Dans ce numéro …
Semences pour la résilience du système alimentaire : Intérêt privé contre intérêt public – par Cathy Holtslander
Le système canadien de variétés de semences dans le collimateur des États-Unis – par Cathy Holtslander
Les organisations agricoles et les syndicats américains demandent à M. Biden de mettre fin à l’attaque de l’ACEUM contre les systèmes canadiens de gestion de l’offre – par Cathy Holtslander
Semences pour la résilience du système alimentaire
Intérêt privé ou public
– par Cathy Holtslander, directrice de la recherche et de la politique de l’UNF
Notre système alimentaire est confronté à de graves défis, notamment le changement climatique, la pandémie, la perte de biodiversité, l’accroissement des inégalités et la perte de contrôle démocratique. Un système public de sélection végétale solide, doté d’un pouvoir décisionnel fort pour les fermières et soutenu par un financement public généreux, est une stratégie clé pour tirer parti de notre héritage commun et développer la résilience dont nous avons besoin pour un avenir prospère. Cependant, notre système de semences d’intérêt public est attaqué par des entreprises privées de semences qui cherchent à accroître leur part de marché et leur rentabilité en obtenant une modification des règles dans leur intérêt. La résistance des fermières est essentielle, non seulement pour l’accès aux semences à des prix équitables, mais aussi en raison des nombreux effets des semences sur le système alimentaire, l’économie des communautés et les agro-écosystèmes.
La conservation et la sélection des semences remontent aux premiers temps de l’agriculture : pendant des millénaires, les fermières ont été les sélectionneurs de plantes du monde entier. Les semences étaient adaptées aux conditions locales et reflétaient les traditions, les besoins alimentaires, les goûts et l’esthétique des communautés agricoles. Ces pratiques ancestrales d’échange et de culture de semences sont ancrées dans les semences dont nous avons hérité et constituent la base de nos systèmes alimentaires. Les semences sont un patrimoine mondial reconnu par le traité international des Nations unies sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, que le Canada a signé.
Au20e siècle, la relation de notre société avec les semences a commencé à changer. La sélection végétale s’institutionnalise. Cette évolution est due à la fois aux nouvelles connaissances issues de l’étude de Gregor Mendel sur l’hérédité des caractères et à un changement dans la manière dont les gouvernements considèrent leur rôle à l’égard de l’agriculture et des fermières.
Juste avant le début duXXe siècle, le gouvernement canadien a demandé à William Saunders de recommander un cadre pour la recherche agricole au Canada. Il a proposé un réseau de fermes expérimentales, chacune centrée sur une région géographique, afin d’en étudier les cultures, les conditions et les défis agricoles. Nombre d’entre eux se sont lancés dans l’amélioration des plantes. La plupart de ces fermes expérimentales sont encore en activité en tant que stations de recherche d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Lorsque les universités ont été créées, leurs écoles d’agriculture ont également été impliquées dans la sélection végétale. Les fermiers ont continué à améliorer leurs cultures en observant et en sélectionnant les semences des plantes présentant les qualités souhaitées.
Dans les années 1920, la technique permettant de créer des maïs hybrides a été mise au point aux États-Unis. En croisant deux lignées parentales différentes, la progéniture peut produire une culture vigoureuse avec les qualités souhaitables de chaque parent. Cependant, les semences conservées à partir de cultures hybrides ont produit des plantes présentant les caractéristiques moins souhaitables des lignées parentales. Il était donc logique que les fermières achètent chaque année de nouvelles semences hybrides. Cela a créé un marché annuel pour les semences de maïs. La société Hi-Bred Corn Company, créée en 1926, a marqué le début du secteur privé des semences.
Plus tard, lorsque le génie génétique a été développé, le brevetage des séquences génétiques a donné aux semenciers privés un mécanisme juridique pour empêcher les fermières de conserver leurs semences et leur a permis de percevoir des redevances. La nécessité d’acheter des semences chaque année permet aux entreprises d’augmenter le prix des semences génétiquement modifiées, en particulier lorsqu’il n’existe pas d’alternatives non génétiquement modifiées. Au Canada, les premières cultures génétiquement modifiées ont été le maïs et le canola vendus par Bayer et Monsanto, qui sont arrivés sur le marché en 1996. Les variétés produites grâce à la technologie de l’édition génétique sont brevetables, même si les entreprises exercent de fortes pressions pour que les gouvernements les réglementent comme s’il s’agissait de variétés traditionnelles.
