Présenté au Comité permanent des ressources naturelles et de la durabilité environnementale de l’Î.-P.-É. par Doug Campbell et Edith Ling, le 5 novembre 2020.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser au Comité permanent des ressources naturelles et de la durabilité environnementale au sujet des ressources naturelles inestimables de l’île que sont la terre et l’eau. Dans cette présentation, nous vous faisons part de nos graves préoccupations concernant ces deux ressources, car nous pensons que les membres de la commission doivent être pleinement conscients de l’interconnexion entre la santé de l’agriculture, ces deux ressources et la responsabilité publique de veiller à ce qu’elles soient utilisées et protégées pour le bien de tous les fermiers et de tous les habitants de l’île.
En raison des idées fausses qui circulent sur notre organisation, nous pensons qu’il est important de commencer notre présentation en expliquant au comité ce qu’est la Nationale des Fermiers, qui a été créée à l’échelle nationale en 1969. L’UNF est la seule organisation agricole canadienne constituée en vertu d’une loi du Parlement du Canada (chapitre 80 des Statuts) dont le mandat est de promouvoir l’amélioration de la situation économique et sociale des fermières et des fermiers canadiens. Nous sommes la seule organisation agricole nationale bénévole canadienne qui s’engage à faire en sorte que les exploitations agricoles familiales, dont beaucoup sont constituées en société à des fins fiscales, constituent la principale unité de production alimentaire. L’UNF promeut des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement, le développement de communautés rurales saines et dynamiques, et l’assurance d’un approvisionnement suffisant en aliments sains et nutritifs pour les Canadiens grâce à des pratiques agricoles durables. Notre vision est celle d’une justice sociale et économique pour les fermières, les consommateurs et la terre. Nous n’avons pas d’affiliation politique et ne sommes pas partisans de la politique. La liste complète de nos objectifs peut être consultée sur le site web national.
L’UNF s’associe à de nombreux groupes et organisations partageant les mêmes objectifs. Nous essayons également de travailler avec ceux qui ne sont pas forcément en accord total avec notre vision, car pour nous, les fermières sont la priorité.
Le district 1 est la section locale de l’organisation nationale. Nous avons de nombreux membres et une forte présence dans cette province et dans la région des Maritimes. Nous avons toujours défendu avec force les familles d’agriculteurs et nos ressources naturelles, en particulier la terre. Vous serez peut-être intéressé d’apprendre que l’UNF a joué un rôle déterminant dans l’adoption de la loi sur la protection des terres par l’Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard en 1982.
Notre mandat a souvent pour conséquence que la Nationale des Fermiers n’est pas invitée à la table des négociations politiques, principalement en raison de l’imbrication toujours plus grande des gouvernements et des entreprises, qui alimente la concentration croissante des richesses et des ressources entre les mains de quelques-uns. La raison pour laquelle nous pouvons rester fidèles à notre mandat est que notre financement est assuré par les membres, et non par des gouvernements ou des entreprises.
La Nationale des Fermiers s’oppose au modèle d’agriculture industrialisée, qui consiste en une production intensive à grande échelle de plantes et d’animaux, souvent dans le cadre d’une stratégie de monoculture. Ce modèle agricole est de plus en plus fortement dominé par de grandes entreprises verticalement intégrées, désireuses de consolider les ressources naturelles pour en tirer le plus grand profit. Les petites et moyennes exploitations agricoles indépendantes sont contraintes de cesser leurs activités, tandis que les grandes exploitations indépendantes sont lourdement touchées par l’endettement et la faiblesse des prix des produits de base. La santé sociale et économique des communautés rurales continue de s’éroder et la souveraineté alimentaire nationale n’est qu’un pis-aller.
