La commission des finances de la Chambre des communes a invité le site à témoigner dans le cadre de son processus de consultation pré-budgétaire. Le président, Jan Slomp, a fait la présentation et a soumis notre mémoire le 17 février. Vous pouvez lire la transcription et visionner la vidéo de la session en ligne.
Reconstruire les institutions agricoles du Canada dans l’intérêt public pour des fermes familiales durables et prospères : Soumission à la consultation pré-budgétaire fédérale, février 2016
KEYPOINTS:
- Reconstruire les institutions agricoles en retrouvant les niveaux de financement antérieurs (au moins) et en renouvelant leur engagement en faveur de l’intérêt public.
- Soutenir les revenus des fermières en soutenant des institutions efficaces qui donnent aux fermières un pouvoir de marché.
- Recentrer les programmes et les politiques agricoles sur les principes de la souveraineté alimentaire.
- Réinvestir dans la recherche agricole d’intérêt public, en particulier dans la sélection végétale publique
- Corriger les dommages causés par la suppression du guichet unique de la Commission canadienne du blé.
- Soutenir les jeunes fermiers pour assurer la relève des exploitations familiales
- Sauvegarder la production alimentaire nationale à long terme
- Soutenir l’atténuation du changement climatique et l’adaptation de l’agriculture
- Mettre en place un régime universel d’assurance-médicaments
The () se réjouit de pouvoir contribuer aux consultations pré-budgétaires du gouvernement. Le site est une organisation agricole nationale non partisane, à adhésion directe et volontaire, composée de milliers de familles d’agriculteurs de tout le Canada qui produisent une grande variété de denrées, notamment des céréales, du bétail, des fruits et des légumes. Le site a été fondé en 1969, avec des racines remontant à plus d’un siècle. Le site travaille à l’élaboration de politiques économiques et sociales qui permettront aux petites et moyennes exploitations agricoles familiales de rester les principaux producteurs de denrées alimentaires au Canada.
Le site estime que l’agriculture doit être économiquement, socialement et écologiquement durable et que la production alimentaire doit conduire à une alimentation saine pour les personnes, à des sols enrichis, à un paysage plus beau, à des emplois pour les non-agriculteurs, à des communautés rurales prospères et à des écosystèmes naturels biodiversifiés. Le site est un chef de file dans l’expression des intérêts des fermes familiales du Canada, dans l’analyse de la crise du revenu agricole et dans la proposition de solutions abordables, équilibrées et novatrices qui profitent à tous les citoyens. Les positions politiques du site sont élaborées dans le cadre d’un processus démocratique par le biais de débats et de votes sur des résolutions lors de congrès régionaux et nationaux, comme le prévoit notre Constitution.
La nécessité d’un véritable changement
Sous le gouvernement précédent, les institutions agricoles bénéfiques aux fermières ont perdu leur financement et ont été réorganisées pour donner aux sociétés agro-industrielles plus de pouvoir pour extraire des richesses des fermières et des communautés rurales. La perte de l’investissement public dans les initiatives d’intérêt public est ressentie avec acuité dans les zones rurales. Le déclin des infrastructures sociales et physiques amplifie les difficultés rencontrées par les fermières familiales dont les risques financiers augmentent alors que le tissu social de leurs communautés s’affaiblit.
Le Canada a besoin d’un nouvel ensemble de politiques agricoles – et du budget nécessaire pour les soutenir – dont la priorité est de maintenir les fermières sur leurs terres, d’attirer de nouvelles et jeunes agricultrices et agriculteurs, de réinvestir dans la recherche publique et de reconstruire les institutions de commercialisation contrôlées par les fermières et agriculteurs. Sinon, nous continuerons à assister à la diminution du nombre de fermières, au vieillissement des agriculteurs, au passage à l’agriculture d’entreprise, à l’accroissement de la dette, à l’exode rural et à la stagnation du revenu agricole net.
La nouvelle génération de fermières a du mal à s’installer.
