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Lauréats 2015

The tient à féliciter Katia Huszka et Stuart Oke, lauréats du prix Beingessner d’excellence en rédaction pour 2015. Le thème de cette année était « Le sol : Notre terrain d’entente ».

Katia a 18 ans et vient de Florence, en Ontario. Elle est actuellement en première année à l’université de Waterloo où elle étudie l’environnement et les ressources. Stuart est un fermier de 25 ans qui cultive des légumes biologiques au nord de Kingston, en Ontario. Il a passé les huit dernières années dans l’agriculture à travers l’Ontario, de Thunder Bay à Kingston, et est coordinateur de la section locale 316 de .

Le sol : Notre terrain d’entente

Lettre ouverte de Katia Huska, 18 ans, Florence, Ontario

Chers humains,

KatiaJe m’appelle Soil, mais vous me connaissez peut-être mieux sous un autre nom : Dirt. Ce n’est pas très approprié, compte tenu du fait que je soutiens toutes les formes de vie sur Terre ! Par rapport à mes homologues, l’eau et l’air, je n’ai guère attiré l’attention sur l’environnement. Jusqu’à récemment, vous m’avez considéré comme acquis et j’ai subi de grandes pertes. En raison de vos pratiques non durables d’utilisation des terres, j’ai atteint des niveaux de dégradation potentiellement désastreux, ce qui a incité l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture à déclarer 2015 « Année internationale des sols ». Enfin un peu de respect !

Ne vous êtes-vous pas rendu compte de mes remarquables capacités ? Ils contiennent un quart de la biodiversité de la planète et une cuillère à soupe de sol sain contient plus d’organismes qu’il n’y a d’habitants sur Terre (10 Incredible Facts About Dirt, 2010). Je contribue à la lutte contre le changement climatique en stockant 10 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone (10 Incredible Facts About Dirt, 2010). Je suis inestimable et indispensable… mais je suis de plus en plus sollicité. Dans le monde entier, je suis menacé par la déforestation, la croissance de la population humaine, l’expansion urbaine, la pollution, l’élimination des déchets, le changement climatique et les mauvaises pratiques de gestion des sols. On estime que 52 % des terres agricoles du monde ont été modérément ou gravement endommagées (The Value of Land, 2015). Ce fait est d’autant plus alarmant que je suis une ressource non renouvelable, ce qui signifie que toute perte ou dégradation n’est pas récupérable au cours de votre vie. Savez-vous qu’il faut au moins 500 ans pour former un pouce de terre arable (10 Incredible Facts About Dirt, 2010) ?

Des siècles de négligence ont entraîné une perte de biodiversité, la salinisation, un déséquilibre des nutriments, l’érosion, la perte de matière organique, l’acidification, le compactage et la désertification. Selon les estimations, la demande de nourriture, de carburant, de produits médicinaux et de fibres de notre population mondiale croissante devrait augmenter de 60 % d’ici à 2050 (Année internationale des sols, 2015). Comment allons-nous répondre à ces demandes alors que notre planète est confrontée à la pénurie d’eau, à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, à la pauvreté, aux migrations et à la réduction des écosystèmes ? On estime que 50 millions de personnes pourraient être contraintes de chercher un nouveau logement et de nouveaux moyens de subsistance dans les dix ans à venir en raison de la dégradation de leurs terres (The Value of the Land, 2015). L’heure du changement a sonné !

Pour certains d’entre vous, ce n’est pas la première fois que vous êtes confrontés à ces réalités surprenantes. Vous êtes peut-être fermiere. Savez-vous que nombre de vos concitoyens vous considèrent comme responsable de cette sombre situation ? L’enquête sur la situation de l’agriculture au Canada, une étude réalisée en 2014 par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, s’est récemment penchée sur l’idée que l’agriculture n’est pas durable et qu’elle est potentiellement néfaste pour l’environnement. Résultat surprenant et encourageant, l’enquête a révélé que 95 % des fermiers canadiens prennent des mesures pour protéger l’environnement (Réalités de l’agriculture au Canada, 2014). Vous êtes-vous engagé à réduire l’impact de vos pratiques agricoles ou faites-vous partie des 5 % qui ne le font pas ?

Des quantités excessives de sel ou de métaux lourds dans le sol peuvent réduire ou empêcher la croissance des plantes. La gestion durable implique de prendre la décision consciente d’améliorer ma santé et ma conservation. Il s’agit de restaurer les sols dégradés par une analyse scientifique, d’augmenter la teneur en matière organique, de planter des cultures de couverture, d’utiliser un travail minimum du sol, de mettre en œuvre une rotation des cultures, de réduire l’érosion, d’assurer une élimination appropriée des déchets et de planifier correctement l’utilisation des terres. Ce sont malheureusement des dépenses supplémentaires pour les fermiers et la société en général. En effet, la valeur des fonctions écosystémiques fournies par les ressources en sol, telles que la nourriture, le cycle des nutriments, la réduction de la pauvreté, l’eau propre et la régulation du climat et des maladies, perdues en raison de la dégradation des sols, est estimée entre 6,3 et 10,6 billions de dollars américains (The Value of Land, 2015). Un financement public doit être mis en place afin de récupérer les coûts supplémentaires associés aux nouvelles technologies, aux équipements et aux intrants liés à ces meilleures pratiques de gestion. Il sera également crucial de développer une politique internationale ainsi que des lignes directrices économiques, législatives et réglementaires dès que possible.