La pandémie a mis en lumière certaines des failles de l’agriculture intégrée verticale industrialisée. Un exemple canadien marquant est l’épisode de l’Alberta où la chaîne d’approvisionnement alimentaire est devenue instable lorsque Cargill, l’acteur dominant de la viande bovine canadienne, a été affecté par l’entrée de Covid 19 dans la main-d’œuvre de la plus grande usine d’abattage du Canada. La solution à long terme proposée par l’office de commercialisation des produits de base consistait à réduire le nombre d’emplois et à accroître la mécanisation des usines de transformation de la viande. L’exemple local est le don de 4,7 millions de dollars du contribuable à Cavendish Farms, rapidement organisé par l’intermédiaire de l’office de commercialisation des pommes de terre, après que le transformateur milliardaire a suggéré, peu de temps après le début de la pandémie, que ses producteurs sous contrat pourraient vouloir chercher d’autres marchés. D’autres entreprises de l’île ont reçu des prêts, après que le gouvernement a déterminé, par le biais d’une vérification préalable, si elles avaient des besoins financiers en raison de Covid 19 et si elles représentaient un risque crédible.
L’agriculture industrialisée contribue notoirement au changement climatique en raison de sa forte dépendance à l’égard des combustibles fossiles et des intrants chimiques, de la déforestation, de la destruction des terres humides et de la monoculture intensive ou de l’exploitation d’une seule culture. À cela s’ajoute la mondialisation de la chaîne alimentaire, en partie grâce aux accords de libre-échange.
On sait depuis quelques années qu’en raison du changement climatique croissant, les étés secs vont devenir une réalité de la vie sur l’Île-du-Prince-Édouard et qu’il est nécessaire de rechercher des possibilités de diversification des cultures de rapport, tout en essayant de réduire la dépendance à l’égard des cultures de base traditionnelles qui ont besoin de niveaux de précipitations constants et importants pendant la saison de croissance. On sait que la santé de nos terres contribuera à permettre aux fermières de l’île de relever les défis du changement climatique.
La réponse à ces connaissances a été la poursuite des pratiques agricoles industrialisées avec quelques modifications mineures, ainsi qu’une dépendance croissante à l’égard de la culture commerciale des pommes de terre, en particulier pour le marché de la transformation. Des dommages importants et graves à la santé de la matière organique du sol de l’île en sont la conséquence et augmentent l’impact du changement climatique.
Le gouvernement de l’île est conscient de l’état des terres. Les résultats de l’étude menée pendant 20 ans par le ministère de l’agriculture sur la santé des sols ont été publiés en 2018 et montrent que nous avons de sérieux problèmes avec notre couche de terre arable limitée à 8 pouces, si tant est qu’elle le soit.
Le Rapport de l’UNF suggère à tous les membres de cette commission de se familiariser avec ce rapport. Il peut être consulté à l’adresse suivante : https://www.princeedwardisland.ca/en/information/agriculture-and-land/soil-organic-matter-status-pei.
Les partisans de l’agriculture industrielle considèrent l’accès à l’eau pour l’irrigation comme un outil permettant de compenser les difficultés croissantes liées au changement climatique. Ce n’est un secret pour personne que le principal acteur de la « demande d’irrigation » est le transformateur des Fermes Cavendish, Robert Irving. Irving, qui a déjà accès à de grandes quantités d’eau de l’île, est très ouvert et fait part de ses souhaits en matière d’irrigation de l’eau pour les exploitations familiales de pommes de terre et pour ses producteurs. Le pouvoir et le contrôle exercés par les Fermes Cavendish, seul transformateur de pommes de terre de la province, ne doivent pas être sous-estimés. Il est vrai que certains fermiers de l’île demandent des droits d’irrigation, mais ce n’est pas le cas de tous les fermiers de l’île, et tous les fermiers n’auraient pas le même besoin d’irrigation ou ne pourraient même pas l’utiliser.
En ne faisant pas de la propriété et de la gestion de nos terres une priorité, les gouvernements successifs de l’île doivent assumer une grande part de responsabilité dans la situation actuelle de l’agriculture insulaire, où l’eau est désormais demandée comme un outil de plus dans la boîte à outils d’une agriculture industrialisée non durable.
