National | Communiqué de presse

La convention de l’Union nationale des fermiers prend son envol avec une discussion en table ronde sur comment confronter le pouvoir

OTTAWA, ON— Des fermiers de tout le Canada se sont réunis le jeudi 23 novembre pour donner le coup d’envoi de la 54e Convention nationale annuelle de l’Union nationale des fermiers (UNF).

L’un des points forts de la journée d’ouverture a été le débat d’experts intitulé « Confrontation avec le pouvoir ».  Les intervenants étaient les suivants :

  • Kelly Bronson, Chaire de recherche du Canada en science et société, Université d’Ottawa ;
  • Timothy Wise, Conseiller principal, Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP) ; et
  • Stewart Trew, Directeur du projet de recherche sur le commerce et l’investissement, Centre canadien de politiques alternatives (CCPA).

La Dre. Bronson a ouvert le débat en expliquant comment les données sont collectées et utilisées dans les exploitations agricoles pour faciliter la prise de décision et contrôler les machines qui placent les engrais, les semences et les produits chimiques – ce que certains appellent « agriculture de précision » et selon d’autres le « Big Data ».

Mme Bronson a expliqué aux participants à la convention de l’UNF que dans ses études et dans son livre sur le sujet (The Immaculate Conception of Data : Agribusiness, Activists, and Their Shared Politics of the Future), elle s’est concentrée sur les bénéficiaires et sur ceux qui y gagnent et exercent le pouvoir.

Bronson a commencé ainsi : « Parce que les données agricoles ont de la valeur, nous devons nous demander : de la valeur pour qui ?  Que fait-on des données provenant des exploitations agricoles ?  Qui contrôle les données ?» Elle a souligné : « Il s’agit en fait de questions de pouvoir ». 

Elle a évoqué les défis insurmontables que représente le fait d’essayer de « suivre les données » – à travers les centres de données, les algorithmes et les serveurs des entreprises.  Elle a fait remarquer que, pour l’essentiel, ces données étaient soustraites à toute surveillance critique et souvent protégées par de nombreux instruments juridiques.  

Par conséquent, Mme Bronson s’est consacrée à lire attentivement les licences et les accords juridiques signés par les fermiers, à assister aux réunions du secteur et aux conventions commerciales, et à discuter avec les fermiers qui utilisent les plateformes et les outils de données.  Elle a ainsi pu approfondir la question de savoir qui gagne en pouvoir et en avantages lorsque les fermiers utilisent des plateformes et des outils technologiques pour contrôler les machines agricoles et soutenir les décisions agronomiques.

Bronson a constaté qu’en plus des avantages pour les fermiers, les entreprises de semences, de produits chimiques, d’engrais et de machines qui contrôlent les technologies de données en tirent également d’importants bénéfices.  Mme. Bronson a relevé plusieurs domaines réels ou potentiels dans lesquels les entreprises peuvent tirer profit de la technologie.  Les entreprises pourraient utiliser les données agrégées des agriculteurs pour prévoir la demande de produits et, éventuellement, ajuster l’offre ou fixer les prix en fonction de ces prévisions.  (Bronson a cité des exemples de politiques de protection de la vie privée dans lesquelles les entreprises semblent laisser une marge de manœuvre pour utiliser les données de cette manière).

D’autres manières par lesquelle les entreprises peuvent également inclure de tirer profit de la création de liens plus étroits entre les fermiers et certaines entreprises, voire même d’encourager la dépendance des fermiers. Mme Bronson a expliqué comment les entreprises peuvent « verrouiller » les fermiers.  Selon elle, les outils d’aide à la décision basés sur les données d’une entreprise donnée semblent ne recommander que des intrants provenant de la famille de cette entreprise ou d’un « écosystème » d’entreprises apparentées.

Le manque « d’interopérabilité » est une autre façon de lier les fermiers aux entreprises.  « Une fois qu’un agriculteur a téléchargé ses données sur la plateforme, le manque d’interopérabilité entre les différentes plateformes de données signifie qu’un agriculteur aura du mal à changer de plateforme, même si l’accès aux données lui est accordé.  Cela enferme les agriculteurs dans une relation avec des plateformes particulières pour les intrants d’une société particulière », a déclaré Mme. Bronson.

Elle a conclu en notant que les entreprises se concentrent de plus en plus sur l’extraction de revenus et de profits à partir de leurs produits et services de plateforme de données.  Par exemple, Deere a déclaré que, d’ici la fin de la décennie, dix pour cent des revenus de l’entreprise proviendront uniquement des frais liés à la plateforme numérique.

Mme. Bronson s’est concentrée sur l’un des moyens par lesquels les entreprises acquièrent du pouvoir ; les deux autres panélistes se sont concentrés sur des domaines complémentaires dans lesquels les entreprises acquièrent un pouvoir similaire, souvent au détriment des fermiers et d’autres citoyens.

Tim Wise a parlé des recherches qu’il a effectuées pour son récent livre, Eating Tomorrow : Agribusiness, Family Farmers, and the Battle for the Future of Food, et a souligné « le pouvoir écrasant des entreprises agroalimentaires ».  Il a parlé aux délégués de l’UNF de ses rencontres avec des fermiers et des fonctionnaires au Malawi, au Mexique et ailleurs, et de la façon dont des entreprises telles que Monsanto/Bayer luttent pour le contrôle des semences et des systèmes alimentaires dans le monde entier.  En conclusion, il a souligné le fait provocateur que l’agroalimentaire dépense plus d’argent en lobbying que l’industrie de la défense.

Stuart Trew a conclu le panel en se concentrant sur près de quarante ans d’accords commerciaux et sur la manière dont ces accords « fixent des limites à la démocratie » et restreignent les sphères politiques nationales, y compris pour l’alimentation et l’agriculture.  Il a conclu en notant toutefois que « trente ans après l’entrée en vigueur de ce programme, les choses ne se sont pas vraiment passées comme tout le monde l’avait promis.  Il n’y a pas eu d’explosion de l’emploi.  Il n’y a pas eu de croissance massive de l’égalité entre les personnes – l’inégalité s’est accrue au cours de cette période.  Nous avons assisté à une dégradation rapide de la biodiversité et à une aggravation du changement climatique.  Les choses ne vont pas bien pour l’économie mondiale ».

Les trois orateurs ont évoqué la riposte, la résistance, l’intérêt croissant pour les alternatives et les victoires des citoyens et de la société civile. Néanmoins, le panel a dressé le tableau des entités mondiales les plus puissantes et les plus dominantes qui utilisent les technologies, les accords commerciaux, les données, le droit de la propriété intellectuelle, les fusions et acquisitions et d’autres moyens pour accroître leur pouvoir, généralement aux dépens, littéralement, des fermiers.

La Convention de l’UNF se poursuit au Holiday Inn Ottawa East (1199 Joseph Cyr), jusqu’à 17 heures le samedi 25 novembre.

La convention de l’UNF est hybride : en personne et sur Zoom. Les médias qui ne peuvent pas y assister en personne sont invités à utiliser ce lien pour accéder aux débats qui les intéressent via Zoom : https://www.nfu.ca/media-join-the-2023-nfu-convention/ 

Voici un lien vers l’ordre du jour officiel : https://www.nfu.ca/wp-content/uploads/2023/11/HANDBOOK-PAGE-8-and-9-AGENDA-CORRECTED-FOR-WEBSITE.pdf

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