Au début des années 2000, les entreprises de biotechnologie ont proposé un système visant à empêcher les fermières d’utiliser les semences conservées à la ferme en rendant les semences de leurs cultures stériles, à moins qu’elles ne soient traitées avec un spray permettant d’inverser le processus de stérilisation. Les entreprises contrôleraient bien sûr l’accès au traitement d’inversion. C’est ce que l’on a appelé la « technologie Terminator ». Les fermières et l’opinion publique se sont massivement opposées à cette technologie. La campagne a réussi à obtenir un moratoire mondial sur cette technologie.
Les brevets et l’hybridation sont devenus des stratégies visant à réduire ou à éliminer la pratique ancestrale de la conservation des semences, créant ainsi un marché annuel pour les semences. Pour les cultures qui ne font pas l’objet d’un brevet ou qui ne sont pas à pollinisation libre, les entreprises ont pu augmenter le prix des semences et lier les ventes de semences à celles d’autres intrants, tels que les herbicides, les pesticides et les engrais, qu’elles vendent sous forme de paquets. Les plus grandes entreprises se sont consolidées par le biais de fusions et d’acquisitions. Ce qui a débuté sous le nom de Hi-Bred en 1926 est devenu Corteva ; Bayer a racheté Monsanto en 2018. Aujourd’hui, six entreprises seulement contrôlent plus de 60 % du marché mondial des semences et 75 % du marché des pesticides.
Le développement des semences de légumes est aujourd’hui presque exclusivement privé, mais très peu d’activités de sélection ou de production sont encore réalisées au Canada. Les cultures qui ne sont pas faciles à hybrider, comme le blé, ou qui ont des marchés plus restreints, comme les cultures fourragères, sont principalement sélectionnées dans le cadre du système public de sélection végétale. Cependant, les sociétés de semences ????ons renforcent leur emprise sur ces cultures par le biais de lois et de réglementations sur les droits d’obtenteur, permettant aux développeurs de semences d’obtenir un contrôle similaire à celui d’un brevet sur les cultures non hybrides et non génétiquement modifiées. Le renforcement des restrictions en matière de droits d’obtenteur et l’interdiction d’accès aux semences non protégées par des droits d’obtenteur créeraient les conditions nécessaires pour que les entreprises privées deviennent suffisamment profitables pour remplacer le secteur public de la sélection végétale en obtenant un contrôle monopolistique sur les semences. Les fermières et la sélection végétale publique Pour la plupart des produits de base, les fermières paient un « check-off » lorsqu’elles vendent leur récolte. Il s’agit d’un petit prélèvement destiné aux commissions provinciales de développement des cultures, qui peuvent ensuite investir les fonds mis en commun dans la sélection végétale et d’autres activités liées à leur type de culture. Leurs conseils d’administration sont élus par les fermiers qui cultivent la plante et paient le prélèvement. La majeure partie de l’argent du check-off est consacrée à la recherche, y compris aux projets et institutions publics de sélection végétale. La Western Grains Research Foundation est un autre organisme de financement important, géré par les fermières, qui soutient la sélection végétale publique ainsi que la recherche agronomique.
Il a été créé en 1981 grâce à une dotation de plusieurs millions de dollars provenant d’un programme d’aide à l’agriculture qui avait été abandonné. D’autres sources de financement, dont les pénalités payées par les chemins de fer en cas de dépassement du plafond de recettes des MRE, ont permis de porter le fonds de dotation à plus de 100 millions de dollars. L’UNF dispose d’un siège au conseil d’administration de la WGRF, composé de 12 membres, et a donc son mot à dire sur la manière dont les fonds alloués à la recherche seront dépensés. Plusieurs stations de recherche d’AAC sont impliquées dans la sélection végétale, de même qu’un certain nombre d’universités et de gouvernements provinciaux. Le Crop Development Center de l’Université de Californie est l’une des institutions les plus importantes en matière de sélection des cultures céréalières.
Le projet de sélection végétale participative de l’Université du Manitoba est une autre initiative de sélection végétale dirigée par les fermières. Plusieurs fermiers des Prairies travaillent avec des sélectionneurs agréés pour développer des cultivars qui donnent de bons résultats dans leurs propres exploitations. Certains fermiers sélectionneurs visent à développer des variétés enregistrées en vue d’une distribution commerciale. L’un des objectifs est de sélectionner des lignées qui s’adaptent bien aux systèmes de production à faible niveau d’intrants, tels que l’agriculture biologique certifiée.
