National | Lettre

Lettre aux ministres de l’agriculture – Vers le prochain cadre politique

La lettre suivante a été envoyée au ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, M. Bibeau, et à tous les ministres provinciaux de l’Agriculture.

Monsieur le Ministre,

RE : Vers le prochain cadre politique

Alors que vous et vos homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux vous préparez à la conférence annuelle des ministres de l’Agriculture, la Nationale des Fermiers aimerait réitérer l’urgence d’utiliser votre capacité à élaborer des politiques pour faire face aux multiples crises qui convergent vers les fermiers et le système alimentaire. La crise climatique s’aggrave, avec des impacts étendus et intenses sur les conditions de croissance à l’échelle mondiale, ce qui a des conséquences pour les fermières canadiennes et pour l’approvisionnement alimentaire de tous les Canadiens. La guerre en Ukraine continue de perturber les chaînes d’approvisionnement en produits de base, avec de graves conséquences humanitaires et des défis économiques. Le coût de la vie des Canadiens augmente en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires, des carburants et du logement.

Les fermières sont confrontées à de graves problèmes financiers. Le coût des intrants agricoles a considérablement augmenté, ce qui accroît encore les risques et les tensions auxquels les fermières sont confrontées. L’UNF a attiré l’attention sur les points suivants les prix abusifs pratiqués par des entreprises mondiales très concentrées comme l’un des principaux moteurs de la hausse des prix des intrants. Alors que la Banque du Canada a relevé les taux d’intérêt pour tenter de ralentir l’inflation, le gouvernement permet toujours aux entreprises de continuer à réaliser des bénéfices exceptionnels aux dépens des fermières et des consommateurs. Alors que la dette agricole dépasse les 130 milliards de dollars et ne cesse d’augmenter, la hausse des taux d’intérêt alourdira encore les dépenses des fermières.

Nous connaissons également une crise prolongée de la succession des exploitations agricoles : l’âge moyen des agriculteurs continue d’augmenter et s’élève aujourd’hui à 56 ans, 60 % des exploitants agricoles ayant plus de 55 ans. Moins de 9 % des fermières ont 35 ans ou moins. L’augmentation de la taille des exploitations et du prix des terres agricoles – Enquête annuelle de la FCC sur les valeurs foncières a montré une augmentation de 8,1 % du prix moyen des terres agricoles en 2021 – l’obtention de terres agricoles est de plus en plus hors de portée des jeunes fermières. Il n’est pas surprenant que les nouveaux chiffres du recensement de l’agriculture montrent que la perte d’exploitations agricoles se poursuit. En 2021, nous n’avions plus que 190 000 exploitations agricoles, soit une perte de plus de 57 000 exploitations au cours des vingt dernières années, dont 3 600 rien qu’au cours des cinq dernières années. Les exploitations de taille moyenne disparaissent ; seules les très petites et les très grandes exploitations se développent dans le paysage canadien.

Tout en éloignant des milliers de fermiers de leurs terres, le système agricole et alimentaire crée également des richesses et des pouvoirs très déséquilibrés. Il est intéressant de noter que sur les dix familles canadiennes les plus riches, six sont directement impliquées dans l’agriculture et l’alimentation : Weston (épicerie de détail), McCain (transformation alimentaire et agriculture), Saputo (transformation laitière), Richardson (commerce des céréales), Irving (transformation alimentaire) et Pattison (épicerie de détail).

Lors de votre conférence de 2021 à Guelph, les ministres de l’agriculture se sont mis d’accord sur un ensemble d’objectifs, de principes directeurs et de priorités pour le prochain cadre stratégique. De nombreuses bonnes idées et valeurs sont exprimées dans la Déclaration de GuelphIl s’agit notamment d’engagements en faveur de l’action climatique, de la durabilité et de la résilience, de l’augmentation de la participation des groupes sous-représentés et méritant l’équité, et de l’accroissement de la confiance du public dans notre système alimentaire. Ces objectifs doivent être des priorités absolues et ne doivent pas être mis de côté ou affaiblis par la poursuite d’autres objectifs en contradiction avec la nécessité d’un climat stable et vivable, de la cohésion sociale et de la justice.

Nous ne voulons pas que le principe de réduction des formalités administratives soit respecté au détriment d’une réglementation qui protège l’intérêt public ; nous ne voulons pas que la priorité accordée à l’innovation et à la numérisation se traduise par une marginalisation des connaissances, des compétences et des responsabilités des fermières et des travailleurs agricoles. La recherche de la compétitivité internationale du Canada ne doit pas accélérer une spirale descendante des prix et des normes de qualité qui compromet la prospérité des fermières dans le monde entier.

La déclaration de Guelph a quelque chose à offrir à tout le monde – pourtant, en tant que décideurs politiques et dirigeants, vous devez faire des choix qui peuvent être difficiles, mais qui sont nécessaires pour construire un système agricole robuste dans lequel les fermières et les travailleurs agricoles gagnent leur vie de manière équitable en produisant de manière durable malgré les crises auxquelles nous continuerons à faire face dans les années à venir.

Recommandations de l’UNF pour le prochain cadre politique

Accroître la capacité des infrastructures pour la production, la transformation, le stockage, le transport et la distribution des produits agricoles aux niveaux local, régional et national la production, la transformation, le stockage, le transport et la distribution des produits agricoles à l’échelle locale, régionale et nationale. afin de permettre aux fermières familiales du Canada de servir le marché intérieur canadien et de conserver une plus grande part du dollar de consommation dans nos économies nationales, régionales et locales.