Les jeunes fermiers qui se lancent dans la production à grande échelle ont un endettement qui dépasse de loin les prêts étudiants de leurs homologues urbains. Nombreux sont ceux qui ne peuvent pas acheter de terres en raison de la concurrence des sociétés d’investissement qui rassemblent de vastes propriétés à des fins de spéculation. Les fermiers qui les louent ont moins d’autonomie et de sécurité foncière qu’ils n’en auraient en tant que propriétaires.
D’autres jeunes désireux de se lancer dans l’agriculture évitent de s’endetter massivement en recourant à des régimes fonciers alternatifs, à des méthodes de commercialisation directe et à une production à faible consommation d’intrants et à forte intensité de main-d’œuvre. Bien qu’elles soient soutenues par les clients des communautés soucieuses de leur alimentation, leurs méthodes et leurs aspirations doivent être davantage encouragées par les politiques et les programmes fédéraux.
L’une des mesures les plus préjudiciables à l’économie prises par le gouvernement précédent a été de mettre fin à l’autorité de la Commission canadienne du blé (CCB) en matière de guichet unique. Ses administrateurs élus par les fermiers ont été démis de leurs fonctions, et les administrateurs restants ont été priés de la privatiser d’ici à 2017. L’économie canadienne a été privée de plus de 8 milliards de dollars jusqu’à présent. Cette perte a des effets en cascade, notamment une réduction de l’emploi, une diminution des investissements dans le capital agricole, une perte d’emplois dans le secteur des services, ainsi que de leurs revenus et de leurs recettes fiscales.
La CCB à guichet unique n’était pas une société céréalière – elle était l’agent des fermiers des Prairies habilité à commercialiser tout le blé et l’orge des Prairies vendus à l’exportation ou pour la consommation humaine au niveau national. L’ensemble des recettes, déduction faite des frais d’exploitation, était reversé aux fermiers sous la forme d’un paiement final annuel, car la législation de la CCB interdisait les bénéfices non distribués. Le droit de propriété des fermiers occidentaux sur les céréales s’étend au client final. Cela signifie que toute l’appréciation de la chaîne de valeur – depuis les semences développées par les sélectionneurs de plantes jusqu’à l’assemblage et au transport efficaces des cargaisons selon les spécifications du client – revenait aux fermières à chaque campagne agricole.
Aujourd’hui, la propriété des fermiers sur leur récolte prend fin le jour où celle-ci est achetée par une entreprise céréalière privée. Les améliorations de la chaîne de valeur sont captées par les entreprises céréalières, et non par les fermières. Les bénéfices que les multinationales céréalières tirent de leurs activités au Canada ont augmenté de façon spectaculaire. De l’autre côté, l’économie des Prairies perd chaque année des milliards de dollars en raison de la baisse des prix des céréales payés aux fermières et des pertes dues aux problèmes logistiques du système de transport.
En 2015, les actifs restants de la CCB ont été cédés à G3, un partenariat entre la multinationale céréalière Bunge et le fonds d’investissement agricole saoudien SALIC. On ne sait pas combien d’argent public le précédent gouvernement fédéral a investi avant de céder les actifs de l’ancienne CCB à G3. Le site a demandé un audit public des finances de la CCB avant la privatisation.
En 2015, la loi sur la croissance de l’agriculture est entrée en vigueur. La loi canadienne sur les droits d’obtenteur a été placée sous le régime international de l’UPOV 91. Cette loi renforce les droits de propriété des entreprises semencières sur les nouvelles variétés de semences et leur donne plus de pouvoir pour percevoir des redevances, ainsi que des droits exclusifs d’importation et d’exportation de nouvelles variétés de semences, parmi d’autres nouveaux droits. Cela augmente le coût des semences pour les fermières, ce qui a pour effet de détourner davantage d’argent des communautés rurales.