L’initiative Bauta Seed travaille à la fois sur les cultures de plein champ et sur le développement de semences de légumes par le biais de la sélection végétale participative, dans le but de rendre le Canada plus autosuffisant en matière de semences de légumes et de développer des cultures mieux à même de s’adapter à des conditions de croissance plus incertaines en raison du changement climatique. La plupart des semences de légumes du Canada sont importées. Cela s’explique en partie par la brièveté de la période de végétation, qui rend difficile l’obtention de semences mûres avant le gel, et en partie par l’étroitesse du marché, qui rend l’activité moins profitable. AAC ne fait plus de sélection végétale publique pour les variétés de légumes autres que les pommes de terre, et il existe un minuscule programme de sélection végétale à l’université de Guelph.
Blé résistant à la cécidomyie – une réussite de la sélection végétale publique financée par les fermières La cécidomyie du blé est un ravageur du blé qui peut causer beaucoup de dégâts. Les larves se nourrissent de grains de blé immatures, ce qui entraîne des pertes de rendement importantes en cas de fortes infestations. En 1996, les chercheurs d’AAC ont découvert une variété de blé blanc d’hiver so ???? résistante à la cécidomyie et ont commencé à l’étudier. Ils ont découvert que la plante possédait un gène qui lui permettait de produire un produit chimique toxique pour les larves de moucherons lorsqu’elles étaient attaquées : le moucheron cessait alors de se nourrir et mourait. Une fois les moucherons disparus, la plante a cessé de produire le produit chimique, de sorte qu’il n’y a pas d’impact sur la qualité du blé lorsque les grains sont mûrs.
Grâce à des techniques de sélection traditionnelles, les scientifiques d’AAC ont pu sélectionner un blé de force roux de printemps – le type de blé utilisé pour faire du pain et le plus cultivé dans les Prairies – qui résiste à la cécidomyie. Il a été commercialisé en 2010. Les semences sont vendues dans des sacs contenant 10 % de variétés sensibles aux moucherons, afin de garantir que les moucherons sensibles puissent encore survivre dans de petites populations et d’éviter de créer des conditions leur permettant d’acquérir une résistance. Les sélectionneurs de blé canadiens d’AAC à Winnipeg et Swift Current et du CDC aux États-Unis ont depuis lors mis au point 37 variétés de blé résistantes à la cécidomyie, englobant toutes les classes de blé de l’Ouest. De 1997 à 2019, 16,3 millions de dollars de fonds publics et fermiers ont été investis pour développer du blé tolérant à la cécidomyie, avec un retour sur valeur en dollars estimé à 37:1. En outre, les fermières qui utilisent des variétés de cécidomyie du blé n’ont plus besoin de pulvériser contre la cécidomyie du blé, ce qui présente des avantages évidents sur le plan de l’environnement et de la santé. Les populations de cécidomyies diminuent grâce à ces variétés, de sorte que même les fermières qui n’achètent pas de semences résistantes à la cécidomyie du blé sont protégées par l’utilisation de ces semences par leurs voisins. Le contraste entre le succès du blé résistant à la cécidomyie du blé et la frustration des promesses du colza velu (Bulletin d’information de l’Union Fermière : octobre 2020) montre comment ceux qui financent et prennent les décisions en matière de sélection végétale et qui contrôlent la commercialisation des nouvelles variétés affectent les terres, les moyens de subsistance, l’économie, la communauté, la biodiversité et les perspectives d’avenir des fermières et des fermiers. En tant que société et en tant que fermiers, nous sommes confrontés à des défis de taille. Nous avons besoin d’un système alimentaire qui fonctionne pour nous, et pas seulement pour les grandes entreprises qui gagnent de l’argent en vendant des semences et des intrants coûteux aux fermières.