L’histoire de l’île est imprégnée de la question foncière. Elle a toujours été menacée par la propriété et le contrôle de personnes absentes, d’étrangers et d’entreprises. L’outil le plus récent pour maintenir les terres de l’île entre les mains et sous le contrôle des insulaires de bonne foi a été la loi de 1982 sur la protection des terres (Lands Protection Act). Ce texte législatif très important répondait en partie à une demande de la société Irving’s Cavendish Farms, qui avait succédé à l’usine Seabrook Frozen Food de New Annan, aujourd’hui en faillite, et qui souhaitait acheter 6 000 acres supplémentaires pour les ajouter aux 3 000 acres qu’elle possédait déjà. (Extrait de la page 350 du livre de l’historien Ed MacDonald, If You’re Stronghearted)
À l’époque, il y a 38 ans, on savait que la possession de terres par le transformateur Cavendish Farms le mettrait en concurrence directe avec les fermières et lui conférerait une position de contrôle accrue dans le secteur de la pomme de terre. L’esprit et l’intention de la loi étaient de faire en sorte que les fermières cultivent et que les transformateurs transforment. Au début de la loi sur la protection des terres, les Fermes Cavendish, comme d’autres, ont dû se défaire de certaines terres pour se conformer aux dispositions de la loi.
Cependant, le gouvernement n’ayant pas fait respecter l’esprit et l’intention de la loi, la famille de transformateurs Irving a acquis de vastes propriétés foncières. Elles sont désormais en concurrence directe avec les fermières, ce qui leur permet d’exercer un contrôle étendu sur les agriculteurs et le gouvernement.
L’expansion de la transformation des pommes de terre sur l’île a entraîné une forte augmentation de la superficie des terres affectées à cet usage. Ce secteur agricole domine de plus en plus l’agriculture insulaire, ce qui entraîne un certain nombre de conséquences : 1) Un glissement de plus en plus marqué vers la monoculture, avec une rotation limitée des cultures (une culture de couverture hivernale travaillée au printemps n’est pas une culture de rotation) qui a entraîné une diminution de la matière organique dans le sol, ce qui a conduit à l’érosion éolienne et hydrique, à l’incapacité du sol à retenir l’humidité, à une baisse de la fertilité nécessitant davantage d’intrants chimiques et à des problèmes de ravageurs. 2) L’augmentation du prix des terres, qui a entraîné la nécessité de les cultiver de manière intensive pour obtenir le meilleur rendement possible afin d’effectuer les paiements bancaires. 3) Le prix élevé des terres payé par le secteur de la pomme de terre rend difficile, voire impossible, pour les autres secteurs agricoles d’être compétitifs et d’obtenir les terres dont ils ont besoin pour assurer leur viabilité. Alors qu’auparavant les banques ne considéraient pas la terre comme une garantie, elles en sont aujourd’hui avides et axent leur expansion et leur capital d’exploitation sur les propriétés foncières. Cela rend la situation très difficile pour les petites fermières. Par ailleurs, dans le passé, les éleveurs pouvaient se tourner vers les producteurs de pommes de terre pour obtenir du foin, mais peu d’entre eux souhaitent désormais cultiver du foin. 4) Les pouvoirs publics dépendent de plus en plus d’un secteur agricole et d’un acteur majeur pour la création d’emplois, la stimulation économique et les recettes fiscales, ce qui les rend susceptibles d’être influencés et contrôlés. 5) La demande actuelle d’eau supplémentaire pour l’irrigation, qui sert à soutenir des pratiques agricoles non durables. L’argument avancé cette année par ceux qui veulent plus d’irrigation agricole sans changement majeur des pratiques agricoles industrialisées est que même les fermières ayant de bonnes matières organiques dans le sol souffrent. Oui, même les bonnes terres sont stressées, mais si vous aviez parcouru la campagne à la fin du mois d’août ou en septembre, vous auriez vu des champs de pommes de terre qui n’étaient pas flétris et qui restaient d’un vert sain. Certains étaient des champs irrigués, mais beaucoup étaient simplement des champs riches en matière organique.
