Policy

Soumission de l’UNF au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire sur les questions relatives au secteur de l’horticulture

L’Union Nationale des Fermiers (UNF) a le plaisir de fournir des commentaires pour soutenir l’étude du Comité sur les questions relatives au secteur horticole, en particulier les programmes d’assurance et l’aide fédérale accordée au secteur horticole, en mettant l’accent sur l’efficacité des programmes d’assurance et l’aide ponctuelle disponible pour faire face aux risques climatiques. Nous proposons également d’autres solutions possibles pour améliorer la résilience climatique du secteur.

Nous soutenons que l’ensemble actuel des programmes de gestion des risques de l’entreprise (GRE) est inadapté au secteur de l’horticulture. À court terme, il est nécessaire d’améliorer les programmes de GRP pour les fermières qui doivent faire face aux effets immédiats du changement climatique. Toutefois, à long terme, les programmes de gestion des risques biologiques ne peuvent pas couvrir les coûts du changement climatique, ni encourager une adaptation substantielle aux effets du changement climatique. Nous soulignons les lacunes des programmes de GRE pour le secteur horticole et proposons une Agence canadienne de résilience agricole (ACRA) comme solution nécessaire pour aider le secteur horticole à faire face au changement climatique.

L’ensemble actuel des programmes de GRE (c’est-à-dire Agri-relance, Agri-stabilité, Agri-protection, Agri-investissement et le programme de paiements anticipés) a été élaboré principalement pour faire face aux risques typiques des cultures à grande surface dans un climat prévisible, et ne reflète donc pas correctement les risques auxquels est confronté le secteur de l’horticulture. Ces programmes de GRP ne tiennent pas compte de la valeur élevée à l’hectare, de la diversité et du caractère périssable des cultures horticoles, ni de la production de plusieurs cultures par saison de végétation. L’évaluation des dommages dans le cadre des demandes d’indemnisation au titre de la gestion des risques est donc une épreuve complexe. Il est difficile de créer des formules pour évaluer les pertes dues aux intempéries et aux tempêtes dans le secteur de l’horticulture. Les indemnités disponibles sont faibles et peuvent ne pas être suffisantes pour maintenir les exploitations touchées en production, en particulier si les demandes d’indemnisation sont traitées si lentement que la prochaine récolte génératrice de revenus est indûment retardée. Les données d’AAC montrent que la couverture d’Agri-assurance pour les fourrages, les fruits et les légumes est chroniquement inférieure à celle des céréales et des oléagineux. Les producteurs de fruits et légumes de l’Alberta (30,3 %), du Nouveau-Brunswick (24,9 %) et du Québec (22,6 %) ont fréquemment cité l’absence de régimes spécifiques aux produits comme raison de ne pas s’inscrire à Agri-protection.

Les programmes de GRE sont également inefficaces en raison de la charge administrative qu’ils font peser sur les fermières, des coûts de candidature aux programmes de GRE, de l’absence de rémunération accordée par ces programmes, des retards de paiement et de l’impossibilité pour les programmes de GRE de pouvoir être modifiés avant 2028. Lorsque les fermières ne reçoivent pas de valeur, elles ne s’inscrivent pas. L’évaluation du programme Agri-stabilité a observé que le nombre de producteurs inscrits a diminué de plus de 18 % entre 2016 et 2021. Le nombre de producteurs inscrits au programme Agri-stabilité est en baisse, les petites exploitations quittant le programme plus rapidement que les grandes ». La sous-inscription des petites exploitations est particulièrement préoccupante, car elle indique un biais structurel discriminatoire à l’égard des petites exploitations et, par conséquent, exclut de nombreux acteurs du secteur horticole de ce programme de soutien de plusieurs milliards de dollars.