La Synergie des semences 2018 (les groupes qui ont récemment fusionné pour former Semences Canada et CropLife Canada) a publié un livre blanc qui présente ses objectifs, notamment « Modifier le Règlement sur les semences pour rationaliser les exigences et permettre la modernisation du cadre réglementaire des semences, y compris l’incorporation par référence ». L’incorporation par référence est un mécanisme qui permet de retirer les normes et les processus des règlements officiels annexés à la législation et de les remplacer par une référence à des documents élaborés par l’industrie, qui ont alors force de loi mais peuvent être modifiés par l’industrie sans l’intervention du gouvernement ou du public. Cela contraste avec la procédure normale de modification de la réglementation, qui exige la publication du texte proposé, une consultation publique et l’approbation finale par le ministre ou le cabinet. Seed Synergy souhaite que « l’industrie » soit autorisée à fixer les normes de germination, la présence de graines de mauvaises herbes et les exigences en matière de maladies pour les semences vendues aux fermières, ainsi que les règles de certification des semences, y compris le pouvoir de définir l’éligibilité à la certification variétale des semences, à la certification des cultures de semences, ainsi qu’aux normes et aux essais des semences. Déléguer ce pouvoir au lobby des semenciers aurait un impact énorme sur la sélection végétale, la qualité des semences et l’accès aux semences. Le processus fédéral de modernisation de la réglementation sur les semences, qui est actuellement en cours, aura un impact sur le degré de contrôle que les sociétés semencières exerceront sur notre système alimentaire et agricole. Des règles favorisant les intérêts des entreprises menaceraient la viabilité future de notre système public de sélection végétale et placeraient les fermières dans le rôle de simples consommatrices, au lieu d’être les décideurs qui façonnent l’agenda de la recherche publique sur les semences en finançant les travaux publics de sélection végétale. L’UNF participe à ces discussions sur la réglementation, mettant comme toujours l’intérêt public et les intérêts des fermières au premier plan. Restez à l’écoute pour connaître les possibilités de participation du public.
Le système canadien de variétés de semences dans le collimateur des États-Unis
-par Cathy Holtslander, directrice de la recherche et de la politique de l’UNF
Le 31 mars, la représentante américaine au commerce, Katherine Tai, a publié le rapport 2021 National Trade Estimate (NTE), qui donne un aperçu de ce que le gouvernement américain considère comme des barrières commerciales importantes pour les exportations américaines de biens et de services. Ce rapport volumineux comprend 11 pages sur le Canada, décrivant les réglementations, lois et politiques existantes ou proposées que le gouvernement américain tente d’influencer au nom des entreprises américaines. Il s’agit notamment de leur objection à la réglementation canadienne sur les couvre-fenêtres afin d’éviter que les bébés ne soient étranglés par des cordes pendantes, du suivi des projets du Canada visant à interdire les plastiques à usage unique, de la vive inquiétude suscitée par le fait que le Canada envisage de taxer les services numériques et de l’implication continue des États-Unis dans l’initiative du Canada visant à étiqueter de manière visible les aliments à forte teneur en sel, en matières grasses et/ou en sucres.
Le langage et le ton du document expriment clairement que les accords commerciaux tels que l’accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) ne sont pas des « partenaires » commerciaux travaillant ensemble, mais plutôt un outil que les puissants lobbies d’entreprises utilisent pour discipliner, contraindre et faire reculer les réglementations nationales qui interfèrent avec leurs intérêts.
Les intérêts des multinationales se manifestent très clairement dans les clauses de l’ACEUM relatives aux céréales. Le Canada a mis en œuvre l’ACEUM en adoptant à la hâte le projet de loi C-4 au Parlement le jour de la fermeture de celui-ci au début de la pandémie. Le projet de loi C-4 a modifié la loi sur les grains du Canada pour permettre aux grains cultivés aux États-Unis d’entrer dans notre système de manutention des grains, où ils peuvent être mélangés à nos grains et exportés comme s’ils avaient été cultivés au Canada. Le lobby américain du blé a donc pu cocher cette case sur sa liste de choses à faire.
L’UNF s’est opposée à ce que les céréales cultivées aux États-Unis soient traitées comme si elles étaient canadiennes. Lorsque nous avons fait part de nos préoccupations, les fonctionnaires ont tenté de nous rassurer en affirmant que cela ne changerait pas grand-chose à la qualité, aux prix ou à la réputation internationale de nos exportations, car seules les variétés enregistrées au Canada seraient autorisées à entrer dans le système.
Aujourd’hui, il semble que le lobby américain ait commencé à agir sur une autre clause de l’ACEUM, qui exige que le Canada discute « des questions liées au fonctionnement d’un système national de classement des grains ou de classes de grains, y compris les questions liées au système de réglementation des semences associé au fonctionnement d’un tel système, par le biais des mécanismes existants » si les États-Unis en font la demande.