Lors d’une récente présentation aux membres du conseil d’administration de l’UNF, concernant sa prochaine étude sur l’eau commandée par le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard, il a été demandé au docteur Michael Van den Heuvel si l’irrigation faisait une différence dans le rendement des pommes de terre. Il m’a répondu qu’en cas de sécheresse, oui, mais qu’en cas d’année normale, la différence est minime. Encore une fois, cela montre que l’utilisation de l’eau doit faire partie d’un plan d’ensemble plus vaste. Il faut également reconnaître les problèmes que les fermières rencontrent dans la culture des pommes de terre par irrigation ; ce n’est pas aussi simple que certains voudraient nous le faire croire.
S’appuyant sur la théorie des économies d’échelle, Cavendish Farms, l’office de commercialisation des pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard et la fédération agricole de l’Île-du-Prince-Édouard demandent que les limites des terres de l’île soient augmentées afin que davantage de terres puissent être consacrées à la culture des pommes de terre pour alimenter l’usine de transformation. Alors que les chutes humides deviennent une tendance du changement climatique, nous avons vu comment les fermières ont réussi à creuser les acres qu’elles avaient à l’automne 2018, (environ 7 000 acres restants dans le sol).
Lorsque Horace Carver a réalisé son étude foncière, The Gift of Jurisdiction ; Our Island Province, en 2013, il a tenté de trouver des études prouvant que la rentabilité agricole augmenterait avec l’agrandissement des propriétés foncières. Aucune étude de ce type n’a pu être trouvée. D’après l’expérience personnelle des fermières, lorsque nous nous efforçons de devenir plus efficaces, notre endettement augmente et nos marges se réduisent, tandis que les entreprises de transformation engrangent les bénéfices en obtenant plus pour moins.
Nous nous interrogeons sur la véracité de l’affirmation selon laquelle certains fermiers feront faillite cette année parce qu’ils n’ont pas pu irriguer. Certaines disparaîtront, mais pour des raisons bien plus profondes que l’accès à l’irrigation. Les fermières ont été étranglées financièrement au point que les marges sont minces comme du papier. Une année de sécheresse avec des rendements plus faibles sera un point de basculement pour certains.
Au cours des trois dernières décennies, les hommes politiques de l’île ont été et continuent d’être terriblement ignorants de la loi sur la protection des terres, qui est inscrite dans la Constitution canadienne. Certains semblent même s’excuser pour la loi. Avant les dernières élections, Dennis King a déclaré à l’Union Nationale des Fermiers que, dans les six mois suivant son élection, un cours obligatoire serait organisé pour former tous les députés à la loi. Cette promesse a été réitérée dans le premier discours du trône de son gouvernement. Un an et demi après le début du mandat de son gouvernement, ce n’est toujours pas le cas. Le gouvernement actuel n’est pas non plus revenu sur le travail de l’ancien premier ministre, Wade MacLauchlan, qui avait introduit la loi sur les sociétés commerciales (Business Corporations Act), de sorte que les administrateurs de sociétés n’ont pas besoin d’être inscrits sur la liste.
Si les gouvernements des îles avaient respecté la loi sur la protection des terres, bon nombre des problèmes actuels concernant les terres auraient été évités.
Les gouvernements successifs ont rendu un mauvais service aux fermiers de l’île en affaiblissant le ministère de l’agriculture. Elle a rendu les fermières vulnérables aux modes et aux désirs de l’industrie. Un département fort, avec des bureaux de district qui renvoient les spécialistes dans la communauté agricole, doit être reconstruit pour le bien des fermières et fermiers individuels, de la communauté agricole et de l’avenir de l’agriculture. Le ministère, tout en appliquant des politiques d’aménagement des sols, doit s’approvisionner et soutenir une plus grande diversification des cultures de rapport viables, ainsi que le rétablissement d’autres secteurs agricoles.