Les effets néfastes du changement climatique sont inévitables et ne feront que s’aggraver. Le coût des programmes de GRE, en particulier les primes d’Agri-assurance, augmentera au fil du temps, ce qui fera peser une charge encore plus lourde sur les fermières que ce programme est censé aider. Agri-relance pourrait ne pas être déclenché lorsque les fermières en ont besoin si les gouvernements provinciaux estiment que le programme pèsera indûment sur leur budget. Ces programmes deviendront moins accessibles aux fermières, en particulier aux petites exploitations, si elles ne disposent pas de programmes adéquats d’atténuation et d’adaptation au climat. En effet, 25 % des non-participants au programme Agri-protection ont cité le coût des primes comme raison de leur non-participation au programme, et les fermières du secteur horticole étaient plus susceptibles de citer le coût des primes comme raison de leur non-participation.

Au-delà des problèmes de conception des programmes de GRP, ces programmes ne s’attaquent pas au problème sous-jacent de l’aggravation des effets du changement climatique et de la diminution des rendements des produits agricoles.

Les fermiers dépendent de l’eau pour leurs cultures horticoles. Avec le changement climatique, les précipitations sont de moins en moins prévisibles – elles sont trop abondantes, trop faibles et/ou inopportunes. L’irrigation à partir de l’eau de puits peut ne pas être durable, car elle dépend du taux de recharge de la source, qui est affecté par la sécheresse, le drainage et les pressions liées au développement. Les eaux de surface ne sont pas potables et ne conviennent donc pas à l’irrigation des cultures horticoles, à moins qu’elles ne soient traitées. Les infrastructures de stockage et de traitement de l’eau à la ferme peuvent fournir de l’eau potable en cas de besoin, mais leur installation est coûteuse. Les cultures horticoles subissent également un stress thermique accru, ce qui réduit leur viabilité. Le stress thermique peut être réduit grâce à des infrastructures d’ombrage bien conçues. Il ne s’agit là que de quelques mesures d’adaptation qui permettraient de réduire les charges et les risques liés au changement climatique auxquels les fermières horticoles sont confrontées si le gouvernement leur apportait son aide.

Outre les effets du climat, les fermières ont subi une hausse fulgurante des coûts ainsi qu’une pression à la baisse sur les prix des produits horticoles. Alors que les Canadiens sont confrontés à la hausse des prix des produits alimentaires, chaque point de pourcentage d’augmentation des coûts pour le consommateur profite davantage aux géants de la distribution qu’aux producteurs, car les coûts des produits agricoles représentent une part moins importante du prix de vente au détail. Les grandes surfaces alimentaires maintiennent une marge de 3 %, ce qui permet d’augmenter la valeur totale des bénéfices au fur et à mesure que les prix augmentent. En fait, les bénéfices du commerce de détail alimentaire ont doublé entre 2020 et 2023. Le secteur canadien de la grande distribution est également très concentré. Les quatre premières entreprises détiennent 68 % de la part de marché de l’épicerie de détail. Le déséquilibre du pouvoir de marché entre les grands détaillants et les fermiers individuels accentue la pression à la baisse sur les prix à la production pour les producteurs horticoles canadiens. Ces rendements en baisse signifient que nous avons un déficit structurel : les coûts de production augmentent alors que les acheteurs en gros paient trop peu : la différence est prélevée sur les terres, les salaires des travailleurs agricoles et le revenu des fermières. L’endettement et la faiblesse chronique des revenus nets limitent les choix des fermières horticoles et leur capacité à s’adapter au changement climatique. Les GRP ne peuvent fondamentalement pas résoudre ces problèmes.

L’UNF considère que la dépendance du gouvernement à l’égard des solutions basées sur le marché constitue une faiblesse politique. Les outils fondés sur le marché tentent d’intégrer le coût des atteintes à l’environnement dans le prix des biens et des services, représentant ainsi le « coût réel » de la production. Dans un rapport du gouvernement canadien sur les politiques environnementales fondées sur le marché, Marion Wroebel (1990) l’affirme en soutenant que : « Une approche fondée sur le marché utiliserait la motivation de profit du producteur pour réduire le niveau de pollution en imposant un prix valable pour l’utilisation de l’environnement, plutôt que le prix zéro auquel les entreprises ont été habituées. Nous ne pouvons pas compter sur des solutions basées sur le marché pour obtenir des avantages environnementaux, car les priorités du marché, même avec des incitations, sont souvent en contradiction avec ce dont les fermières canadiennes ont besoin pour développer des pratiques de production résilientes et adaptatives et des infrastructures sur les fermes.

