Modernisation de la réglementation des semences – De quoi s'agit-il?
Lorsque les agriculteurs canadiens achètent des semences, nous savons que les variétés enregistrées donnent de bons résultats dans nos conditions de croissance, n'hébergent pas de maladies graves des plantes et produiront des cultures que nos clients apprécient, car elles sont évaluées de manière indépendante par des experts (y compris des agriculteurs et des scientifiques de la Commission canadienne des grains) sur la recommandation Comités. Nous connaissons les caractéristiques de la variété, telles que le nombre de jours jusqu'à maturité, le rendement, la résistance aux maladies, la hauteur et d'autres données pertinentes pour le type de culture, car les résultats des tests indépendants sont publiés dans des guides de semences. Nous avons le choix d'utiliser des semences généalogiques qui répondent aux normes de pureté variétale; les semences communes vendues par d'autres agriculteurs tant qu'elles ne sont pas couvertes par les restrictions du droit d'obtenteur ; ou des semences de ferme que nous cultivons nous-mêmes. Nous avons également accès à des variétés patrimoniales de petits producteurs de semences indépendants. Les producteurs de semences et les marchands de semences doivent s'assurer que les semences généalogiques qu'ils vendent répondent aux normes de classement pour le nombre de semences de mauvaises herbes, d'autres semences de cultures, la germination et, pour certaines cultures sensibles, les semences malades. Le Règlement sur les semences exige que la plupart de nos grandes cultures commerciales (céréales, oléagineux, légumineuses, fourrages) – à l'exception du maïs – soient des variétés enregistrées. La plupart des cultures de légumes ne nécessitent pas d'enregistrement de variété, mais les semences horticoles doivent être classées pour s'assurer qu'elles répondent aux normes de germination, ou bien être correctement étiquetées pour fournir aux acheteurs des informations sur le vendeur et la semence.
Tous ces avantages résultent de plus d'un siècle d'agriculture au sein d'un système de réglementation des semences conçu pour promouvoir des cultures de qualité, prévenir de graves problèmes de maladies et protéger les agriculteurs contre la fraude. Bien qu'il y ait eu quelques changements à ces règlements au fil des ans, l'objectif fondamental et la structure de nos règlements sur les semences sont demeurés constants tout au long de la vie des agriculteurs d'aujourd'hui.
Nos réglementations nous ont bien servis, mais si les grandes sociétés semencières réussissent, tout cela changera. Le processus de modernisation de la réglementation des semences du gouvernement fédéral actuellement en cours est un carrefour critique où les sociétés mondiales qui cherchent à contrôler les semences du Canada pour leur propre bénéfice remettent en question notre cadre de réglementation des semences fondé sur l'intérêt public.
La NFU a toujours été un chef de file dans la défense des droits semenciers des agriculteurs, et ce défi n'est pas différent. Nous savons que les agriculteurs, et non les entreprises, doivent contrôler les semences pour que nous ayons la souveraineté alimentaire et pour faire progresser l'agroécologie, c'est pourquoi les membres du comité de souveraineté des semences de la NFU ont travaillé dur pour protéger les intérêts des agriculteurs tout au long de ce processus. Conformément au modèle de la NFU Loi sur les semences pour les agriculteurs nous défendons les droits des agriculteurs aux semences et travaillons pour nous assurer que nous conservons un secteur public de sélection végétale viable guidé par l'intérêt des agriculteurs et du public.
Souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée produite par des méthodes écologiquement rationnelles et durables, et leur droit de définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. Elle place les aspirations et les besoins de ceux qui produisent, distribuent et consomment des aliments au cœur des systèmes et des politiques alimentaires plutôt que les demandes des marchés et des entreprises. – extrait de la déclaration de Nyéléni
Pourquoi maintenant?
L'examen de la modernisation de la réglementation des semences et la refonte potentielle de la réglementation canadienne sur les semences ont été lancés avec le budget fédéral de 2018 dans le cadre du programme global de réforme de la réglementation du gouvernement. Le secteur des semences d'entreprise Synergie de semences l'initiative, et la Table de stratégie économique agroalimentaire établie à la suite de Rapport Barton recommandations, ont eu une influence majeure sur la décision du gouvernement de faire des semences l'un de ses premiers examens réglementaires ciblés. Le secteur des semences d'entreprise, qui comprend les sociétés dominantes à l'échelle mondiale Bayer, Corteva, Syngenta et BASF (dont les intérêts sont maintenant représentés par Semences Canada) a exercé un lobbying agressif pour des changements radicaux à la réglementation sur les semences qui augmenteraient considérablement leur pouvoir et leur capacité à extraire de la richesse de agriculteurs canadiens.
En février 2019, un groupe de travail sur la modernisation de la réglementation des semences (SRMWG) a été nommé. Il s'agit d'un comité multipartite de 14 membres composé de représentants de l'industrie des semences, de groupes de producteurs, d'associations de producteurs, d'obtenteurs publics et de deux organisations non gouvernementales. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) est responsable de la gestion du processus du SRMWG. Le processus implique également plusieurs équipes de travail qui se penchent sur des détails plus techniques et font rapport au SRMWG avec des recommandations. Bien qu'il n'ait pas été demandé à la NFU d'être membre du SMRWG, la NFU a des membres dans les équipes de travail pour les tableaux de classement, l'enregistrement des variétés et les semences communes.
Le SRMWG fera des recommandations à l'ACIA. Nous nous attendons à ce qu'il y ait des occasions de participation du public avant que l'ACIA ne rédige une proposition de modification réglementaire. Il sera important pour les membres de la NFU de participer et d'aider à informer et à motiver d'autres agriculteurs à défendre les réglementations sur les semences qui fonctionnent pour nous. L'ACIA prévoit soumettre son projet de règlement au processus de la Gazette du Canada pour examen public à l'automne 2023 avant qu'un texte final du règlement révisé ne soit préparé pour approbation par le Cabinet.