Le National Trade Estimate Report 2021 contient un paragraphe dans la section Canada intitulé Restrictions on U.S. Seeds Exports( Restrictions sur les exportations de semences américaines) :
Pour de nombreuses grandes cultures, la loi canadienne sur les semences interdit généralement la vente ou la publicité pour la vente au Canada, ou l’importation au Canada, de toute variété de semences qui n’est pas enregistrée auprès de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). L’enregistrement des variétés au Canada confère à l’ACIA un rôle de surveillance dans le maintien et l’amélioration des normes de qualité des céréales au Canada. L’enregistrement est conçu pour faciliter et soutenir la certification des semences et le commerce international des semences, pour vérifier les revendications faites, ce qui contribue à une représentation juste et précise des variétés sur le marché, et pour faciliter l’identité variétale, l’identité des caractères et la traçabilité sur le marché afin de garantir que les normes sont respectées. Toutefois, certains s’inquiètent de la lenteur et de la lourdeur du système d’enregistrement des variétés, ainsi que des inconvénients qu’il présente.
Exportations de semences et de céréales américaines vers le Canada. Sous la loi sur les grains du Canada, seuls les grains de variétés produites à partir de semences de variétés enregistrées en vertu de la loi sur les semences peuvent recevoir un grade supérieur au grade le plus bas autorisé dans chaque classe. L’ACEUM comprend un engagement à discuter des questions liées aux systèmes de réglementation des semences.
Les États-Unis continueront à discuter avec le Canada des mesures à prendre pour moderniser et rationaliser le système d’enregistrement des variétés du Canada.
Canada les mesures à prendre pour moderniser et rationaliser le système canadien d’enregistrement des variétés.
Ce paragraphe montre que notre « partenaire » commercial s’attaque maintenant aux murs de notre château : notre système d’enregistrement des variétés est celui dont on nous a assuré qu’il protégerait notre système de la dégradation par des variétés de blé de qualité inférieure en provenance des États-Unis. Les multinationales céréalières, le lobby américain du blé et leurs amis au Canada ne doivent pas être autorisés à détruire notre système d’enregistrement des variétés, sinon nous aurons un marché continental pour les céréales, sans possibilité de différencier les céréales canadiennes sur les marchés internationaux.
Les associations agricoles et les syndicats américains demandent à M. Biden de mettre fin à l’attaque de l’ACEUM contre les systèmes de gestion de l’offre du Canada
-par Cathy Holtslander, directrice de la recherche et de la politique de l’UNF
Le 1er février, des organisations agricoles, syndicales et de la société civile américaines ont officiellement demandé à l’administration Biden-Harris de retirer l’attaque contre le secteur laitier canadien lancée par le représentant américain au commerce (USTR) dans les derniers jours de l’administration Trump.
Dans le firmier différend lancé dans le cadre de l’accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), les États-Unis contestent la manière dont le Canada a alloué un accès supplémentaire au marché, ou des contingents tarifaires (CT), pour les produits laitiers américains, comme convenu lors des négociations de l’ACEUM.
« En mettant de côté et en réservant un pourcentage de chaque CT de produits laitiers exclusivement aux transformateurs, le Canada a sapé la capacité des fermières et des producteurs laitiers américains à utiliser les CT convenus et à vendre une large gamme de produits laitiers aux consommateurs canadiens », indique un communiqué de presse de l’USTR annonçant le différend en décembre.
De leur côté, de nombreux fermiers américains voient dans cette contestation commerciale une attaque injustifiée contre les agriculteurs canadiens et un système de gestion de l’offre de plus en plus convoité au sud de la frontière.
« Les fermières laitières et les travailleurs agricoles luttent pour leur survie, littéralement et figurativement, alors que la politique commerciale et agricole des États-Unis est exploitée contre eux au profit d’intérêts corporatistes », ont déclaré les fermières américaines et les groupes de la société civile dans leur lettre à l’USTR. « Cette mesure, si elle est mise en œuvre, mettrait en péril les moyens de subsistance des fermiers canadiens et des travailleurs syndiqués de la transformation laitière, opposant les producteurs laitiers américains aux familles de travailleurs de l’autre côté de la frontière. »
Lorsque l’ACEUM a été négociée, le secteur laitier canadien avait déjà perdu une part significative de notre marché laitier intérieur au profit de l’Europe, via l’Accord économique et commercial global (AECG), et au profit des pays de la région du Pacific, via l’Accord global et progressif pour le partenariat transpacifique (CPTPP).