Les GRE s’appuient largement sur les forces du marché pour calculer les montants des paiements reçus par les fermières. S’appuyer sur des programmes de gestion des risques économiques pour les fermières individuelles ne permet pas au Canada de gérer les risques systémiques – les GRE n’offrent que de brefs répits pour faire face aux catastrophes.

Les paiements d’assurance ne remplaceront pas la nourriture dont les Canadiens ont besoin, même s’ils constituent un soutien économique lorsque les récoltes sont mauvaises. L’assurance et la gestion des risques basée sur le marché ne résoudront pas les causes profondes du nombre croissant de catastrophes naturelles qui menacent la viabilité des exploitations horticoles, et donc les moyens de subsistance des fermiers et la sécurité alimentaire des Canadiens. Le gouvernement canadien doit adopter une approche proactive pour aider les fermières à faire face au changement climatique.

Les mesures d’adaptation au changement climatique sont de la plus haute importance pour les fermières horticoles. Ces mesures comprennent le financement de l’adoption de nouvelles méthodes et technologies et le soutien au développement de variétés de plantes résistantes aux conditions climatiques extrêmes. Nous avons besoin de programmes d’adaptation complets pour créer une résilience au changement climatique et à ses impacts et les atténuer. En plus des programmes administrés par AAC, comme le Programme de paysage agricole résilient à frais partagés du Partenariat pour le développement durable de l’agriculture canadienne et le Fonds d’action climat à la ferme et le Programme de technologies agricoles propres, les agriculteurs canadiens ont besoin d’un programme d’adaptation complet qui place les agriculteurs et les terres au premier plan : Filière d’adoption, les fermiers canadiens ont besoin d’un programme d’adaptation complet qui accorde la priorité aux agriculteurs et à leurs terres.

À cette fin, l’UNF propose la création d’une Agence canadienne de résilience agricole (ACRA). La CFRA s’appuie sur l’histoire des années 1930, lorsque la sécheresse s’est abattue sur les exploitations agricoles des prairies. Le gouvernement fédéral (conservateur) de l’époque a collaboré avec les provinces de l’Ouest pour créer l’Administration de réhabilitation des exploitations agricoles des Prairies (ARAP), qui a mis en œuvre des mesures visant à rétablir la santé écologique des terres en difficulté et à améliorer la viabilité économique des exploitations agricoles dans les zones touchées. Tout comme l’ARAP était la bonne réponse dans les années 1930, l’ARFC est la bonne réponse à notre époque : une « super ARAP » avec une portée nationale et un mandat élargi.

La CFRA serait une nouvelle institution publique chargée d’effectuer des recherches, d’embaucher et de former des agronomes de vulgarisation, d’effectuer des analyses annuelles des sols et de mesurer les émissions de gaz à effet de serre, d’aider les fermières à maximiser la santé des sols et le piégeage du carbone, d’administrer et d’employer des fermes de démonstration et de contribuer à la mise en œuvre des meilleures pratiques de gestion dans les exploitations agricoles canadiennes. Un autre volet de la CFRA consisterait à redonner au programme public de sélection végétale du Canada sa force historique. Le développement de variétés publiques résistantes aux effets du changement climatique et adaptées aux conditions locales serait inestimable, en particulier pour l’horticulture, car le Canada a perdu la quasi-totalité de son ancienne capacité de sélection publique pour les variétés de fruits et de légumes.

Le CFRA proposé ferait de la recherche sur les pratiques de production, impliquerait les fermières dans le partage des connaissances, et ferait du travail de vulgarisation pour améliorer la résilience face aux impacts climatiques, et pour développer et promouvoir des pratiques qui réduisent les émissions de GES afin d’aider à atténuer le changement climatique. En s’attaquant de manière proactive aux effets du climat, les fermières auront moins besoin de paiements au titre des programmes de gestion des risques biologiques.