Les fermières seraient grandement aidées si le gouvernement rétablissait un programme agressif de mise en réserve de terres, tel qu’il avait été introduit par le gouvernement d’Alex Campbell dans le cadre du plan de développement global, afin de renforcer la viabilité de l’agriculture, d’attirer les jeunes sur le terrain et de garder nos terres entre les mains de véritables résidents de l’Île-du-Prince-Édouard. C’est un combat considérable que Campbell a entrepris et qui se poursuit encore aujourd’hui, principalement parce que les gens se préoccupent d’abord d’eux-mêmes et ensuite d’un fonctionnement équilibré de l’environnement et de la société.
Nous recommandons aux membres de la commission de lire le livre Between Two Cultures, The Alex Campbell Years de Wayne MacKinnon. Il permettra de faire la lumière sur les problèmes auxquels les gouvernements de l’île ont été confrontés en ce qui concerne les questions foncières et l’agriculture dans la province. Si vous ne l’avez pas encore fait, vous devriez également lire les quatre études foncières réalisées depuis la mise en œuvre de la loi sur la protection des terres. Aujourd’hui, nous sommes au milieu d’une autre. Pourtant, lorsque Horace Carver a comparu devant cette commission au printemps 2020, il vous a dit que c’est l’Assemblée législative qui a le pouvoir d’apporter des modifications à la loi. Il serait donc utile que les députés connaissent la loi. Pourquoi une nouvelle étude va-t-elle prendre la poussière comme les quatre précédentes ?
Le gouvernement actuel a reçu le rapport intitulé Considerations on Implementing a Farmland Bank in Prince Edward Island, rédigé par le docteur Kevin Arsenault, en décembre 2019. Pourtant, il semble prendre la poussière quelque part dans le bureau de Stephen Myers. Si cette commission n’a pas pris connaissance de ce rapport, vous devriez en demander des copies et porter la discussion à la session d’automne de l’Assemblée législative.
La Nationale des Fermiers estime qu’un programme solide de mise en réserve de terres aiderait les fermiers à accéder à des terres à des coûts raisonnables, ce qui leur permettrait de les cultiver de manière plus durable, en allongeant les cycles de rotation et en mettant l’accent sur la matière organique. Cela permettrait sans doute de réduire les besoins en eau. Alors que le ministère des transports, de l’infrastructure et de l’énergie pourrait être impliqué dans le programme de mise en réserve de terres par le biais de l’achat initial de terres, l’UNF estime que le ministère de l’agriculture et de l’aménagement du territoire devrait gérer le programme.
Le manque de confiance des fermiers et de l’opinion publique à l’égard des pouvoirs publics s’accentue. Nous avons vu le gouvernement enfreindre ses propres réglementations environnementales pour satisfaire les grands acteurs, comme on l’a vu récemment en autorisant l’extraction de l’eau d’irrigation de la rivière Dunk alors qu’elle était inférieure aux niveaux recommandés pour la protection des poissons. Cela en dit long sur le contrôle et la trop grande dépendance à l’égard d’un seul secteur de l’agriculture. Elle a également renforcé le cynisme de l’opinion publique et la méfiance à l’égard de l’ensemble de la communauté agricole.
Le gouvernement doit être clair sur les objectifs environnementaux. D’une part, nous assistons à l’arrachage de lignes d’arbres pour augmenter la taille des champs afin de pouvoir utiliser les grosses machines qui accompagnent les grandes superficies de pommes de terre et pour mettre en place des systèmes d’irrigation. D’autre part, le ministère de l’agriculture offre des incitations à la plantation de haies afin de prévenir l’érosion éolienne et hydrique des sols. À l’époque de Stephen Harper, les scientifiques et les écologistes disaient à son gouvernement que sans environnement, il n’y avait pas d’économie.
