Region 6 | Opinion

Il est temps que les fermiers canadiens défendent notre système de classement des grains !

En 2014, un défenseur de longue date de la déréglementation du commerce des céréales et ancien chercheur pour la Western Canadian Wheat Growers Association a été cité dans la presse agricole comme déclarant : « Je ne me souviens pas d’une seule conversation sérieuse sur le pouvoir de marché et les dangers qu’il impose. » Apparemment, cette conversation n’a pas encore eu lieu pour les fermières qui font pression pour ouvrir les frontières canadiennes à un afflux de blé cultivé aux États-Unis.

La National Association of Wheat Growers (NAWG) et U.S. Wheat Associates font pression sur le gouvernement américain pour qu’il les aide à exporter davantage de blé vers le Canada. Ils affirment que le système canadien de classement des céréales constitue une barrière et demandent donc au président Trump de faire pression sur le Canada. Il n’est pas surprenant qu’au Canada, les groupes de pression du blé soutenus par les entreprises – Cereals Canada et Western Canadian Wheat Growers – ainsi que la Western Grain Elevator Association qui représente le commerce des céréales, soient également du côté de la NAWG et de US Wheat Associates.

Ces groupes de pression veulent modifier la loi sur les céréales du Canada pour permettre aux céréales américaines d’accéder à notre système de classement du blé, ou bien se débarrasser complètement du système de classement pour que les entreprises achètent en fonction des spécifications. Ces deux options favoriseraient les multinationales céréalières et nuiraient aux fermières.

Mais tout d’abord, mettons les choses au clair : Les meuniers canadiens peuvent déjà importer autant de blé américain qu’ils le souhaitent. Aucune limite. L’importation de grandes quantités de blé cultivé aux États-Unis impliquerait de mélanger ces céréales à des produits cultivés au Canada et de les faire transiter par le système d’exportation canadien, qui est déjà soumis à des contraintes. Un marketing douteux vendra ces céréales comme étant « d’origine canadienne », ce qui donnera un coup de pouce à court terme aux bénéfices des entreprises – jusqu’à ce que le monde reconnaisse que ces céréales ne sont pas vraiment le blé canadien supérieur ou unique auquel il s’attendait. En bref, notre pouvoir de marché canadien, très réduit, subirait un nouveau coup dur.

L’idée que les États-Unis se privent du marché canadien n’a pas non plus de sens. Les États-Unis et le Canada sont deux des plus grands exportateurs de blé au monde. En 2016, le blé importé par le Canada représentait moins d’un pour cent de nos exportations.

Notre réputation internationale en matière de blé de qualité n’est pas le fruit du hasard. Il a été construit par les fermières et les gouvernements canadiens qui savaient que des mesures strictes de contrôle de la qualité sont nécessaires pour obtenir des prix élevés sur le marché mondial. Les régions productrices de blé de l’Ukraine, des États-Unis et de l’Australie sont beaucoup plus proches des ports. Nos normes de qualité nous permettent d’obtenir des prix plus élevés qui compensent le coût du transport des céréales des prairies au port. Notre système, dont la Commission canadienne des grains est un élément clé, ajoute environ 70 dollars par tonne au prix payé par les fermières. La plupart des années, les fermières canadiennes produisent environ 25 millions de tonnes de blé. Notre système ajoute donc 1,75 milliard de dollars à l’économie canadienne chaque année !

Quels sont les autres enjeux si notre gouvernement cède à ces groupes de pression ?

En autorisant les sociétés céréalières à mélanger du blé américain avec du blé canadien, on permettrait au blé américain de s’affranchir du système de contrôle de la qualité de la semence au terminal portuaire que nous avons mis au point au cours du siècle dernier et que la Commission canadienne des grains (CCG) supervise dans l’intérêt des fermières et fermiers canadiens. Le système de classement du Canada garantit aux fermières un recours à un arbitre indépendant, la CCG, si elles estiment que leur grain a été injustement dévalorisé par le silo. Le guide officiel de classement des grains de la CCG fournit des normes transparentes pour le classement des grains, des oléagineux et des légumineuses. Si le Canada devait supprimer complètement son système de classement des céréales, les fermières canadiennes n’auraient d’autre choix que de vendre par le biais de contrats individuels avec les acheteurs de céréales. L’acheteur aurait alors tout pouvoir et les fermières n’auraient aucun recours si leurs céréales faisaient l’objet d’un rabais ou d’un refus injuste.

Les multinationales du commerce des céréales – ADM, Bunge, Cargill, Louis Dreyfus, Viterra et Richardson International – sont liées au lobby qui milite en faveur de l’accès des États-Unis au système canadien. En désactivant la CCG, ces entreprises s’apprêtent à réaliser des millions, voire des milliards, de bénéfices supplémentaires. Le commerce des céréales serait alors en mesure de s’approprier en toute impunité une part encore plus importante de la richesse des fermières.

Les fermiers doivent demander à leurs ministres de l’Agriculture fédéral et provinciaux ainsi qu’à leurs commissions provinciales du blé de rester fermes et de défendre la CCG et notre système de classement dans l’intérêt des fermiers, de nos économies rurales et de l’ensemble du Canada.

Stewart Wells
About the author

Stewart Wells

Stewart is a past President of the NFU, and is currently 2nd Vice President (Operations). He is a third generation farmer farming certified organic grain on family land in southwest Saskatchewan near Swift Current. He's been a part of an array of farm organizations such as the Canadian Agri-food Policy Institute, the Canadian Wheat Board, and the Western Grains Research Foundation.

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