La mise en place du CFRA, et donc l’optimisation de l’adaptation et de la résilience, permettrait de réaliser des économies significatives sur les paiements au titre de la gestion des risques biologiques. Elle permettrait de maintenir plus de fermières sur les terres pour produire les aliments dont nous avons besoin, y compris les produits horticoles, tout en économisant une part importante des coûts prévus pour les MRE dans le cadre d’un scénario de maintien du statu quo. Une économie de 10 % sur les programmes de gestion des risques de l’entreprise – grâce à l’amélioration de la résilience, de l’adaptation et de l’atténuation des risques dans les exploitations agricoles – couvrirait le coût de la mise en place et du fonctionnement du CFRA. Grâce à ce renforcement de la résilience, de l’adaptation et de l’atténuation des risques dans les exploitations, les fermières n’auront plus à dépendre de paiements subordonnés à des catastrophes de plus en plus fréquentes. Plus de connaissances et de méthodes améliorées entre les mains des fermières, cela signifie que les fermières seront mieux équipées pour faire face aux problèmes liés au climat, ce qui soutiendra la souveraineté alimentaire du Canada à l’avenir.

Lorsqu’il est correctement déployé, un CFRA efficace n’entraîne qu’un faible coût net. À l’inverse, alors qu’une crise climatique de plus en plus grave se profile à l’horizon, le fait de ne pas investir suffisamment dans les capacités d’adaptation et d’atténuation pourrait coûter au Canada et à son système alimentaire des centaines de milliards de dollars au cours de ce siècle et affaiblir notre sécurité alimentaire. Les problèmes auxquels est confrontée la filière horticole au Canada découlent de la confluence de problèmes systémiques, notamment la crise de la dette agricole, la crise du revenu net et le changement climatique. Les GRP ne s’attaquent pas à ces causes profondes. Au lieu de cela, l’UNF a demandé à la commission de l’agriculture et de l’agroalimentaire de recommander la création de la CFRA afin de donner plus de pouvoir aux fermières et de réduire le besoin de programmes d’assurance.

Tout ceci est respectueusement soumis par

L’Union Nationale des Fermiers

avril 2024

La Nationale des Fermiers est une organisation agricole nationale, non partisane, à adhésion directe et volontaire, qui regroupe des milliers de familles d’agriculteurs de tout le Canada. Fondée en 1969, l’UNF défend des politiques qui favorisent la dignité, la prospérité et l’avenir durable des fermières, des familles agricoles et de leurs communautés.

1 Agriculture et Agroalimentaire Canada, « Evaluation of AgriInsurance », Audits & Evaluations, 22 février 2024, https://agriculture.canada.ca/en/department/transparency/audits-evaluations/agriinsurance-program#section6.

2 Agriculture et Agroalimentaire Canada, « Evaluation of AgriStability », Evaluations & Audits, 13 octobre 2022, https://agriculture.canada.ca/en/department/transparency/audits-evaluations/evaluation-agristability#a6.0.

3 Agriculture et Agroalimentaire Canada, « Evaluation of AgriInsurance », Audits & Evaluations, 22 février 2024, https://agriculture.canada.ca/en/department/transparency/audits-evaluations/agriinsurance-program#section6.

4 Jim Stanford, « Update Industry-Wide Data on Food Retail Prices, Volumes & Profits : Submission to House of Commons Agriculture and Agri-Food Committee » (Centre for Future Work, décembre 2023), https://centreforfuturework.ca/2023/12/10/new-data-on-continued-record-profits-in-canadian-food-retail/.

5 Marion G. Wroebel, « Environmental Problems : Market-Based Solutions » (Gouvernement du Canada, mars 1990), https://publications.gc.ca/collections/Collection-R/LoPBdP/BP/bp228-e.htm#C.%20Objections.