La proposition du gouvernement fédéral de modifier les mesures fiscales applicables aux sociétés privées fait couler beaucoup d’encre. Malheureusement, le débat est devenu très animé et de nombreuses informations douteuses circulent. Nous avons vu des journalistes dire que ces changements feront qu’il n’y aura plus d’avantage à constituer une exploitation agricole, d’une part, et suggérer qu’ils ruineront l’exploitation familiale, d’autre part. De telles déclarations suscitent des réactions émotionnelles au lieu d’une analyse lucide.
Les informations suivantes ont pour but de fournir des renseignements utiles sur les changements proposés et leur contexte plus large afin que les membres de , les autres fermières et le grand public puissent mieux évaluer l’impact potentiel des changements proposés aux mesures fiscales pour les sociétés privées et, s’ils le souhaitent, apporter une contribution utile à la consultation publique du gouvernement fédéral sur le système fiscal.
Tout d’abord, quel est l’objet de la consultation ?
La consultation publique porte sur les réponses politiques proposées pour combler les lacunes et rendre le système fiscal plus équitable. Plus précisément, les propositions visent à répondre aux questions suivantes :
- le saupoudrage des revenus (lorsque la société verse des dividendes à des membres de la famille qui ne contribuent pas à l’entreprise dans le seul but d’éviter l’impôt).
- Investissement passif (une personne fortunée utilise sa société privée pour investir dans des fonds communs de placement, des actions, des obligations, etc. au lieu d’investir sous son propre nom, ce qui lui permet de payer moins d’impôts et d’accroître sa fortune privée plus rapidement).
- Convertir les revenus en plus-values (créer un certain nombre de sociétés écrans et utiliser les revenus de la société pour acheter et vendre des actions de ces sociétés afin que l’argent puisse être comptabilisé comme des plus-values provenant de ces transactions plutôt que comme des revenus de la société, et donc taxé à un taux plus bas).
Le gouvernement demande également aux Canadiens de lui faire part de leurs points de vue et de leurs idées sur la question de savoir si, et le cas échéant comment, il serait possible de faire en sorte que laloi sur l’impôtsur le revenu contribue à de véritables transferts d’entreprises entre générations tout en préservant l’équité du système fiscal.
Deuxièmement, de quoi la consultation ne parle-t-elle pas ?
Les changements proposés :
- n’affectent pas la disposition existante prévoyant une exonération à vie des plus-values d’un million de dollars lors de la transmission d’une exploitation agricole à la génération suivante.
- ne s’appliquent pas aux exploitations agricoles non constituées en société.
- ne visent pas à taxer le revenu total d’une exploitation agricole constituée en société, mais seulement le revenu net (ce qui reste après avoir payé toutes les dépenses, y compris les salaires, les intrants, les réparations, etc.)
- n’affecterait pas l’imposition des bénéfices agricoles investis dans des équipements, des terres ou d’autres actifs qui aident l’exploitation à devenir plus productive
- n’empêchent pas un fermier de verser des dividendes aux membres de sa famille, mais le montant des dividendes doit refléter raisonnablement la contribution de la personne à l’exploitation agricole
- ne pas augmenter le taux d’imposition très bas de 10,5 % sur les 500 000 premiers dollars de revenu net qui s’applique actuellement aux petites entreprises constituées en sociétés privées
Vous trouverez sur le site du ministère des finances des informations générales sur le processus de consultation – https://www.fin.gc.ca/activty/consult/tppc-pfsp-eng.asp.
La date limite de réception des commentaires est fixée au 2 octobre 2017.
Le site est en faveur de la justice sociale, ce qui implique des revenus équitables pour les fermières, afin qu’elles puissent gagner leur vie et que les jeunes considèrent l’agriculture comme un choix de carrière viable et gratifiant.
Le maintien ou l’élimination des niches fiscales ne résoudrait pas les véritables problèmes auxquels les fermières sont confrontées en termes de revenus. Plusieurs membres de , qui sont constitués en société et possèdent de grandes exploitations agricoles, ont demandé à leurs comptables un avis sur l’absence d’impact de la modification fiscale proposée sur leurs exploitations et ont été informés qu’il n’y aurait pas d’effet.