Les préoccupations relatives à nos terres sont indissociables de l’utilisation de l’eau. Si l’exploitation des terres se poursuit, l’exploitation de l’eau augmentera. L’UNF estime que si le rôle de l’eau doit être étendu à la production agricole, son utilisation doit être réglementée dans le cadre d’une stratégie beaucoup plus large qui porte sur la gestion des terres et le bien des fermiers, de l’environnement et des communautés rurales. Les robinets ne peuvent tout simplement pas être ouverts pour augmenter les profits de certains acteurs, ni être autorégulés, ce qui est aujourd’hui pratiquement le cas. Il y a beaucoup d’irrigation agricole sur l’Île-du-Prince-Édouard. Alors que les gouvernements successifs ne cessent de repousser le problème, de nombreux acteurs de l’agriculture ont trouvé des moyens non réglementés de faire couler l’eau, peut-être sans être conscients ou peu soucieux des incidences sur l’environnement.
Le gouvernement, qui est censé représenter tous les habitants de la province, doit être un leader dans le domaine de la terre et de l’eau, plutôt qu’un suiveur de l’industrie privée. Il n’y a pas de place sur cette petite île pour que les intérêts de quelques-uns l’emportent sur l’intérêt général. L’étude sur l’eau n’a même pas commencé que déjà des soupçons pèsent sur les personnes directement et indirectement impliquées. La Nationale des Fermiers craint que la science ne soit utilisée pour « prouver » qu’il y a suffisamment d’eau disponible pour maintenir des pratiques agricoles non durables, et comme moyen supplémentaire pour le gouvernement d’éviter une prise de décision inconfortable tout en permettant la poursuite d’une utilisation incontrôlée.
Beaucoup de choses ont changé depuis l’époque d’Alex Campbell, où de nombreux habitants de l’île étaient passionnés par la terre. Avec l’urbanisation et l’éloignement d’une génération de la ferme, il a été difficile de sensibiliser les habitants de l’île à l’évolution de la propriété et de la gestion des terres. Mais ils sont en train de prendre conscience. Il en va tout autrement pour l’eau. Tout le monde a besoin de cette ressource. Le réveil ne prendra pas autant de temps et les gouvernements ne seront pas pardonnés aussi facilement pour leurs erreurs.
Depuis des années, nous nous inquiétons de la propriété des terres de l’île, car nous constatons que de plus en plus de terres tombent sous le contrôle d’entités étrangères et d’entreprises. Nous nous sommes inquiétés des pratiques agricoles qui ont un impact considérable sur la santé organique des sols et sur la viabilité future de la terre pour la production alimentaire. Il ne suffit pas de dire que la terre est sèche et que plus d’eau résoudra le problème. Nous avons soulevé les problèmes auxquels sont confrontés les fermiers indépendants, dont beaucoup s’inquiètent de ce qu’un clin d’œil du gouvernement à l’augmentation de l’utilisation de l’eau signifiera pour leur avenir. Cela entraînera-t-il davantage de problèmes financiers et un plus grand contrôle de leur fonctionnement par le transformateur ? Obtiendront-ils ce contrat de transformation s’ils n’irriguent pas pour produire la « parfaite pomme de terre frite transformée » ?
Les fermières sont soumises à un stress énorme, mais beaucoup gardent espoir. L’espoir est souvent tout ce qui rend l’agriculture possible. Certains fermiers considèrent l’irrigation comme un moyen de poursuivre leur activité agricole sans devoir procéder à des changements. D’autres acceptent l’idée fausse que leur niveau d’efficacité est le problème. D’autres adhèrent à la théorie économique selon laquelle, s’ils grossissent, ils peuvent s’en sortir. Mais le fait d’avoir peu de contrôle sur le prix reçu pour un produit et sur la manière dont il est produit, et de s’endetter lourdement, est-ce que cela en vaut la peine ? Pour de nombreux fermiers de l’île, les choses semblent aller bien de l’avant. Mais il y a du grabuge dans la basse-cour. Nombreux sont ceux qui affirment qu’il existe actuellement trois types de fermiers de transformation. Ceux qui sont établis depuis longtemps, qui ont accumulé des fonds propres pendant les bons jours et qui ont la stabilité financière nécessaire pour rester dans le jeu. Ceux qui s’en sortent à peine, mais qui sont trop endettés pour faire marche arrière. Et ceux qui doivent avoir un contrat signé avant que la banque ne leur donne de l’argent.
