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Op Ed – Les fermiers se méfient de l’accord sur l’utilisation des variétés

Par David Gehl et Cathy Holtslander

Les guides annuels des semences, attendus avec impatience, sont arrivés, apportant aux fermières des informations fiables sur lesquelles baser le choix des variétés de cette année. Ces publications fournissent depuis longtemps des informations objectives, impartiales et fondées sur des données scientifiques. Les données contenues dans les guides de semences permettent de prévoir les performances agronomiques, la qualité des cultures et les réactions aux maladies attendues des cultures dans les champs des fermières. Les guides de semences présentent également des informations sur le statut de la propriété intellectuelle des variétés. Bien que souvent négligées lors du choix d’une nouvelle variété, ces informations doivent être prises en compte – en particulier maintenant que certaines variétés sont vendues avec un accord d’utilisation de la variété (AIV). Le VUA est un projet pilote du groupe industriel Seeds Canada, dans le cadre duquel certaines entreprises mettent à disposition de nouvelles variétés spécifiques uniquement dans le cadre d’un contrat exigeant que le fermier paie une redevance à l’entreprise chaque fois qu’il utilise la variété pour des semences de ferme.

Les fermiers doivent connaître l’histoire de la loi sur les semences et ce qu’elle implique pour leur droit d’utiliser des semences de ferme.

Avant le 27 février 2015, le Canada fonctionnait selon le cadre de la protection des obtentions végétales (POV) de l’UPOV 78, qui ne restreint pas l’utilisation par les fermières de semences de ferme pour la plantation de cultures ultérieures. Depuis que le gouvernement a modifié la loi canadienne sur la protection des obtentions végétales, le 27 février 2015, de nouvelles variétés ont été homologuées dans le cadre du droit d’obtenteur UPOV 91. L’UPOV 91 confère aux obtenteurs de végétaux des droits étendus sur les semences, mais inclut le privilège des fermiers qui leur permet de reproduire, de conditionner et de stocker les variétés pour les utiliser comme semences dans leurs propres exploitations sans avoir à payer d’autres redevances.

En vertu de l’UPOV 91, les redevances au titulaire du droit d’obtenteur ne peuvent être perçues qu’une seule fois par vente, généralement lors de la vente de la semence initiale, mais si cela n’est pas possible, la loi autorise les entreprises à percevoir une redevance sur la culture récoltée. Les fermiers se souviennent probablement des consultations de 2019 au cours desquelles on leur a demandé s’ils voulaient que le privilège des fermiers soit supprimé et qu’ils paient à la place des « redevances de fin de campagne » obligatoires sur l’ensemble de leur récolte ou qu’ils aient des « contrats de suivi » qui les obligeraient à payer une redevance sur leurs semences conservées à la ferme. La réponse a été un « non » retentissant.

Malgré la réponse claire des fermières, Seeds Canada teste actuellement un système de contrat de suivi volontaire dans le cadre de son projet VUA. Les fermières qui y participent signent un contrat par lequel elles s’engagent à payer l’entreprise chaque fois qu’elles utilisent des semences de la variété conservée à la ferme. La VUA permet à l’entreprise semencière de percevoir des revenus de ces fermières chaque année après leur achat initial de la variété. Lorsque le Parlement a débattu des modifications de la loi UPOV 91 sur les droits d’obtenteur, les fermières se sont battues avec acharnement pour protéger la possibilité d’utiliser librement les semences conservées à la ferme. Les fermiers qui acceptent les AUEV sont apparemment prêts à renoncer à ce principe.

La comparaison du statut de la propriété intellectuelle (PI) des céréales répertoriées dans le guide des semences actuel avec celui des années précédentes montre une tendance à l’augmentation des variétés génératrices de redevances. En 2015, le Saskatchewan Seed Guide a répertorié 193 variétés de cultures céréalières : 21% (41) sans droit d’obtenteur et 79% (152) avec UPOV 78. Aucun n’a imposé de restrictions à la capacité des producteurs de conserver et de planter les semences dans leurs exploitations. Dans le guide des semences de la Saskatchewan de 2022, 15,2 % (30 variétés) n’ont pas de droit d’obtenteur, 20,8 % (41) ont un droit d’obtenteur UPOV 78 et 61,4 % (121) ont un droit d’obtenteur UPOV 91 – et 5 (2,5 %) de ces variétés sont répertoriées comme ayant un accord d’utilisation de variété (VUA), auquel ne peuvent accéder que les fermières qui signent un contrat acceptant de payer à la société une redevance annuelle afin d’utiliser leurs propres semences conservées à la ferme pour semer des cultures futures.

Le Saskatchewan Seed Guide 2022 contient une explication des droits d’obtenteur, y compris une description des ZIVU. Elle stipule que l’acheteur d’une variété d’AAV s’engage à payer au propriétaire de la variété une « redevance d’utilisation de la variété » annuelle chaque fois qu’il cultive des semences de ferme de cette variété, affirmant à tort que cette redevance est un « droit d’auteur ». Cette restriction de l’utilisation des semences de ferme semble être une tentative d’utiliser les contrats commerciaux pour remplacer les dispositions relatives au privilège des agriculteurs en vertu de l’UPOV 91. En effet, la loi canadienne sur la protection des obtentions végétales contient des clauses qui permettent d’adopter des règlements visant à supprimer ou à restreindre les privilèges des fermières. Ainsi, le projet pilote VUA pourrait également avoir pour but de normaliser le paiement des entreprises pour les semences conservées à la ferme afin de permettre à Semences Canada de convaincre le gouvernement fédéral d’introduire des changements réglementaires qui rendraient obligatoire le paiement de redevances sur les semences conservées à la ferme pour toutes les variétés de l’UPOV 91. Même sans modification de la réglementation, si, comme le propose Semences Canada, les DAV sont largement appliqués lors de l’introduction de nouvelles variétés, on assistera à un transfert massif de richesses des fermières vers les entreprises de semences. Les fermières ont clairement le choix. Il est temps que les fermiers canadiens votent avec leurs pieds et rejettent les variétés VUA !

David Gehl est producteur de semences et fonctionnaire à la retraite. Il a dirigé pendant vingt-cinq ans l’unité d’augmentation des semences d’Agriculture et Agroalimentaire Canada à Indian Head, en Saskatchewan. Il représente actuellement l’UNF au sein de l’équipe de travail sur l’enregistrement des variétés, dans le cadre du processus de modernisation de la réglementation des semences de l’ACIA.

Cathy Holtslander est directrice de la recherche et de la politique à la Nationale des Fermiers. Elle fournit un soutien à la recherche pour faire avancer les recommandations politiques de l’UNF et, en collaboration avec les membres de l’UNF, analyse et critique les politiques agricoles et connexes existantes.

Traduction soutenue par le gouvernement du Canada