Seuls 25 % des exploitations agricoles du Canada sont constituées en société, de sorte que 75 % d’entre elles ne sont pas concernées par les modifications proposées. Le Canada compte 1,8 million de sociétés privées, dont seulement 43 457 sont des exploitations familiales constituées en société. Les exploitations agricoles ne représentent donc que 2,4 % de l’ensemble des entreprises susceptibles d’être touchées si les lacunes sont comblées. En outre, seul un petit nombre d’exploitations agricoles constituées en sociétés sont en mesure de tirer parti de ces lacunes. Le revenu agricole net réalisé (ce qu’il vous reste une fois les dépenses payées) est resté faible pendant des décennies, alors que le revenu agricole brut (ce qu’il vous reste une fois les dépenses payées) a augmenté.
Les fermières sont le maillon faible de la chaîne de valeur de l’agriculture – nous sommes des preneurs de prix lorsque nous achetons des intrants et des preneurs de prix lorsque nous vendons nos produits. Les entreprises agricoles qui éliminent l’intermédiaire finissent par faire tout le travail de l’intermédiaire (transformation, conditionnement, stockage, distribution), de sorte que leurs coûts inévitables prennent souvent la forme d’une augmentation de la main-d’œuvre et de l’infrastructure, alors qu’elles sont en concurrence avec les détaillants sur le plan des prix.
Le problème de longue date du faible revenu agricole net signifie que la grande majorité des fermières n’ont tout simplement pas le genre d’argent nécessaire pour utiliser les échappatoires en question. L’encours total de la dette agricole s’élève à plus de 90 milliards de dollars. La plupart des fermières n’épargnent donc pas, elles essaient de faire face aux remboursements de leurs emprunts. De plus, si une exploitation agricole est suffisamment prospère pour dégager plus de 200 000 dollars par an, toutes dépenses confondues, il ne devrait pas être difficile de payer des impôts au même taux que quelqu’un qui gagne autant d’argent en tant que salarié.
Les fermières manquent de revenus en raison du déséquilibre des pouvoirs sur le marché. Chaque fermiere individuel est petit par rapport aux entreprises avec lesquelles nous devons traiter ou rivaliser, qu’il s’agisse d’une multinationale céréalière, d’un conglomérat de vente au détail, d’une compagnie ferroviaire ou d’une grande entreprise de semences. Ce déséquilibre des pouvoirs ne peut pas être corrigé en faisant en sorte que les personnes fortunées échappent à l’impôt. Le site s’efforce de renforcer le pouvoir des fermières, par le biais d’une politique agricole plus équitable et en soutenant les institutions qui permettent aux agriculteurs de travailler ensemble sur le marché. Nombre de ces politiques et institutions sont en train de s’affaiblir en raison des accords commerciaux et du pouvoir de lobbying des grandes entreprises agroalimentaires. Nous savons également que les grandes entreprises ont de nombreux moyens d’échapper à l’impôt (comme le paiement d’options d’achat d’actions à leurs PDG et la structuration de leur entreprise de manière à ce que la plupart de leurs bénéfices soient placés dans des abris fiscaux offshore au lieu d’être imposés au Canada) et il devrait y avoir des mesures pour s’assurer qu’elles paient également leur juste part d’impôts.
Les impôts peuvent sembler injustes lorsque nous ne pouvons pas voir de manière tangible comment ils sont utilisés. Mais c’est grâce à eux que certaines des choses les plus importantes sont réalisées dans ce pays, notamment l’amélioration des soins de santé, le renforcement des infrastructures rurales, le financement de la recherche agricole, le financement des programmes d’aide aux agriculteurs tels qu’Agri-investissement, Agri-stabilité et l’assurance-récolte. Les niches fiscales qui profitent aux super riches ne sont pas acceptables, mais une mauvaise politique ne l’est pas non plus. Les modifications fiscales proposées devraient permettre de collecter environ 250 millions de dollars d’impôts supplémentaires auprès des 1,8 million de sociétés privées les plus riches. Cet argent deviendrait disponible à des fins publiques.
Nous espérons que ces informations aideront les agriculteurs à faire la part des choses et à se battre pour la prochaine génération de fermières.