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Soumission de l’UNF-NB au Comité de l’agriculture sur le prochain cadre stratégique pour l’agriculture

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au Nouveau-Brunswick

Présentation au Comité permanent de l’agriculture et de l’agroalimentaire

pour leur étude sur le prochain cadre de politique agricole

Présenté par Ted Wiggans, -NB président, & Amanda Wildeman, -NB directeur exécutif

8 décembre 2016

Nous apprécions l’occasion qui nous est donnée de nous présenter devant la commission aujourd’hui. Au niveau provincial, le -NB a consulté notre ministre de l’agriculture avant la réunion de Calgary en juillet. Au niveau fédéral, notre organisation nationale a apporté sa contribution à différents stades de ce processus de consultation. Étant donné que la déclaration de Calgary est le document public le plus récent sur lequel repose le prochain cadre stratégique pour l’agriculture, notre présentation d’aujourd’hui sera axée sur un pilier qui, selon nous, fait défaut – les nouveaux fermiers – ainsi que sur des suggestions concrètes visant à améliorer les programmes de gestion des risques de l’entreprise et, en particulier, le programme Agri-stabilité.

Nouveaux fermiers

Les fermières sont une espèce clé de voûte de la société canadienne. Si l’on retire le fermiere de l’écosystème, nous assisterons à un déclin dramatique de notre sécurité alimentaire, à une contraction de notre économie et à un affaiblissement de nos communautés rurales. Alors que les fermières sont une espèce clé de voûte, elles sont en voie d’extinction.

Depuis des centaines d’années, le renouvellement de la population fermière est assuré par le transfert intergénérationnel des connaissances, des biens et des terres de l’exploitation familiale. La majorité des nouveaux fermiers ont grandi sur l’exploitation et ont appris aux côtés de leurs parents à maîtriser les compétences et les connaissances de l’agriculture. Mais ce système est défaillant. La rentabilité de l’agriculture n’ayant cessé de diminuer au cours des dernières décennies, l’agriculture n’est plus acceptée par la société comme une option de carrière viable.

Si la faible rentabilité peut être la principale barrière à l’entrée pour les nouveaux fermiers, lorsque vous creusez sous la surface, les défis sont d’ordre culturel. Les institutions publiques qui soutenaient autrefois la prochaine génération de fermiers par le biais de services de vulgarisation et d’éducation, sont aujourd’hui fortement influencées par les entreprises. Les jeunes qui vont à l’université ont plus de chances de devenir des “professionnels de l’agriculture”, plutôt que des fermiers. Même si ces esprits brillants sont diplômés de programmes agricoles, l’agriculture n’est toujours pas considérée comme un choix de carrière viable. Pourtant, jamais auparavant nous n’avons compté sur un si petit nombre de personnes pour nourrir la population canadienne (1,6 %) et jamais auparavant nous n’avons été dans une situation où 75 % des fermiers déclarent qu’ils vendront leurs terres et leurs actifs au cours des dix prochaines années.

En tant que société, nous nous préparons à l’échec. Si rien n’est fait, ces terres seront rachetées par des exploitations plus grandes, ce qui aura pour effet d’augmenter la taille des exploitations et de contribuer à un cycle de réduction du nombre d’exploitants agricoles. Et où cela va-t-il nous mener ? Pendant des décennies, le mantra a été “grossir ou disparaître”, mais comme les grandes exploitations poursuivent sur la voie de la monoculture, les marges de production des produits de base continuent de diminuer et le cycle de la baisse de la rentabilité et de l’augmentation de l’endettement se poursuit tout simplement.

La quantité d’informations disponibles sur la nouvelle génération de fermières d’aujourd’hui est limitée, car les données du recensement de l’agriculture ne contiennent pas d’informations sur les aspirants agriculteurs et sur ceux qui gagnent moins de 10 000 dollars par an. En réponse à un questionnaire national de 2015 auquel ont répondu plus de 1 500 personnes, 68 % des nouveaux et futurs fermiers ont indiqué qu’ils n’avaient pas grandi dans une ferme. En outre, 73 % d’entre eux ont répondu qu’ils étaient intéressés par une agriculture “écologique”. Et près de 80 % de ceux qui ont moins de 10 ans d’expérience dans l’agriculture pratiquaient le marketing direct. Même sans aller au-delà de ces trois simples chiffres, nous pouvons voir qu’il peut y avoir des implications politiques, car il existe un groupe important de nouveaux fermiers et d’aspirants fermiers pour lesquels la transmission traditionnelle des compétences agricoles, l’accès à la terre et les priorités commerciales ne sont pas disponibles et qui ne sont pas bien soutenus par le cadre politique actuel.