Dans le cadre de l’ACEUM, le Canada a maintenu son système de gestion de l’offre, mais a concédé une augmentation des importations de produits laitiers en franchise de droits (CT) en provenance des États-Unis : 50 000 tonnes métriques supplémentaires de lait fluide et 12 500 tonnes métriques de fromage doivent entrer au Canada en franchise de droits d’ici la sixième année de l’accord (l’été 2026). Le Canada met en œuvre l’accord ACEUM en délivrant des permis aux transformateurs laitiers canadiens, ce qui leur permet d’importer les volumes convenus d’ingrédients laitiers d’origine américaine pour les transformer au Canada.
Cela ne suffit pas au lobby agressif des entreprises laitières aux États-Unis. Le lobby laitier américain estime que « l’esprit » du nouvel accord ALENA serait que le Canada lui permette de maximiser les avantages potentiels de l’ACEUM en important ses produits transformés de plus grande valeur.
« Nous sommes d’accord avec la position canadienne sur le fond mais, plus encore, et en solidarité avec les fermières et les travailleuses laitières canadiennes, nous exhortons l’administration Biden à retirer la plainte », ont rétorqué les alliés américains dans leur lettre.
Les petites exploitations laitières américaines traversent une crise grave en raison de la faiblesse prolongée des prix à la production, qui sont inférieurs au coût de production. Paradoxalement, lorsque les prix baissent, la production augmente, car les exploitations tentent de compenser en volume ce qu’elles perdent en prix. Cela favorise les plus grandes exploitations et pousse les plus petites à la faillite.
Les exploitations laitières sont moins nombreuses et plus grandes – certaines traient jusqu’à 36 000 vaches – tandis qu’un tiers des exploitations laitières américaines ont disparu au cours de la dernière décennie. L’augmentation rapide de la dette et du désespoir a créé une crise du suicide dans les communautés agricoles. Les fermiers américains s’enlèvent la vie à un rythme 3,5 fois supérieur à celui de la population générale.
Pendant ce temps, les grands transformateurs de produits laitiers ont réagi aux perturbations provoquées par la Covid-19 en mettant fin unilatéralement aux contrats, laissant les petites fermières sans aucun accès au marché et sans aucun moyen de gagner leur vie ou de rembourser leurs emprunts. Si l’interprétation de l’accord de l’ACEUM par le lobby laitier l’emporte, ces entreprises seront encore plus à même de faire baisser les prix à la production et d’imposer la misère à un plus grand nombre de familles d’agriculteurs et à leurs communautés.
« Mon cœur se brise chaque fois que j’entends parler d’une autre ferme laitière familiale qui disparaît à cause d’un marché guidé par les intérêts des entreprises », déclare Arwa de Groot, membre de l’Union Nationale des Fermiers de l’Ontario et productrice laitière. « Je pense que nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider à créer un système de gestion de l’offre pour nos amis du sud, afin qu’ils puissent eux aussi profiter des fruits de leur travail tout en produisant un lait durable et de qualité ».
Au Canada, l’UNF soutient les fermières américaines dans leurs efforts pour mettre en place un système de commercialisation des produits laitiers équitable, inspiré du système canadien de gestion de l’offre. En 2017, l’UNF a envoyé une lettre à la précédente administration américaine pour expliquer les avantages du modèle canadien. Il a déclaré que la gestion de l’offre :
fonctionne bien depuis plus de 50 ans… et protège les intérêts des fermières, des transformateurs et des consommateurs de produits laitiers sans faire appel aux deniers publics. Les fermiers reçoivent une rémunération équitable pour leur travail, leur gestion et leurs investissements en échange du contrôle de leur volume de production ; les transformateurs laitiers reçoivent un approvisionnement fiable en lait à des prix prévisibles ; les consommateurs reçoivent des produits laitiers sains et de haute qualité à des prix raisonnables et ne sont jamais confrontés à des pénuries. L’ensemble du système fonctionne sans un centime de subvention gouvernementale.
Lorsque Covid-19 a frappé, la demande des consommateurs a brusquement changé et les gens se sont mis à cuisiner à la maison. Notre système de gestion de l’offre a été en mesure de réagir rapidement et équitablement, en partageant la charge du réalignement des besoins de production et de transformation. Contrairement à ce qui s’est passé aux États-Unis, aucun fermier laitier canadien n’a perdu son accès au marché à cause de la pandémie.