Parallèlement à l’octroi aux entreprises d’un pouvoir accru sur les semences, le gouvernement précédent a fermé et/ou réduit le financement des institutions publiques de sélection végétale. Elle a fermé le Centre de recherche sur les céréales de Winnipeg et a arrêté le développement de variétés commerciales. Les lignes de germoplasme prometteuses devaient être vendues à des entreprises semencières privées pour être finalisées, ce qui permettait à ces entreprises d’obtenir des droits d’obtenteur sur les variétés qui en résultaient.
Des centaines de scientifiques effectuant des recherches agricoles d’intérêt public dans tout le Canada ont été licenciés pendant le mandat du gouvernement précédent. Les stations de recherche, les laboratoires et les bibliothèques ont vu leur financement réduit ou ont été fermés. Il est difficile de mesurer le savoir collectif et la capacité de recherche et de découverte que le Canada a perdus en raison de ce désinvestissement. Dans de nombreux cas, les emplois supprimés se trouvaient dans des zones rurales, ce qui a eu pour effet d’éloigner les salaires et les familles de ces communautés. Le reste du financement public de la recherche a été lié à des résultats commerciaux et au parrainage d’entreprises, ce qui a eu pour effet d’exploiter les installations et l’expertise publiques au profit du secteur privé.
En octobre 2015, les négociations du Partenariat transpacifique (TPP) ont été conclues et le texte a été publié un mois plus tard. S’il est ratifié, il portera atteinte au système de gestion de l’offre du Canada en augmentant l’accès en franchise de droits aux marchés nationaux des produits laitiers, du poulet, de la dinde et des œufs. Nos fermières seront confrontées à la contraction des marchés, tandis que les importateurs étrangers profiteront de la croissance.
Si l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne est ratifié, il érodera encore davantage notre système laitier. L’AECG donnerait à l’UE une part importante de notre marché des fromages de grande valeur, réduisant la quantité totale de lait produite dans les fermes canadiennes en même temps que les avantages économiques de la transformation et de la vente de fromages de spécialité fabriqués au Canada. La gestion de l’offre est une institution importante qui a été développée au Canada et qui permet aux fermières de disposer d’un pouvoir de marché, aux consommateurs de bénéficier d’une sécurité d’approvisionnement et qui fonctionne sans avoir besoin de subventions publiques.
Recommandations budgétaires :
Le budget 2016 devrait préparer le terrain pour Cultivons l’avenir 3 (GF3). Nous recommandons un véritable changement par rapport à la politique passée, notamment en alignant la vision de l’agriculture sur les principes de la souveraineté alimentaire et en soutenant les efforts de l’agriculture pour atténuer le changement climatique et s’y adapter.
Votre budget devrait soutenir la prochaine génération de fermières familiales en établissant un régime universel d’assurance-médicaments.
Le budget 2016 devrait réorienter l’ensemble du financement de la recherche agricole vers la recherche publique et la recherche menée par des tiers indépendants dans l’intérêt du public, et rétablir le financement des institutions publiques de recherche agricole pour leur permettre de se rétablir et de reconstruire leur capacité avec une nouvelle génération de scientifiques.
Des fonds devraient être alloués à la sélection végétale publique pour développer des variétés qui sont adaptées aux climats régionaux du Canada, qui aident les fermières canadiennes à s’adapter au changement climatique et qui donnent de bons résultats dans le cadre de pratiques de production à faible niveau d’intrants, biologiques et écologiques. Le budget devrait soutenir les initiatives de sélection participative et permettre la diffusion de nouvelles variétés sans redevances.
Le budget devrait également financer la recherche et l’évaluation des insecticides néonicotinoïdes, y compris les essais en plein champ sur les rendements, la surveillance de la qualité des sols et de la contamination des eaux de surface, ainsi que l’impact sur les populations de pollinisateurs. Les fonds devraient être consacrés à l’évaluation et à la mise en œuvre de pratiques agricoles visant à accroître la biodiversité et de programmes de lutte intégrée contre les ravageurs (IPM) au profit des fermières et des écosystèmes naturels et agricoles.