Plus important encore, la gestion des sols passe par la sensibilisation, l’éducation et le plaidoyer. En tant que gardiens de la terre, vous devez vous préoccuper non seulement de ce qui se passe sur votre propre exploitation, mais aussi de l’état des propriétés de vos collègues fermiers. Il peut s’agir de votre voisin immédiat ou d’une personne pratiquant l’agriculture itinérante à l’autre bout du monde. Les producteurs et les consommateurs ont tous la responsabilité de prendre soin de moi et de la biodiversité que je soutiens pour les générations à venir. Rappelez-vous ces mots, tirés d’un proverbe des Premières nations :

Traitez bien la Terre : elle ne vous a pas été donnée par vos Parents, elle vous a été prêtée par vos Enfants. Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. (Citations célèbres, 2013)

Nous sommes des partenaires ; si je ne suis pas en bonne santé et productif, vos exploitations ne seront pas viables. Je compte sur vous pour ne pas laisser votre terre telle qu’elle vous a été donnée, mais pour l’améliorer.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes sentiments distingués,

Votre sol, aussi appelé « saleté ».

Stuart Oke

Plus profond que la terre :

Une lettre ouverte sur la gestion de la terre et notre relation avec elle.

-par Stuart Oke, 25 ans, Kingston, Ontario

Pour beaucoup, le sol n’a pas plus de signification que la chose sur laquelle nous posons nos pieds. Bien sûr, tout le monde sait que les plantes et, par extension, nos aliments proviennent du sol, mais pour les fermiers, ce terme a une signification bien plus essentielle… Il va au-delà des profils de nutriments et des classifications géologiques, bien que ces facteurs soient aussi importants que d’autres lorsqu’il s’agit de faire pousser des aliments. Sa signification va au-delà de notre capacité à en tirer une valeur monétaire (des champs aux pâturages en passant par les enclos), dans la mesure où cette capacité nous permet de continuer à exercer notre métier de fermier.

Pour les fermières, le sol n’est pas seulement le milieu dans lequel nous travaillons, il nous fournit l’un des éléments les plus fondamentaux de la vie… la nourriture. Un concept simple qui semble ridicule à souligner, mais avec des terres arables qui diminuent d’année en année et l’interaction quotidienne de la plupart des gens avec leur nourriture moins sûre que jamais, cette idée reste aussi importante pour moi aujourd’hui que lorsque j’ai commencé à travailler dans l’agriculture.

Cela dit, j’admets que, même pour moi, l’appréciation du sol n’est pas toujours présente. Lorsque mes tâches quotidiennes et mon expérience de la croissance m’empêchent d’apprécier le pouvoir impressionnant qu’elle peut avoir. Pourtant, dans mes moments de réflexion, l’acte de mettre des graines en terre et, avec un peu d’attention, d’observer la vie jaillir, semble parfois transcender mon esprit scientifique pour entrer dans le domaine de la magie.

Pour les fermières, j’en suis venu à croire que le sol représente un lien beaucoup plus tangible avec le monde que ce dont beaucoup de gens sont conscients. Nous nous nourrissons, nous construisons, nous travaillons et nous semons et, grâce à cet effort, nous nous nourrissons nous-mêmes, ainsi que nos familles et nos communautés, et cette coexistence transcende les politiques, les désaccords et les bruits quotidiens dans lesquels nous vivons. Le fait est que nous devons tous manger, et de cette constatation découle un véritable terrain d’entente sur lequel nous pouvons nous appuyer : lorsque nous protégeons et prenons soin de notre sol, celui-ci nous rend la pareille.

En tant que fermiere, la terre occupe certainement une place importante dans ma vie. Il m’a permis d’avoir un revenu pour survivre, une communauté à aimer et un style de vie à vivre. Si de nombreux fermiers ne sont pas d’accord sur la manière de prendre soin de nos sols et même sur le degré d’entretien nécessaire, personne ne peut contester que le sol est le bloc sur lequel notre communauté, au niveau national et international, s’est construite.

Personnellement, je me suis rendu compte que la protection des choses les plus importantes pour moi implique également la protection du sol. Je travaille tous les jours dans l’agriculture de manière à imiter la gestion et le soin de la terre que m’ont montrés mes mentors et j’espère que d’autres me regarderont et feront de même, petit à petit, en montrant l’exemple. C’est ainsi que je crois qu’en tant que communauté unie dans notre conviction que les choses les plus importantes pour notre survie doivent être protégées avec plus de ferveur et de passion que tout le reste, nous devons travailler une personne à la fois pour provoquer le changement dont nous avons désespérément besoin. Que ce soit en cultivant vos champs, en achetant avec votre argent, en mettant de la nourriture sur votre table ou en votant dans nos urnes. Ensemble, nous ne pouvons pas nous contenter de préserver notre sol, mais nous pouvons le transformer, ainsi que notre société, en une entité aussi résiliente et nourricière que l’on peut l’espérer pour l’avenir.