Nous pensons que le soutien à la prochaine génération de fermiers est l’œuvre des fermiers actuels, des ONG, de la société civile et des gouvernements. Nos recommandations spécifiques au gouvernement pour mieux soutenir les nouveaux fermiers dans le cadre de la prochaine politique-cadre sont les suivantes :

Désigner les nouveaux fermiers comme l’un des principaux piliers du prochain cadre politique

Dans le cadre de ce pilier, nous recommandons les domaines prioritaires suivants :

  • Donner la priorité à un système agricole et alimentaire juste et durable.
  • Passer d’un modèle dominé par les exportations à un cadre politique fondé sur les principes de la souveraineté alimentaire.
  • Donner la priorité aux politiques qui incitent les fermiers à adopter une production véritablement durable
  • Développer des plates-formes nationales, provinciales et municipales de politique alimentaire qui reconnaissent le rôle crucial joué par les nouveaux fermiers.
  • Les politiques devraient être élaborées par des experts praticiens qui sont engagés dans l’agriculture depuis de nombreuses années.
  • Le nouveau cadre politique doit relever les défis liés à l’accès à la terre, au capital et aux connaissances auxquels sont confrontés les nouveaux fermiers.
  • Financement d’organisations et de programmes visant à établir des liens entre les terres et à développer les connaissances et les compétences.
  • Élaborer une stratégie nationale de succession des terres agricoles
  • Limiter les acquisitions d’investissement, le développement non agricole et la propriété non occupée des terres agricoles.
  • Offrir des incitations fiscales aux propriétaires fonciers pour qu’ils vendent ou louent des terres à de nouveaux fermiers, qui peuvent être ou non des membres de leur famille.
  • Exonération de l’impôt sur les plus-values réalisées sur les biens agricoles lors de leur transfert à de nouveaux fermiers, que l’acheteur soit ou non l’enfant du propriétaire foncier
  • – Créer des réserves de terres agricoles dans chaque province/territoire
  • Pour que les nouveaux fermiers puissent gagner un revenu décent, nous devons recréer des chaînes de distribution directes, équitables et transparentes qui favorisent le renouveau des agriculteurs.
  • Promouvoir le marketing direct et réévaluer les régimes réglementaires pour réduire les obstacles au marketing direct
  • Créer des incitations fiscales pour les exploitations agricoles fournissant des services écologiques
  • (Re)mettre en place des programmes d’aide à l’emploi indépendant dans toutes les provinces afin d’aider les nouveaux fermiers pendant leur phase de démarrage
  • Soutenir et défendre les trois piliers de la gestion de l’offre : la discipline de production, la fixation des prix en fonction des coûts de production et le contrôle des importations, qui sont des éléments importants de la souveraineté alimentaire.
  • Mandater les offices de commercialisation gérés par l’offre pour créer des systèmes d’entrée pour les nouveaux fermiers avec des barrières à l’entrée moins élevées (pour plus d’informations, voir la page 6 de ce document).

Gestion des risques de l’entreprise (BRM)

Les fermières canadiennes connaissent une crise de revenus prolongée. La politique agricole fédérale a toujours favorisé l’augmentation des exportations agroalimentaires, sans tenir compte de l’impact sur les familles agricoles, les exploitations et l’approvisionnement alimentaire du Canada. La politique fédérale adhère également au fondamentalisme du marché – la croyance que les marchés résoudront tous les problèmes – sans reconnaître les grandes différences de pouvoir de marché entre une famille d’agriculteurs et les entreprises mondiales qui fournissent les intrants agricoles et achètent les produits agricoles, et l’impossibilité d’être équitable dans ces conditions ; le “marché” ne reconnaît pas non plus les valeurs non financières telles que la culture, la santé, la communauté et l’intégrité écologique, qui sont importantes pour les citoyens.

