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Op-Ed Seed Synergie et création de valeur — Une solution à la recherche d’un problème

Tribune libre de Cam Goff

Quelques mois se sont écoulés depuis la première série de réunions de « consultation » sur la « création de valeur » et les responsables d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) sont en train de limiter les dégâts, essayant de reformuler leur message aux fermières après l’accueil désastreux qu’il a reçu avant Noël.

Lors de leurs réunions de novembre et décembre, AAC et son partenaire, le groupe Seed Synergy, ont dit aux fermières que le système public de sélection végétale du Canada était en panne et que le gouvernement fédéral n’était pas disposé à augmenter son financement. On a dit aux fermiers que si nous n’aidions pas les sélectionneurs privés à intervenir et à nous sauver, le Canada deviendrait un arrière-pays agricole et subirait une dévastation économique.

Pour séduire ces sauveurs privés, il suffit aux fermières d’encourager notre gouvernement à adopter une réglementation autorisée par la loi sur la protection des obtentions végétales, qui leur offrirait une série de mécanismes de contrôle pour les nouvelles variétés de plantes enregistrées après février 2015.

Les obtenteurs privés veulent être autorisés à imposer des redevances supplémentaires aux fermiers qui utilisent de nouvelles variétés, soit sur la totalité de la récolte (option 1 – redevance de point final), soit sur la partie de la récolte conservée comme semence pour une culture future (option 2 – redevance de contrat de suivi). Les taux de redevance seraient décidés uniquement par le propriétaire de la variété, ainsi que toute autre condition qu’il pourrait attacher à l’utilisation de la variété. Le groupe Seed Synergy prévoit qu’un nouveau régime de redevances rapporterait aux entreprises privées de semences plus de 100 millions de dollars par an.

Le mantra du groupe Seed Synergy « Industry led, Government enabled » peut être compris comme « nous vous disons ce que nous voulons, vous le rendez légal ». AAFC tente donc d’amener les fermières à accepter l’une de ces deux options, à l’instigation du groupe Seed Synergy.

La « consultation » d’AAC repose en grande partie sur l’affirmation erronée selon laquelle le système d’élevage public du Canada n’est pas aussi performant que le secteur privé.

Le système public de sélection végétale du Canada fonctionne depuis plus d’un siècle. Cela a commencé avec des agriculteurs-scientifiques comme Seager Wheeler et a évolué vers des infrastructures et des programmes gouvernementaux qui placent les besoins des fermières et des citoyens du Canada au premier plan. Son histoire, jusqu’à aujourd’hui, est jalonnée de sélectionneurs de classe mondiale qui développent constamment des variétés de grandes cultures qui sont sans doute de la meilleure qualité au monde, ainsi que des variétés de fruits et de légumes adaptées de manière unique à notre climat nordique. Une étude évaluée par des pairs a montré que le blé de sélection publique a connu une augmentation de rendement de 35 % supérieure à celle du canola de sélection privée entre 1981 et 2000, et de 13 % entre 2000 et 2011.

Les fermiers ont volontairement contribué à hauteur de centaines de millions de dollars au système public par le biais de prélèvements sur les récoltes par boisseau. Des études indépendantes montrent que le rendement de la sélection végétale varie de 7 à 20 dollars par dollar investi, AAC revendiquant lui-même un taux de rendement de 11:1. Notre système public de sélection végétale conserve les revenus générés par ses services, ce qui représente une valeur réelle pour notre système public, nos fermières et l’économie canadienne.

En réponse aux inquiétudes des fermiers qui pensent que le gouvernement tente de se retirer de la sélection végétale, AAC déclare que le gouvernement fédéral ne va pas se retirer complètement, mais qu’il continuera à faire de la « science de la découverte » – le long et difficile travail de fond de développement de nouvelles lignées – avant de remettre le matériel génétique prometteur à l’industrie privée pour qu’elle le finalise et l’enregistre, ce qui permettrait aux sociétés de semences de contrôler l’accès aux variétés et de récolter les royalties auprès des fermiers.

Comme on pouvait s’y attendre, les fermières ont réagi très négativement aux options proposées par AAC pour « créer de la valeur » en obligeant les agriculteurs à financer la sélection du secteur privé par le versement de redevances.

En conséquence, AAC a modifié son approche. Aujourd’hui, ils se disent ouverts à d’autres idées, sans avoir mis en place un processus formel de consultation sur les alternatives. Leur nouveau discours est une vente douce, mais ils vendent toujours les mêmes options non désirées.

La question essentielle est de savoir pourquoi AAC pense que les agriculteurs et les citoyens canadiens se porteront mieux si les fonds publics et les fonds des fermiers investis dans la sélection végétale sont détournés vers des entreprises privées où ils peuvent être transférés à l’étranger pour grossir les dividendes des actionnaires.

Il ne fait aucun doute que les changements proposés par AAC créeront une richesse et un pouvoir incommensurables pour les sélectionneurs privés au détriment des fermiers et des citoyens canadiens, et leur donneront en fin de compte le contrôle de la base même de notre système alimentaire : les semences.

Compte tenu de la santé et de la vigueur du système public de sélection végétale du Canada, et de la volonté des fermiers de s’impliquer et de contribuer à son développement et à son amélioration, il semble que l’initiative « Création de valeur » d’Agriculture et Agroalimentaire Canada soit une solution non désirée à un problème créé de toutes pièces.

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