La volonté de contrôler les prix des céréales est à l’origine des projets portuaires du G3
Par Jan Slomp
G3 a annoncé qu’elle pourrait construire un nouveau terminal céréalier au terminal de West Lynn, sur la rive nord de l’inlet Burrard de Vancouver. G3 est l’entreprise commune de la multinationale céréalière américaine Bunge Ltd. et de la Saudi Agricultural and Livestock Investment Co. (SALIC), détenue par le gouvernement saoudien. Début avril, la CCB s’est vu confier les actifs de la CCB, désormais privatisée, en échange d’une promesse d’investissement de 250 millions de dollars dans la société. Alors que certains se réjouissent de la nouvelle d’une nouvelle installation portuaire, il s’agit en fait d’une preuve supplémentaire que la suppression de la Commission canadienne du blé (CCB) à guichet unique dirigée par les fermiers a rendu notre système céréalier moins efficace et a permis aux sociétés céréalières de devenir plus puissantes et plus rentables.
Le guichet unique de la CCB a coordonné le transport depuis le silo de collecte jusqu’au navire portuaire, de sorte que les installations portuaires existantes ont été bien utilisées et que le grain a été transporté à temps, voire en avance sur le calendrier. Par exemple, la CCB a coopéré avec différents propriétaires de terminaux pour assurer le chargement efficace de navires Panamax de 50 à 60 000 tonnes, étant donné qu’aucune société de silos n’était, ou n’est, assez grande pour les charger en une seule fois. L’efficacité du guichet unique se traduit souvent par des primes d’expédition, c’est-à-dire des primes versées par les armateurs pour un service rapide. Comme la CCB à guichet unique vendait des céréales pour le compte des fermiers, nous recevions également l’avantage en dollars ainsi gagné.
Les goulets d’étranglement de 2013-2014 n’ont pas été causés par un manque de capacité des terminaux, mais ont résulté d’un manque de coordination dû à la destruction du guichet unique de la Commission du blé. Les compagnies céréalières ont en fait largement profité des problèmes logistiques en utilisant les retards de transport pour justifier la dévaluation des céréales des fermières par des frais de base élevés, tout en empochant des millions de dollars de bénéfices excédentaires.
L’augmentation de la capacité des terminaux, qu’ils soient intérieurs ou portuaires, aggrave la situation des fermières lorsque la capacité de stockage supplémentaire est sous le contrôle des sociétés céréalières et non des fermières. G3 et les « Big 3 » – Cargill, Richardson et Viterra – bénéficieraient tous de l’installation proposée à West Lynn, car elle leur permettrait de stocker de plus grandes quantités de céréales, ce qui accroîtrait la marge de manœuvre entre les fermières de la campagne et leurs clients finaux. Ce « réservoir d’attente » permet aux entreprises céréalières d’augmenter leurs marges en achetant aux fermières le prix le plus bas possible, puis en contrôlant l’offre à la sortie pour maximiser le prix de vente aux clients. À l’instar de l’offre captive dans le secteur de la viande bovine, l’augmentation de la capacité de stockage des sociétés céréalières ne fait que contribuer à faire baisser le prix payé aux fermières.
Il ne fait aucun doute que G3 peut se permettre de construire un nouveau terminal coûteux. Elle vient de recevoir les actifs de notre CCB, est en partie détenue par l’un des gouvernements les plus riches du monde et s’apprête à gagner des milliards en vendant des céréales des prairies enclavées aux anciens clients de la CCB à guichet unique.
Le ministre de l’agriculture, M. Ritz, prône des rendements élevés et des volumes d’échanges qui profitent aux multinationales, alors que nous savons, grâce à notre expérience du comptoir unique de la CCB, que la prospérité des fermiers des Prairies passe par le transport et la vente efficaces d’un volume « suffisant » pour obtenir des prix plus élevés, tout en mettant l’argent dans les poches des fermiers. Il est pénible d’entendre notre gouvernement parler de valeur ajoutée et de développement des marchés d’exportation pour les entreprises céréalières après avoir détruit unilatéralement une institution qui faisait exactement cela au nom des fermières – surtout après avoir cédé ses actifs restants à une société détenue conjointement par l’État d’Arabie saoudite, un pays notoirement connu pour ses violations des droits de l’homme.
Jan Slomp est le président de .