The plaide pour une politique qui aboutirait à la souveraineté alimentaire, une approche profondément différente de l’agriculture et de la politique alimentaire qui soutiendrait les moyens de subsistance des fermières, garantirait une alimentation adéquate et saine aux consommateurs, travaillerait en coopération avec la nature et inclurait les citoyens dans des prises de décision significatives concernant le système alimentaire.

En l’absence d’une politique agroalimentaire fédérale fondée sur la souveraineté alimentaire, nous avons besoin de programmes de protection pour aider les fermières familiales à survivre à la crise actuelle. La suite de mesures de gestion des risques doit être conçue de manière à protéger réellement les petites et moyennes exploitations familiales et coopératives et à leur permettre de maintenir et de développer leurs exploitations en tant qu’entreprises viables pouvant être transmises à la prochaine génération de fermiers.

Bien que nous puissions formuler des recommandations sur de nombreux programmes de gestion du risque de crédit, nous nous concentrerons sur Agri-stabilité en particulier.

Agri-stabilité

Au cours des trois cadres stratégiques, le programme Agri-stabilité a subi des modifications substantielles. Lors de la première phase, les fermières l’ont trouvé relativement efficace. Dans le cadre de Cultivons l’avenir, il est apparu moins favorable aux fermières, ne se déclenchant qu’en cas de baisse de revenu de 15 % ou plus, et dans le cadre de Cultivons l’avenir 2, il est devenu inaccessible. Pour rendre nos recommandations plus tangibles, nous allons partager avec vous l’expérience que certains de nos membres, producteurs de myrtilles sauvages dans le nord-est du Nouveau-Brunswick, ont vécue cette année.

Les prix des myrtilles sauvages ont régulièrement baissé ces dernières années. Certains affirment qu’il s’agit d’un phénomène cyclique, tandis que d’autres croient fermement que la faiblesse actuelle des prix et les prévisions pour les deux ou trois prochaines années sont dues à un accord conclu par notre gouvernement provincial pour permettre à un méga-producteur-transformateur de s’installer dans la péninsule acadienne (nord-est du Nouveau-Brunswick). Cet accord très contesté prévoyait l’octroi de prêts et de subventions pour l’ouverture d’une installation de transformation, ainsi que la mise à disposition de plus de 15 000 acres de terres domaniales de premier choix, dont une grande partie avait été demandée et refusée à d’autres producteurs au cours des dix années précédentes. Cet accord permettra à une entreprise de doubler la production antérieure dans la région, créant ainsi un monopole sur le marché.

Quelle qu’en soit la raison, les prix étaient d’environ 0,30 $/lb cette année. Les producteurs inscrits au programme Agri-stabilité depuis des années, mais qui n’ont pas eu à y recourir depuis le précédent accord Cultivons l’avenir, ont été pris au dépourvu quant à l’incidence du nouveau seuil de déclenchement des pertes de 30 % et du nouveau plafond de marge sur leur admissibilité au programme. En 2016, le prix des récoltes a été le plus bas de l’histoire et il n’était pas encore assez bas pour déclencher un paiement.

Actuellement, le programme Agri-stabilité n’est déclenché qu’en cas de baisse de plus de 30 % de la marge de référence du producteur. La marge de référence est la marge moyenne des cinq dernières années, en excluant les années où les revenus bruts ou les dépenses sont les plus élevés et les plus bas. En outre, la marge de référence est le montant le plus bas entre le revenu brut moyen de l’exploitation et les dépenses totales. Ce plafond de marge signifie que la plupart des fermières ne seront jamais éligibles à ce programme, même si elles sont en grande difficulté financière.

Nous pensons que cet exemple est représentatif des expériences vécues dans d’autres secteurs au cours de différentes années ; dans cette optique, nous formulons les recommandations suivantes :

