Op Ed – Dites NON à UPOV 91 !
Derrière le bruit de l’affaire Rob Ford et du scandale du Sénat, le gouvernement canadien cherche à légiférer pour supprimer un droit des fermières qui ne devrait pas être négociable.
Ottawa agit rapidement pour mettre en œuvre la convention UPOV 91 sur les droits d’obtenteur avec la première lecture au Parlement de la loi sur la croissance de l’agriculture, un projet de loi omnibus sur l’agriculture. Les partisans de cette mesure affirment qu’elle permettra au secteur privé de la sélection végétale de conserver des fonds au Canada et qu’elle nous empêchera de nous transformer immédiatement, d’une manière ou d’une autre, en luddites.
Ce que les partisans de l’UPOV 91 ne reconnaissent jamais, c’est ce qui sera retiré aux fermières. En échange de ce niveau accru de brevetage des stocks de semences, les fermières perdront le droit de conserver, de stocker, de vendre et de réutiliser les semences de ferme.
Réfléchissez un instant. Contrairement à la pratique de milliers d’années de sélection végétale en libre accès – qui, soit dit en passant, nous a permis d’obtenir les récoltes abondantes que nous connaissons aujourd’hui -, un fermier ne sera PAS autorisé à conserver les semences qu’il a cultivées pour les replanter au printemps suivant si elles sont assorties d’un droit d’obtenteur. Un système similaire est actuellement en place pour la quasi-totalité du canola cultivé au Canada. En effet, en tant qu’OGM, les semenciers ont pu breveter les séquences génétiques du canola et obliger les fermières à payer des redevances chaque année. Le coût annuel de l’achat de nouvelles semences est toujours un point sensible pour les producteurs de canola.
Le fait de ne pas participer à l’UPOV 91 ne diminuera pas l’importance du Canada en tant que région productrice de blé. La recherche se fera toujours ici en raison de notre force dans la culture du blé. Plus important encore, nous n’avons pas besoin d’être les otages des sélectionneurs privés – notre système public de sélection végétale fait du bon travail depuis un siècle.
En fait, le boom du canola a commencé lorsqu’un scientifique d’Ag Canada travaillant dans le système public de sélection des plantes a modifié le profil de l’huile de ce qui était le colza, le rendant utilisable comme huile de cuisson. Ces travaux ont ensuite été confiés à des entreprises semencières du secteur privé qui ont commercialisé – et revendiqué des droits d’obtenteur sur – des variétés exprimant le caractère.
Les partisans de l’UPOV s’appuient sur le modèle du canola pour justifier leur demande de confier l’ensemble du secteur de la sélection végétale à des intérêts privés. Mais les soi-disant « gains étonnants » réalisés par le canola issu de la sélection privée sont-ils supérieurs aux gains de rendement et de qualité du blé obtenus grâce à la tradition canadienne de sélection végétale publique ? Le Dr R.J. Graf, éminent sélectionneur canadien, est l’un des nombreux chercheurs qui soulignent que les gains de rendement du canola au cours des 35 dernières années ont augmenté de façon marginale – à peine un dixième de boisseau de plus par acre et par an – par rapport à l’augmentation des rendements du blé.
Ce qui est plus intéressant, c’est que le coût de l’amélioration des rendements du canola a été plus de trois fois supérieur à celui des efforts déployés par le système public de sélection végétale pour améliorer le blé. Depuis un siècle, le rendement du blé et sa qualité boulangère ne cessent de s’améliorer grâce au travail des sélectionneurs publics.
Il est indéniable que les fermières et les consommateurs ont bénéficié des travaux réalisés dans les centres de recherche d’Ag Canada – travaux qui se poursuivaient jusqu’à ce que le gouvernement Harper entreprenne de réduire à peau de chagrin les budgets des programmes de sélection d’intérêt public.
Même cent ans de succès de la sélection végétale d’intérêt public ne sont rien comparés à l’importance historique des semences de ferme. Depuis l’origine de l’agriculture, les fermières sélectionnent, conservent et replantent les semences d’une année sur l’autre, et partagent les variétés améliorées avec leurs voisins. Ottawa est sur le point de signer un accord et d’adopter une loi qui supprimerait ce droit pour de nombreux fermiers canadiens.
Il est intéressant de constater que ceux qui crient habituellement le plus fort sur la nécessité de protéger les droits de propriété se font aujourd’hui les champions de l’UPOV 91, un système qui ne protégera que la propriété intellectuelle des multinationales des semences au détriment du patrimoine intellectuel qui a été développé, collecté et contrôlé par les fermières au cours des millénaires.
Empêchez Harper et Ritz de favoriser les droits des obtenteurs au détriment des droits des fermières et des consommateurs d’utiliser des variétés de céréales développées de manière impartiale dans l’intérêt public.
Conservez votre droit d’utiliser les semences de ferme. Dites NON à UPOV 91 !
par Matt Gehl, membre du conseil d’administration de , qui exploite une ferme près de Regina (SK).