Le soutien à notre système de réglementation actuel est solide
En 2021, l'ACIA a sondé les agriculteurs (y compris les producteurs de semences), les groupes de produits, les entreprises de semences, les universitaires et d'autres pour obtenir des commentaires sur les changements potentiels à la façon dont les semences sont réglementées au Canada.
Le taux de réponse des agriculteurs a été excellent. Les résultats montrent qu'une forte majorité souhaite que le gouvernement continue d'être responsable de la réglementation, de déterminer ce qui est requis sur les étiquettes de semences, d'établir des normes de pureté et de germination des qualités de semences pédigrées et d'inclure le nom de la qualité sur les lots de semences certifiées, et de protéger les agriculteurs contre acheter des semences à faible germination. La privatisation des fonctions de réglementation de l'ACIA a reçu peu d'appui. Dans l'ensemble, moins de 15 % de toutes les réponses ont exprimé leur insatisfaction à l'égard du système de réglementation des semences tel qu'il existe actuellement - et le nombre de réponses négatives est, sans surprise, à peu près le même que le nombre de répondants de l'industrie des semences.
La vision de Semences Canada pour un cadre réglementaire privatisé
Semences Canada a été formé lorsque quatre organisations de l'industrie des semences ont fusionné au début de 2021. Il s'agissait essentiellement d'un changement de nom de l'Association canadienne du commerce des semences, car trois des quatre organisations étaient déjà membres de l'ACCS, le groupe de pression de longue date du secteur des semences d'entreprise. . Les membres de l'Association canadienne des producteurs de semences (ACPS) ont voté fermement pour rejeter la proposition de fusion de Semences Canada, privant Semences Canada de l'accès au rôle de longue date de certification des semences de l'ACPS et maintenant la voix indépendante des producteurs de semences. Semences Canada a des représentants à la table du SRMWG, mais ils ne sont pas majoritaires.
S'appuyant sur son précédent projet Seed Synergy, Seeds Canada propose sa propre vision dans un document intitulé Un cadre fonctionnel pour un système semencier moderne, une rupture radicale avec notre cadre réglementaire actuel. Le document utilise des mots à la mode comme la compétitivité, l'investissement, l'inclusion et la transparence, mais il s'agit essentiellement d'une feuille de route pour privatiser l'autorité de réglementation de l'ACIA tout en s'appuyant sur le financement du gouvernement pour payer ses coûts : d'où l'expression « activée."
Semences Canada propose un nouveau conseil qu'il appelle «l'organisme indépendant de normalisation» (ISSB) avec le pouvoir de créer des règles et des normes pour l'enregistrement des variétés, d'éliminer les normes de classement, de mettre en œuvre des mesures qui obligeraient les agriculteurs à utiliser des semences généalogiques, de décourager ou de empêcher les agriculteurs d'acheter et de vendre des semences communes et/ou permettre le suivi des ventes de semences communes afin d'augmenter la perception des redevances sur les semences communes et les semences de ferme. Il propose également une nouvelle catégorie de semences qu'il appelle les semences vérifiées conçues pour saper le marché des semences certifiées et qui se prêteraient à la production de semences par des producteurs sous contrat avec des sociétés de sélection de semences. Bien que cela ne soit pas mentionné dans leur document, il serait dans l'intérêt de Semences Canada d'autoriser le désenregistrement accéléré des anciennes variétés du domaine public qui sont libres de droits afin de limiter davantage les choix de semences des agriculteurs.
Semences Canada s'attend à ce que les variétés génétiquement modifiées se généralisent. Son cadre proposé rationaliserait la commercialisation en permettant aux entreprises semencières de soumettre un formulaire de demande pour obtenir l'approbation de la diffusion de semences génétiquement modifiées, de l'enregistrement des variétés et des droits d'obtenteur UPOV 91.
Avec son Framework document, Semences Canada a joué cartes sur table. Le secteur des semences d'entreprise ne veut pas être encombré par les coûts et le temps nécessaires pour s'occuper de l'intérêt public. Elle souhaite pouvoir vendre en fonction des priorités publicitaires des entreprises au lieu de données indépendantes publiées, réduire, voire éliminer, l'accès des agriculteurs aux variétés qui ne sont pas soumises aux droits d'obtenteur UPOV 91 ou aux droits de brevet, et augmenter le montant des les redevances que les entreprises peuvent percevoir - même sur les semences cultivées dans les propres fermes des agriculteurs. Moins les agriculteurs auront de choix, plus il sera facile pour Bayer, Corteva, Syngenta et BASF d'utiliser les semences comme plate-forme pour vendre des intrants coûteux et des traitements de semences incompatibles avec des pratiques de production agroécologiques et respectueuses du climat.
Le résultat du processus de modernisation de la réglementation des semences est incertain, car les principaux éléments de notre système de réglementation actuel, axé sur l'intérêt public, bénéficient d'un fort soutien parmi les agriculteurs. Au cours de l'année à venir, il est essentiel que nous nous levions et empêchions les entreprises de gagner encore plus de pouvoir sur notre système agricole et alimentaire grâce à des changements réglementaires qui augmenteront leur contrôle sur les semences.
Agroécologie est une approche holistique de la production alimentaire qui utilise et crée des connaissances sociales, culturelles, économiques et environnementales pour promouvoir la souveraineté alimentaire, la justice sociale, la durabilité économique et des écosystèmes agricoles sains.