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Présentation à la commission de l’agriculture sur les questions relatives à la chaîne d’approvisionnement

La présidente de l’UNF, Katie Ward, a comparu devant la commission de l’agriculture et de l’agroalimentaire de la Chambre des communes le 17 février 2022. Visionnez la vidéo de sa présentation à partir de 15:37:25 minutes.

Bonjour, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Comité.

J’ai le plaisir de vous présenter les points de vue et les recommandations de la Nationale des Fermiers concernant les questions relatives à l’agriculture et à la chaîne d’approvisionnement agroalimentaire. Nous représentons des fermiers qui exploitent des fermes de toutes tailles et de tous types dans tout le Canada. Depuis plus de 50 ans, nous défendons la dignité économique, la justice sociale et la santé écologique.

Le sujet d’aujourd’hui est en effet d’actualité, mais les problèmes aigus de chaîne d’approvisionnement auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ont des racines qui remontent à plusieurs décennies.

Le Canada s’est fixé des objectifs ambitieux pour augmenter les exportations agricoles, et notre dépendance à l’égard des importations s’est accrue. Les entreprises multinationales cherchent à s’approvisionner à l’échelle mondiale et à livrer “juste à temps” afin de réduire leurs coûts. Notre système alimentaire et agricole dépend désormais de chaînes d’approvisionnement longues et complexes, dont les maillons faibles créent des vulnérabilités.

Nous assistons à une concentration de plus en plus forte, avec des entreprises de plus en plus petites qui contrôlent les intrants, la transformation, le transport, le financement et la distribution. Lorsqu’un petit nombre d’entreprises dominent leur secteur, elles sont en mesure de fixer les prix de manière à maximiser leurs propres profits aux dépens des fermières, des travailleurs, des petites entreprises et des consommateurs.

Les engrais en sont un bon exemple. Les entreprises qui pratiquent des prix exorbitants accusent les problèmes de la chaîne d’approvisionnement, alors que ces mêmes entreprises réalisent d’énormes bénéfices exceptionnels. L’UNF a demandé à cette commission d’enquêter sur tous les facteurs à l’origine des prix des engrais, et nous espérons que vous annoncerez très bientôt une telle étude.

En tant que fermières, nous sommes des preneuses de prix – nous n’avons pas notre mot à dire sur le prix des produits que nous vendons ou des intrants que nous achetons. En janvier, Statistique Canada a indiqué que les familles d’agriculteurs continuent de dépendre de sources non agricoles pour près des deux tiers de leurs revenus. En outre, le revenu agricole comprend les paiements des programmes, de sorte que le revenu du marché représente en moyenne moins d’un tiers du revenu des familles d’agriculteurs. Les familles d’agriculteurs subventionnent le système grâce à leurs emplois non agricoles. Lorsque les chaînes d’approvisionnement agricole s’effondrent, ce sont les fermières qui en supportent le coût le plus élevé.

Pour les populations rurales, la chaîne d’approvisionnement est une voie à sens unique, où les résultats de leur travail et la valeur de leurs récoltes et de leur bétail disparaissent sur les comptes bancaires de multinationales lointaines. Il n’est pas surprenant que tant de personnes se sentent délaissées. L’accroissement des inégalités économiques conduit à l’instabilité sociale et à la déresponsabilisation.

La crise climatique continuera également à perturber la production et les infrastructures. La sécheresse des prairies, les inondations en Colombie-Britannique et dans l’Atlantique en 2021 ne doivent pas être considérées comme des exceptions, mais comme des signaux indiquant que l’adaptation n’est plus facultative.

La résolution des vulnérabilités de la chaîne d’approvisionnement nécessite une planification qui donne la priorité à la résilience et à la stabilité au lieu de mettre tous nos œufs politiques dans le panier de la maximisation des exportations. À l’avenir, la politique agricole devrait être conçue de manière à prévoir des soupapes de sécurité et une capacité de réaction afin que les perturbations soient des défis gérables plutôt que des crises à grande échelle.

Nous exhortons la commission à éviter l’attrait de fausses solutions telles que le big data, l’automatisation et l’intelligence artificielle qui intensifieraient les inégalités, détruiraient l’autonomie des fermières et créeraient de nouveaux risques.

Les vraies solutions rééquilibreront les pouvoirs et apporteront plus de justice et d’équité dans notre système agricole et alimentaire et atténueront les émissions de gaz à effet de serre tout en mettant en œuvre des mesures d’adaptation.

Le gouvernement fédéral peut y parvenir en fournissant les programmes, les politiques et le soutien réglementaire nécessaires pour développer et soutenir notre marché intérieur, en créant des réseaux d’approvisionnement plus larges et plus diversifiés, tout en conservant au Canada une plus grande partie de l’argent consacré aux produits alimentaires de grande valeur.

Qu’il s’agisse du bœuf, du porc ou de la transformation des légumes, la concentration de la propriété des infrastructures signifie que les conditionneurs, les transformateurs et les détaillants en profitent de toute façon – mais dans tous ces secteurs, notre passé nous montre qu’une autre façon d’organiser notre système alimentaire est à la fois possible et souhaitable. Prenons l’exemple du secteur de la viande bovine.

En 1988, le Canada comptait 119 usines de conditionnement de viande bovine inspectées par le gouvernement fédéral, toutes détenues à 100 % par des Canadiens, et les quatre plus grandes usines de viande bovine abattaient 35 % des bovins du Canada. Aujourd’hui, deux entreprises seulement abattent plus de 95 % de notre bétail. Ils n’ont pas réussi à prévenir les épidémies de Covid et les décès ; les prix du bétail sont bas alors que les prix de la viande de bœuf dans les épiceries montent en flèche.

Un plus grand nombre d’abattoirs de petite taille répartis sur l’ensemble du territoire canadien et disponibles pour servir les producteurs de chaque région, associés à des pratiques de production régénératrices, assureraient la résilience du système alimentaire et la création d’emplois ruraux, tout en contribuant à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ses effets. L’interdiction de l’approvisionnement captif et le plafonnement des revenus des usines de conditionnement empêcheraient JBS et Cargill de profiter indûment des fermières et des consommateurs.

En tirant les leçons de l’histoire et en envisageant un avenir plus équitable et plus respectueux du climat, le gouvernement fédéral peut créer un meilleur cadre pour les emplois ruraux, les infrastructures au service des fermières et des prix agricoles qui reflètent le coût de production, afin d’apporter prospérité et stabilité aux communautés rurales et au secteur agricole du Canada.