Policy

Soutenir les droits des travailleurs temporaires et migrants

La Nationale des Fermiers (UNF) apprécie l’occasion qui lui est donnée de présenter un mémoire pour éclairer l’étude de ce comité sur la main-d’œuvre temporaire et migrante du Canada.

L’UNF est particulièrement bien placée pour donner son avis sur la manière de transformer les volets agricoles des programmes canadiens de travailleurs étrangers temporaires. En tant que plus grande organisation agricole volontaire à adhésion directe au Canada, l’UNF est composée de fermiers et de travailleurs agricoles qui défendent des questions importantes pour nous, notamment la promotion d’un système alimentaire juste et sain. Un certain nombre de nos membres emploient des travailleurs agricoles migrants originaires des Caraïbes et/ou du Mexique. Les recommandations que nous adressons au comité sénatorial ci-dessous sont basées sur la politique votée par nos membres lors des congrès annuels et sur les discussions au sein de notre comité des travailleurs migrants, qui est dirigé par et comprend des employeurs de travailleurs migrants.

Qu’ils soient fermiers ou travailleurs agricoles, tous les membres de l’UNF ont été directement touchés par un système dysfonctionnel qui fait que le secteur agricole dépend d’une main-d’œuvre temporaire et migrante pour répondre à plus d’un tiers de ses besoins en main-d’œuvre. Cette main-d’œuvre, comme l’a démontré l’étude de cette commission, est souvent maltraitée, soumise à des conditions de travail et de vie dangereuses, victime de discriminations et se voit refuser et/ou empêcher l’accès aux mesures de base en matière de santé et de sécurité (d’un logement adéquat au droit de percevoir ses propres cotisations à l’assurance-emploi, etc.) Les permis de travail fermés signifient également que les travailleurs temporaires et migrants ne peuvent pas fuir les conditions de travail dangereuses et les employeurs punitifs.

Ces échecs ne sont pas simplement le fait de « quelques pommes pourries » parmi nos employeurs agricoles, mais le résultat de programmes fédéraux conçus pour maintenir un système alimentaire bon marché aux dépens des personnes qui cultivent nos aliments. La récente déclaration de Tomoya Obataka, rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, a pu sembler incendiaire à certains Canadiens, mais nous partageons ses préoccupations. La structure du programme des travailleurs étrangers temporaires fait des travailleurs migrants de ce pays des « vulnérables à l’exploitation. »

L’UNF pose la question suivante : si la production de denrées alimentaires est un service essentiel, pourquoi les travailleurs agricoles ne bénéficient-ils pas des mêmes droits que les autres travailleurs au Canada et pourquoi l’agence ne peut-elle pas s’en prévaloir ? Pour mettre fin à notre dépendance excessive à l’égard des programmes de travailleurs étrangers temporaires, nous demandons à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) de s’engager à développer une filière d’immigration dédiée aux travailleurs agricoles. Nous reconnaissons que les accords commerciaux mondiaux, le changement climatique et les bouleversements politiques dans les Caraïbes, en Amérique latine et ailleurs ont déplacé de nombreux fermiers qui possèdent les compétences et l’expérience dont nous avons besoin pour remédier à nos pénuries de main-d’œuvre agricole. Au lieu de lier ces fermières à des contrats à court terme et de second rang, nous devrions inviter ces travailleurs qualifiés à venir au Canada par le biais de voies directes vers la résidence permanente.

Tant que le Canada n’aura pas augmenté sa main-d’œuvre agricole résidente par l’immigration et/ou par une formation agricole financée par le gouvernement et un accès abordable à la terre pour ceux qui souhaitent poursuivre une carrière agricole, nous devons garantir la mobilité de la main-d’œuvre pour les travailleurs agricoles temporaires et migrants. Il faut mettre fin aux permis de travail fermés. L’UNF, ainsi que d’autres partenaires du secteur, est prête à s’asseoir avec le gouvernement pour discuter de la manière dont les permis de travail ouverts, les permis de travail ouverts spécifiques au secteur ou d’autres mesures prises à l’initiative des travailleurs pourraient garantir la protection et la mobilité des travailleurs migrants.

Sur la base des rapports de l’auditeur général, COVID-19 enquêtes du coroner, les rapports du rapporteur spécial des Nations unies évaluationet d’autres études sur les programmes de travailleurs étrangers temporaires du Canada, nous pensons également que la conformité réglementaire supervisée par Emploi et Développement Social Canada (ESDC) n’est pas appliquée de manière adéquate. Malgré l’augmentation de 2021 du financement des inspections agricoles, nous sommes conscients que de nombreux employeurs continuent d’être autorisés à embaucher des travailleurs migrants en dépit d’infractions graves qui ont compromis la santé et la sécurité des travailleurs. Nous sommes préoccupés par le fait que l’industrie agricole a coopté et influencé le CESD pour qu’il donne la priorité aux besoins de l’agriculture d’entreprise plutôt qu’à l’intérêt public de faire respecter les droits de l’homme de ces travailleurs. Le CESD doit améliorer ses pratiques de mise en œuvre et prouver aux Canadiens qu’il n’est pas soumis à la mainmise des entreprises sur la réglementation.

L’UNF a bon espoir que les conclusions de l’étude de cette commission feront passer l’intérêt du public pour un système alimentaire juste et sain avant celui des entreprises agricoles qui dépendent trop souvent des travailleurs migrants, lesquels sont bien trop souvent soumis à des conditions de travail et de vie dangereuses et inhumaines. Nous demandons au gouvernement fédéral de résoudre la crise de la main-d’œuvre agricole de manière à renforcer la sécurité alimentaire du pays tout en évitant de continuer à dépendre d’une catégorie de travailleurs à qui l’on refuse et/ou empêche d’exercer leurs droits humains fondamentaux. Nous demandons également au gouvernement fédéral de garantir ces droits en adoptant et en mettant en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP).

Nous rappelons que nous représentons les fermiers qui emploient des travailleurs agricoles, y compris des travailleurs migrants. Vous entendez peut-être le discours commun selon lequel les fermières défendent le statu quo dans nos programmes de travailleurs migrants dans l’agriculture. Veuillez reconnaître qu’il existe des fermières qui accordent la priorité aux droits de l’homme de toutes les personnes qui fournissent notre main-d’œuvre agricole, et nous plaidons pour des changements dans les programmes de travailleurs migrants du Canada qui renforcent cette priorité.

Nous nous réjouissons de toute autre occasion de partager la façon dont les fermiers de l’UNF et les travailleurs agricoles résidents sont unis dans leur engagement à améliorer les droits et les conditions de travail des travailleurs agricoles temporaires et migrants au Canada.

Tout ceci est respectueusement soumis par

Le Union Nationale des Fermiers
20 octobre 2023