Promouvoir l’innovation et le partage des connaissances à l’initiative des fermières d’accroître l’autonomie des fermières, d’assurer un mentorat et un transfert de connaissances entre les générations. Les fermières sont des personnes qui résolvent les problèmes et dont l’innovation quotidienne, la recherche et le développement technologique peuvent être amplifiés grâce à un « internet des fermières » permettant de partager les connaissances.

Respecter notre système de gestion de l’offre pour les produits laitiers, le poulet, la dinde et les œufs, et la soutenir de manière à augmenter le nombre de ses fermières et à offrir d’autres possibilités de production et de transformation. Le FNP peut aider les offices de commercialisation à augmenter le nombre de nouveaux arrivants dans les secteurs soumis à la gestion de l’offre en promouvant des systèmes de production alternatifs et la transformation à la ferme.

Aider les fermières à réduire leurs émissions et à s’adapter au changement climatique en créant une
Administration canadienne de la résilience agricole
(une nouvelle institution nationale conçue pour soutenir les fermiers dans leur transition vers une production à faibles émissions) ; en soutenant de manière ambitieuse les fermiers pour atteindre une réduction de 30 % des émissions liées aux engrais et une réduction des émissions agricoles globales ; et en aidant le Canada à s’orienter vers un modèle de production alimentaire à faibles intrants et à faibles émissions.

Renforcer la confiance du public dans le gouvernement en veillant à ce que les investissements du FNP se traduisent par une augmentation du nombre de fermières. Si la perte de fermières n’est pas enrayée, les Canadiens pourraient devenir moins enclins à allouer l’argent des contribuables à une minorité de plus en plus réduite de notre population. Le FNP peut améliorer l’accès des jeunes fermières à la terre en développant des alternatives foncières qui n’impliquent pas d’endettement massif, et en apportant un soutien à l’adoption de méthodes agricoles plus résilientes, plus rentables et moins gourmandes en intrants.

Renforcer la confiance du public dans le système alimentaire en réglementant et en encourageant les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement qu’une proportion croissante de consommateurs réclame. En aidant les fermières à passer à ces méthodes, on améliorera la perception de la politique agricole par le public.

Veiller à ce que les programmes de gestion des risques soient accessibles, pertinents et utiles. pour des exploitations de tailles et de systèmes de production différents, avec des paiements plafonnés afin d’éviter d’inciter les plus grandes exploitations à s’étendre et à prendre des risques excessifs. Les MRE ne doivent pas être un mécanisme qui promeut des méthodes de production non durables ou qui aggrave la perte d’exploitations de taille moyenne.

Inverser la tendance à la baisse du nombre d’exploitations agricoles en soutenant la transmission intergénérationnelle des exploitations agricoles, y compris la succession non familiale, afin de favoriser l’accès à l’agriculture des nouveaux et jeunes fermiers et des groupes marginalisés. Une fois la propriété foncière acquise, des mesures politiques sont nécessaires pour soutenir leur réussite en leur donnant accès à l’équipement, à l’éducation et à la formation, sans que cela ne se traduise par un endettement écrasant et un risque ingérable.

Lorsque nous vous avons écrit il y a un an, nous vous avons demandé, ainsi qu’à vos collègues ministres de l’agriculture, d’utiliser les indicateurs suivants pour évaluer le succès du prochain cadre stratégique. Nous pensons qu’en mettant en œuvre les orientations politiques décrites ci-dessus, le Canada obtiendra des résultats positifs d’ici la fin du cycle des PFN en 2028.

  • Nombre total de fermiere (en haut)
  • Âge moyen des fermières (en bas)
  • Nombre de producteurs qui sont des femmes, des autochtones, des Noirs et des personnes de couleur (en hausse)
  • Dette agricole (en baisse)
  • Revenu agricole net réalisé (en hausse)
  • Émissions de GES provenant de la production, de l’utilisation et de l’épandage d’engrais (en baisse)
  • Carbone organique du sol (up)
  • Superficie des zones humides, prairies, brise-vent et autres habitats de la faune sauvage dans les paysages agricoles (up)
  • Pourcentage de viande de bœuf, de porc et de volaille abattue dans des installations agréées par la province (en hausse)
  • Prix à la production des produits de base (en hausse)
  • Importations de produits alimentaires de grande valeur (à l’exclusion des produits nécessitant un climat tropical ou subtropical) (en baisse)
  • Ventes de denrées alimentaires produites dans le pays (en hausse)

L’UNF promeut la souveraineté alimentaire, une approche holistique qui place l’homme, l’alimentation et la nature au centre de la politique, et fait du contrôle démocratique du système alimentaire sa priorité. La souveraineté alimentaire consiste à donner aux fermiers et aux consommateurs les moyens de définir leurs propres systèmes de production d’aliments sains et culturellement adaptés à la population, grâce à des méthodes écologiquement saines et durables qui favorisent la prospérité de la communauté. Il valorise les fournisseurs de denrées alimentaires, développe les connaissances et les compétences et travaille avec la nature. De nombreuses enquêtes et sondages d’opinion indiquent que les Canadiens non agriculteurs partagent généralement ces valeurs et soutiennent les efforts visant à garantir que les fermières obtiennent des revenus équitables en produisant des aliments sains et d’autres produits agricoles dans le respect de l’environnement.

Nous attendons avec impatience que les ministres s’engagent fermement à mettre en place les politiques nécessaires pour garantir que le Canada et les familles agricoles du Canada disposent des outils, du soutien et des institutions publiques nécessaires pour faire face aux crises actuelles et émergentes avec courage, confiance et solidarité. L’UNF est favorable au dialogue et se fera un plaisir de fournir des détails supplémentaires sur toutes les priorités présentées dans cette lettre.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués,

[signed]

Katie Ward, Présidente

Union Nationale des Fermiers