  • Agri-stabilité et tous les programmes de gestion du risque de crédit doivent être conçus dans l’intérêt des fermières et des fermiers, et non en fonction des économies réalisées par le gouvernement.
  • Afin de réduire le montant total des paiements effectués par les programmes de GRE, nous recommandons que le prochain cadre politique inclue des politiques qui protègent les fermières de l’extrême volatilité des prix sur les marchés mondiaux en se concentrant sur le développement de notre système alimentaire national plutôt que de donner la priorité aux exportations.
  • Réévaluer l’efficacité du programme Agri-stabilité et de tous les programmes de gestion des risques de l’entreprise. Le ministère provincial de l’agriculture nous a récemment fait part de son étonnement quant au nombre réduit de producteurs du Nouveau-Brunswick inscrits au programme. La comparaison des taux de participation passés et actuels et des paiements peut être un indicateur utile pour montrer quelles versions des programmes ont été les plus bénéfiques pour les fermières.
  • Le mode de calcul d’Agri-stabilité et d’autres programmes de gestion des risques de l’entreprise dans le cadre de GF2, y compris le plafond de paiement très élevé (3 millions de dollars dans le cadre d’Agri-stabilité), encourage la monoculture et les modèles d’entreprise risqués, et exclut les exploitations qui se diversifient pour atténuer les risques par elles-mêmes grâce à l’agriculture mixte. Cela pose des problèmes environnementaux, peut entraîner une augmentation de l’endettement et rendre les programmes inaccessibles aux nouveaux fermiers.

Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez accordé et nous nous réjouissons de répondre à vos questions.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués,

Ted Wiggans & Amanda Wildeman

in New Brunswick / Union nationale des fermiers au Nouveau-Brunswick

Informations complémentaires :

Recommandations du rapport 2015 de :
Renforcer la gestion de l’offre : Défendre le contrôle canadien de notre espace de marché et promouvoir la souveraineté alimentaire

  • Maintenir et défendre les trois piliers de la gestion de l’offre : la discipline de production, la fixation des prix en fonction des coûts de production et le contrôle des importations.
  • Faire avancer les politiques qui favorisent la décapitalisation des quotas dans l’intérêt de la prochaine génération de fermières des secteurs soumis à la gestion de l’offre.
  • Mettre en œuvre des politiques visant à attribuer les nouveaux quotas dus à la croissance des marchés, ainsi que les quotas libérés par les fermiers partant à la retraite, aux nouveaux entrants et aux systèmes de production alternatifs afin de promouvoir le renouvellement, la résilience et la réponse aux désirs de diversité des consommateurs.
  • Envisager de créer, au sein des structures de gouvernance des offices provinciaux de commercialisation, un rôle pour les producteurs enregistrés et/ou agréés de produits de commercialisation directe hors quota et/ou des organismes consultatifs multipartites d’intérêt public.
  • Ouvrir des discussions avec les autorités sanitaires fédérales et provinciales concernant la vente de lait non pasteurisé pour la consommation humaine, en tant que première étape vers l’évaluation des possibilités d’innovation en réponse au segment de marché qui recherche du lait cru.
  • Développer une approche “triple bottom line” pour les formules de tarification des coûts de production afin de s’assurer que les coûts environnementaux et sociaux ne sont pas externalisés.

*Pourlire le rapport dans son intégralité, veuillez consulter le site UNF.ca.

Principes de la souveraineté alimentaire :

SE CONCENTRE SUR L’ALIMENTATION DES PERSONNES

Placer les besoins alimentaires de la population au centre des politiques

Insiste sur le fait que la nourriture est plus qu’une simple marchandise

DÉVELOPPE LES CONNAISSANCES ET LES COMPÉTENCES

S’appuie sur les connaissances traditionnelles

Utilise la recherche pour soutenir et transmettre ces connaissances aux générations futures

Rejeter les technologies qui sapent ou contaminent les systèmes alimentaires locaux

TRAVAILLE AVEC LA NATURE

Optimise les contributions des écosystèmes

Améliore la résilience

VALEURS FOURNISSEURS DE DENRÉES ALIMENTAIRES

Soutenir les moyens de subsistance durables

Respecte le travail de tous les fournisseurs de denrées alimentaires

LOCALISE LES SYSTÈMES ALIMENTAIRES

Réduire la distance entre les fournisseurs de denrées alimentaires et les consommateurs

Rejet du dumping et de l’aide alimentaire inappropriée

Résiste à la dépendance à l’égard d’entreprises lointaines et non responsables

MET LE CONTRÔLE AU NIVEAU LOCAL

Confier le contrôle aux fournisseurs de denrées alimentaires locales

Reconnaît la nécessité d’habiter et de partager les territoires

Rejette la privatisation des ressources naturelles