Le système de gestion de l’offre favorise également les pratiques respectueuses de l’environnement, en partie grâce à des revenus fiables qui permettent aux fermières d’investir dans la consolidation des sols, l’efficience énergétique et les énergies renouvelables à la ferme. Avec un troupeau moyen de 89 vaches, les fermières canadiennes peuvent intégrer la production de fourrage et d’aliments pour animaux et la gestion du fumier afin de construire des sols sains, en évitant la pollution de l’air et de l’eau et les coûts élevés de transport des aliments pour animaux. Les exploitations familiales économiquement stables, avec des troupeaux plus petits, vont également de pair avec des normes élevées en matière de bien-être animal.
Chaque province dispose de son propre quota soumis à la gestion de l’offre, de sorte que les usines de transformation nécessaires pour servir les fermières locales fournissent également de bons emplois dans tout le pays. Tournés vers l’avenir, les agriculteurs élus aux conseils d’administration des entreprises laitières ont mis en place des programmes destinés à aider les jeunes agriculteurs à se lancer dans la production laitière, en accordant ouvertement la priorité à ceux qui démarrent des fermes biologiques certifiées. Le secteur laitier canadien répond également aux initiatives des systèmes alimentaires locaux en créant des opportunités pour des approches innovantes de transformation à la ferme et de marketing direct.
Nous sommes encouragés par la solidarité de nos amis américains qui demandent le retrait de la récente contestation commerciale, et nous espérons que le président Biden résistera à la pression des « grands producteurs laitiers » avec le même courage et la même imagination que ceux dont il a fait preuve dans son initiative de lutte contre le changement climatique. Nous espérons également que la fin de ce défi commercial sera la première étape de l’administration Biden-Harris vers la mise en œuvre de la gestion de l’offre aux États-Unis.
Aperçu des semences potagères
Le Canada est fortement dépendant des importations de semences de légumes. Le Canada compte 3 487 producteurs de semences sélectionnées, 1 800 fermes de semences fourragères, 400 producteurs de semences de maïs hybride et 370 producteurs de semences de pommes de terre. L’Agence canadienne d’inspection des aliments signale également « un petit nombre de producteurs de semences de légumes ».
Le secteur des semences potagères est dominé par les mêmes entreprises agroalimentaires mondiales qui contrôlent plus de 60 % du marché mondial des semences, notamment Bayer, Syngenta/Chemchina, BASF, Limagrain et KWS, ainsi qu’un certain nombre de multinationales spécialisées dans les semences potagères : Rujk Zwaann, Bejo, Sakata, Enza Zaden et American Takii.
Nous importons 85 % de nos semences de légumes de sept pays : États-Unis, Pérou, Pays-Bas, Chine, Chili, Tanzanie et France.
Le marché des semences de légumes comprend trois segments principaux : les producteurs commerciaux de légumes frais, les producteurs de légumes de transformation et les jardiniers amateurs.
Le recensement agricole de 2016 fait état d’un peu moins de 10 000 exploitations maraîchères (à l’exclusion des serres), produisant sur 270 294 acres.
La sélection de semences de légumes est très limitée au Canada.
L’Université de Guelph gère un petit programme de sélection de plantes potagères financé par l’État. Elle a mis sur le marché de nouvelles variétés d’asperges.
La station de recherche de Vineland, créée en 1906 en tant qu’établissement public de recherche au service des producteurs de fruits et d’horticulture de la région de Niagara, et privatisée un siècle plus tard, effectue des travaux de sélection de légumes financés par des subventions gouvernementales et par les redevances qu’elle perçoit au titre du droit d’obtenteur. Vineland développe des variétés de tomates de serre ainsi que quelques fruits et plantes ornementales.
L’initiative Bauta Seed, un projet de l’organisation à but non lucratif SeedChange, travaille avec un réseau de fermiers, de chercheurs et d’acteurs de l’industrie pour renforcer les capacités des agriculteurs en matière d’essais et de sélection à la ferme, et a identifié les tomates, les poivrons, les carottes, Elle a identifié les tomates, les poivrons, les carottes, la laitue, les courges d’hiver, les oignons/poireaux et le brocoli/cauliflower comme ayant le plus besoin d’être améliorés, en mettant l’accent sur l’arôme/la qualité gustative, la productivité/le rendement, la précocité et la résistance aux maladies et, pour certains types de cultures, la résistance aux parasites et la qualité du transport/de l’entreposage.