Qui profite et qui perd de la pomme génétiquement modifiée qui ne brunit pas ?
Avec l’approbation récemment annoncée par les États-Unis de la « pomme arctique » génétiquement modifiée (GM) et l’examen en cours par Ag Canada, les producteurs de pommes de la Colombie-Britannique s’inquiètent à juste titre de la dissémination potentielle de ce produit sur leur marché. En fonction de l’acceptation par les consommateurs et de la demande sur ce marché, ils pourraient être confrontés à un cauchemar de perturbation de l’ensemble du marché de la pomme en Colombie-Britannique, dans un secteur où les marges sont extrêmement minces dans le meilleur des cas.
L’article du Western Producer du 5 juin 2014 fait état de l’opposition des producteurs de Colombie-Britannique à l’introduction de la pomme génétiquement modifiée « Arctic Apple » développée par « Okanagan Speciality Fruits ». La caractéristique GM ajoutée à cette pomme est qu’elle ne brunit pas lorsqu’elle est coupée en tranches. Selon l’article, « plus de 7000 signatures appelant à un moratoire sur l’introduction d’une pomme génétiquement modifiée ont été déposées à la législature de la Colombie-Britannique le28 mai 2014 par le porte-parole du NPD pour l’agriculture, Nicholas Simons ». Par ailleurs, l’Union des municipalités de la Colombie-Britannique a demandé à son gouvernement provincial de mener une étude sur l’impact d’un tel produit sur le marché des producteurs de pommes de la province.
L’inévitable réfutation de l’entreprise a été publiée dans le numéro du 6 novembre 2014 de Western Producer. La réfutation a été rédigée par Robert Saik, « agrologue professionnel et conseiller agricole agréé ». Il a cité « le volume de travail, les processus d’examen fédéral rigoureux et les tests » nécessaires au développement de la pomme, « sa valeur nutritive » et, bien sûr, « l’innocuité absolue de l’introduction proposée ».
Jusque dans les années 1960, avant que la station de recherche d’Agriculture Canada de Morden (Manitoba), autrefois célèbre dans le monde entier, ne subisse des coupes sévères et permanentes dans ses programmes, des travaux importants ont été réalisés sur le développement des cultures fruitières pour la région des Prairies. L’accent a été mis sur les variétés de pommes rustiques des prairies. Certains des croisements réalisés à l’époque se sont révélés très prometteurs, et un certain nombre des meilleurs d’entre eux ont fini par être mis en vente dans les pépinières des prairies. L’une de ces variétés Morden sélectionnées de manière conventionnelle présente le trait même qui, selon Robert Saik, « Okanagan Speciality Fruit », a consacré tant de temps et d’argent à la mise au point d’un « nouveau trait » GM et qui préoccupe aujourd’hui tant les producteurs de pommes de la Colombie-Britannique.
La chair de la variété Morden, lorsqu’elle est pelée, tranchée ou séchée, reste blanche, pratiquement indéfiniment. Certaines variétés commerciales conventionnelles possèdent également ce caractère à des degrés divers. On peut donc s’interroger sur la nécessité d’une variété de pomme génétiquement modifiée ne brunissant pas, alors que ce caractère est apparu naturellement au cours du processus de sélection conventionnelle d’une pomme rustique de qualité pour les prairies. Avec les outils d’identification des gènes désormais disponibles pour accélérer ce qui était autrefois, en particulier dans le cas des fruits de verger, un processus qui prenait des années, il semblerait que ce soit une perte de temps et d’argent que de s’engager dans la voie des OGM, ce qui, à terme, pourrait poser aux producteurs de pommes de la Colombie-Britannique une multitude de nouveaux problèmes de production et de commercialisation.
Si l’introduction du maïs, du canola et du soja génétiquement modifiés s’est avérée très pratique pour les producteurs de céréales des Prairies, les inconvénients sont considérables : augmentation exponentielle du coût des semences, contamination régionale, désenregistrement rapide des variétés de cultures conventionnelles, nouveaux problèmes de résistance des mauvaises herbes, rotations plus courtes avec constitution accélérée de réservoirs de maladies et contrôle par les entreprises de la quasi-totalité des semences de canola.
En fin de compte, le développement de la « pomme arctique » a probablement beaucoup moins à voir avec la prévention du brunissement des pommes qu’avec les brevets de propriété intellectuelle des entreprises et les bénéfices que les supermarchés tirent de la vente d’un fruit canadien important.