre économie dans son ensemble, comme l’a démontré l’économiste Richard Gray, de l’Université de Californie. La sélection végétale publique est adaptée aux besoins des fermières canadiennes et n’est pas compromise par les conflits d’intérêts des entreprises semencières privées qui vendent également des intrants et exigent des taux de profit élevés pour leurs actionnaires. Nous devons insister sur une politique de financement adéquat de nos sélectionneurs publics, depuis le développement du matériel génétique jusqu’à la diffusion de nouvelles variétés qui fonctionnent pour les fermières.

Les semences sont à la base du système alimentaire. La plantation de semences de ferme ne doit pas devenir une charge financière supplémentaire ou un problème juridique pour les producteurs.

Kevin Beach et Donna Bryck-Beach exploitent une ferme mixte près d’Ernfold, en Saskatchewan, où ils cultivent des pois et des lentilles ainsi que des céréales et des cultures fourragères, et élèvent des bovins de boucherie. Ils sont membres de la Nationale des Fermiers ainsi que des producteurs de légumineuses inscrits qui ont assisté et voté à l’AGA 2024 de SaskPulse.