Le premier ministre King affirme que le secteur de la pomme de terre représente un milliard de dollars pour l’économie de l’île. Mais le prix à payer est élevé lorsque quelques personnes dominent et dictent leur loi. La propriété foncière a été compromise. La santé de nos terres a été compromise. Sommes-nous prêts à rester les bras croisés et à regarder ce qui se passe avec notre eau ? Ou allons-nous exiger la mise en place d’une stratégie globale visant à restaurer nos terres et à garantir la protection et le partage de nos ressources environnementales ? Allons-nous prendre des mesures pour rendre l’industrie durable ?
Un proverbe dit que tout le monde veut que les choses soient différentes, mais que personne ne veut changer.
Nous sommes confrontés à un défi de taille. Si ce problème n’est pas traité de manière multidimensionnelle, l’avenir de nos fermières est fortement compromis, tout comme le bien-être économique, physique et social de la province. Beaucoup ne sont pas encore prêts à le reconnaître. Nous avons besoin d’un véritable leadership de la part de députés et de fonctionnaires bien informés. Être un vrai leader, c’est prendre des décisions difficiles pour le bien de tous. Ne rien faire et botter en touche dans le domaine de l’eau et de la terre, ainsi que refuser de s’opposer aux grands acteurs, c’est s’enfoncer dans la servitude et la non-durabilité. Le coût sera très élevé et peut-être irréparable. Il faut penser aux générations futures. Les habitants de l’île ont besoin d’un gouvernement qui ait une colonne vertébrale. Il s’agit d’une approche proactive et non réactive. Un pays qui n’a pas peur de prendre le risque de faire des choix difficiles en matière de leadership pour construire un avenir indépendant.
Si vous ne l’avez pas encore compris, la préoccupation va bien au-delà de l’accès à l’eau pour l’irrigation. Il s’agit de l’interconnexion et de la protection des ressources de la terre et de l’eau. Il en va de la santé de nos fermières et de nos communautés rurales. Il s’agit d’une agriculture durable et diversifiée si nous voulons que l’agriculture continue à être le principal contributeur à l’économie des ressources de l’île. Il s’agit du droit à l’eau potable pour tous. Il s’agit d’une économie forte qui ne soit pas trop dépendante d’un seul secteur ou d’un seul employeur. Il s’agit de construire quelque chose de meilleur pour tous.
Le tout respectueusement soumis par la Nationale des Fermiers, District 1, Région 1.
RECOMMANDATIONS :
La Nationale des Fermiers demande à la commission d’inclure les recommandations suivantes dans votre rapport à l’Assemblée législative :
1. Ajouter au registre des entreprises un champ de recherche des noms personnels, comme l’a promis le premier ministre Dennis King lors du débat préélectoral entre tous les candidats.
2. Les sociétés de droit fédéral qui s’enregistrent pour faire des affaires dans l’Île-du-Prince-Édouard doivent divulguer leurs actionnaires et leurs administrateurs.
3. Que toutes les recommandations de l’IRAC au Conseil exécutif concernant les transactions foncières soient rendues publiques, comme l’a promis le Premier ministre Dennis King lors de la campagne électorale.
4. La promesse des progressistes-conservateurs de rendre obligatoire pour tous les députés un cours sur la Loi sur la protection des terres doit être immédiatement tenue.
5. Un programme de mise en réserve de terres doit être immédiatement mis en place.
6. Les terres devant être cédées en raison du contournement de la loi sur la protection des terres font partie des premières terres achetées pour la banque foncière nouvellement créée.
7. Le programme de mise en réserve de terres est administré par le ministère de l’agriculture et des terres.
8. Que le gouvernement entreprenne la reconstruction d’un ministère de l’Agriculture et des Terres fort dans toute la province.
9. Le gouvernement met en œuvre des stratégies globales pour évoluer vers un modèle d’agriculture durable sur l’Île-du-Prince-Édouard.