Le budget 2016 devrait prendre des mesures concrètes pour corriger les dommages causés par la fin du guichet unique de la Commission canadienne du blé. Il devrait mettre en place et financer un mécanisme de régulation du système céréalier afin de garantir à tous les fermiers des chances égales d’expédier des céréales, de contrebalancer le pouvoir des grandes sociétés céréalières et de donner la priorité aux petites sociétés céréalières, aux wagons de producteurs et aux chemins de fer d’intérêt local pour l’expédition des céréales. Nous demandons que le prochain budget établisse un mécanisme pour développer des sites supplémentaires de chargement de wagons de producteurs à la demande des fermières, et qu’il garantisse à l’Office des transports du Canada le financement et les ressources dont il a besoin pour faire respecter les obligations statutaires de transporteur public des chemins de fer canadiens en vertu de la Loi sur les transports au Canada.
Le site recommande que le prochain budget soutienne les nouveaux et jeunes fermiers en abaissant le plafond des programmes de soutien gouvernementaux, en mettant à la disposition des nouveaux fermiers des programmes de financement efficaces et abordables, y compris des micro-prêts et des petites subventions, en finançant des programmes d’apprentissage agricole et des formations, et en utilisant des pénalités fiscales pour interdire efficacement la propriété de terres agricoles par des étrangers, des investisseurs extérieurs et des absentéistes.
La gestion de l’offre assure aux fermières canadiennes un revenu stable basé sur les coûts de production. Par conséquent, le gouvernement devrait rejeter à la fois l’AECG et le TPP qui attribuent aux importations certaines parties des marchés des produits de base soumis à la gestion de l’offre au Canada, et devrait combler les lacunes pour mettre fin au dumping des produits protéiques laitiers sur le marché canadien.
L’accent mis sur la mondialisation et le commerce signifie qu’une plus grande partie des aliments que les Canadiens consomment chaque jour est importée, et donc sujette aux fluctuations des taux de change, aux événements politiques extérieurs et aux problèmes de transport. Aujourd’hui, nous constatons une inflation des prix des denrées alimentaires parce que les épiciers doivent acheter des produits importés en utilisant des dollars américains coûteux. Les fermières, les travailleurs agricoles, les entreprises de transformation alimentaire et les consommateurs canadiens bénéficieraient tous d’un réinvestissement dans la capacité de production et de transformation des fruits, des légumes et du bétail/de la viande au Canada, qui serait réparti sur l’ensemble du territoire. Le site souhaite que le prochain budget comprenne des mesures visant à préserver l’espace de production alimentaire nationale à long terme.
Ce budget devrait rétablir le programme « Prison Farm ». En plus d’offrir une réadaptation efficace aux détenus, les fermes pénitentiaires produisaient des aliments sains et fournissaient une infrastructure agricole précieuse, également utilisée par les communautés environnantes.
Le budget 2016 peut aider l’agriculture canadienne à contribuer au succès futur de l’Accord de Paris sur le changement climatique. Votre budget doit prévoir le financement et le soutien des fermières pour leur permettre de s’adapter au changement climatique et de contribuer à la réduction des gaz à effet de serre grâce à des technologies et des pratiques respectueuses du climat.
Le budget devrait rétablir le financement fédéral du programme de pâturages communautaires appartenant à l’État, établi à l’origine dans le cadre de l’Administration du rétablissement des exploitations agricoles des Prairies (ARAP). Elle devrait rétablir le financement du programme des brise-vent des Prairies et de la pépinière qui fournissait gratuitement des plants aux fermières des Prairies. Le budget 2016 devrait également soutenir l’adoption de mesures d’atténuation du changement climatique telles que l’amélioration de la rotation des cultures et l’augmentation des cultures de couverture afin de réduire les besoins en intrants à base de combustibles fossiles, tels que les engrais et les herbicides, et la plantation d’andains pour stopper l’érosion des sols tout en piégeant le carbone atmosphérique. Les programmes qui aident les fermières à accroître la diversité de leurs cultures les aideront également à faire face aux risques financiers liés aux conditions météorologiques imprévisibles dues au changement climatique.
Respectueusement soumis par
TheFévrier 2016