Region 6 | Opinion

Op Ed – Tester les eaux

Au cours de la Semaine mondiale de l’eau (du 23 août au 1er septembre), Stockholm, en Suède, a accueilli une conférence internationale autour de la conviction que « la compréhension, la valorisation et la prise en charge de l’eau sous toutes ses formes seront essentielles à la survie de l’humanité ».

Pendant ce temps, à Stockholm, en Saskatchewan et ailleurs dans la province, les gens recevaient des messages différents de la part de notre gouvernement provincial : restez sur vos positions et gardez un œil attentif sur les « agents fédéraux » qui pourraient se faufiler sur des terrains privés pour tester votre eau en vue de détecter la présence de nitrates.

Alors que d’autres gouvernements et des protecteurs autochtones de l’eau prennent des mesures pour défendre l’élément qui rend la vie possible, le gouvernement de la Saskatchewan modifie d’urgence sa loi sur les intrusions afin de rendre plus difficile le travail des échantillonneurs d’eau fédéraux. Pour le parti de la Saskatchewan, il s’agissait d’un coup double parfait, faisant appel à la fois à la rhétorique séparatiste et aux défenseurs de la propriété en vertu de la doctrine du château. Rien ne dit mieux « vous n’êtes pas mon patron » qu’un décret du samedi après-midi visant des scientifiques fédéraux chargés de tester la qualité de l’eau dans les pirogues.

Avec cette dernière modification de la loi sur la violation de propriété, ce gouvernement a démontré qu’il fait passer les droits de propriété privée avant les droits de l’homme, l’intérêt public, la santé et la nécessité scientifique. Dans ce cas, l’intrusion présumée a touché à peu près tous les nerfs libertaires du corps politique de la province : les excès de pouvoir du gouvernement fédéral, les droits de propriété, la réglementation environnementale et le spectre des demandes publiques de protection de l’eau, du sol et de la biodiversité, ainsi que d’actions significatives en faveur du climat.

Dans le monde réel, où les lois de la physique s’appliquent toujours, la législation sur les intrusions n’a aucun effet sur le mouvement de l’eau. Son passage à travers l’atmosphère, la terre et tous les êtres vivants nous rappelle que les lignes que nous traçons sur la terre pour marquer l’espace privé et public sont des constructions commodes qui n’ont pas grand-chose à voir avec les réalités écologiques de la terre, de l’eau et de l’air.

Malgré les efforts persistants visant à l’enfermer et à la privatiser, l’eau est toujours un élément que nous essayons de gouverner en trouvant un équilibre entre les droits privés et l’intérêt public. Elle fait partie de ce que l’on appelle parfois « les biens communs », c’est-à-dire les ressources culturelles et naturelles partagées dont dépendent en fin de compte tous les membres de la société et toutes les activités économiques.

Si nous voulons conserver ne serait-ce qu’un minimum de respect pour notre patrimoine commun, la Saskatchewan aura besoin d’une gouvernance efficace de l’eau et d’une politique des zones humides qui maintiendra nos terres agricoles et nos cours d’eau en bonne santé et diversifiés, et le gouvernement fédéral devra continuer à assumer ses responsabilités en matière de protection de la qualité de l’eau dans l’ensemble du pays.

Faute d’une bonne gouvernance de l’eau et d’une politique de protection des zones humides, notre gouvernement provincial semble aujourd’hui remettre en question la valeur même de la surveillance scientifique de l’eau et des droits d’accès légaux pour l’effectuer – des outils essentiels pour trouver l’équilibre entre l’intérêt privé et l’intérêt public.

Dans les paysages agricoles où des pesticides et des engrais (y compris le fumier) sont appliqués, des phénomènes dommageables tels que la prolifération d’algues bleues peuvent se produire. Par ailleurs, les précipitations transportent des polluants atmosphériques provenant de l’agriculture et d’industries lointaines qui affectent les masses d’eau sur des millions d’hectares de terres privées. Nous bénéficions tous d’une analyse adéquate de la qualité de l’eau pour protéger notre santé, notre alimentation et nos écosystèmes. Comment pourrons-nous faire la différence entre les pratiques qui polluent l’eau et celles qui la gardent propre et saine ?

En vertu de la section IV, paragraphe 26, de la loi sur l’eau du Canada, les fonctionnaires fédéraux sont légalement autorisés à se rendre sur des terrains privés pour analyser l’eau – avec ou sans permission – tout comme les inspecteurs provinciaux des aliments, les inspecteurs agricoles, les agents de santé animale et les agents des pêches peuvent légalement se rendre sur des terrains privés pour exercer leurs fonctions.

Le premier ministre Moe et ses ministres savent tout cela, et ils savent que ce type d’analyse de l’eau est pratiqué depuis des décennies. Ils savent également ce que dit le rapport 2021 de l’auditeur provincial , à savoir que ce sont eux qui ne protègent pas les droits de propriété des fermiers et des propriétaires fonciers en aval lorsqu’ils ne contrôlent pas et ne réglementent pas les drainages illégaux, ou qu’ils ne respectent pas leur propre législation. Comme d ‘autres l’ont souligné, il semble qu’ils ne pouvaient tout simplement pas laisser passer une nouvelle occasion de détourner l’attention de problèmes plus graves, tout en déformant suffisamment la vérité pour tirer parti de toute crainte liée à la propriété privée dans les régions agricoles.

Le gouvernement du premier ministre Moe continuera sans aucun doute à nourrir des rêves de nation à moitié réalisés en formulant des griefs sur ce qui est perçu comme des excès de pouvoir de la part du gouvernement fédéral. L’amendement qu’ils ont apporté samedi après-midi à la loi sur la violation du droit de propriété pour empêcher les fonctionnaires fédéraux de faire leur travail laisse penser qu’ils tâtent le terrain pour voir jusqu’à quel point le public acceptera les excès des provinces, tout en attisant des craintes infondées basées sur des informations erronées concernant les projets du gouvernement fédéral visant à aider les fermières à adopter volontairement des pratiques plus efficaces en matière d’engrais. En allumant les médias sociaux pour répandre le mensonge selon lequel les fonctionnaires fédéraux testaient les nitrates, ils ont sciemment créé une situation qui entravera les efforts des fermières pour lutter contre le changement climatique en réduisant les émissions d’azote provenant de l’agriculture.

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Trevor Herriot est un écrivain, naturaliste et défenseur des prairies basé à Regina. Al Birchard est un fermier céréalier de la région d’Assiniboia et membre du conseil d’administration de la Nationale des Fermiers.