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Soumission à
Commission sénatoriale permanente de l’agriculture et des forêts
sur
L’importance des abeilles et de leur santé
1er mai 2014
The () est une organisation démocratique non partisane, d’envergure nationale, composée de milliers de familles d’agriculteurs de tout le Canada qui produisent une grande variété de denrées, notamment des céréales et des oléagineux, du bétail, du miel, des fruits et des légumes. Le site a été fondé en 1969. Notre mandat est d’œuvrer en faveur de politiques conçues pour :
- promouvoir un système alimentaire reposant sur des exploitations familiales financièrement viables qui produisent des aliments de qualité, sains et sûrs ;
- encourager les pratiques respectueuses de l’environnement qui protégeront nos précieux sols, l’eau, la biodiversité et les autres ressources naturelles ; et
- promouvoir la justice sociale et économique pour les producteurs de denrées alimentaires et tous les citoyens.
En tant que fermières, les membres de sont profondément engagées à travailler avec la nature pour protéger et améliorer la biodiversité à l’intérieur et autour de leurs fermes tout en produisant des aliments sains et sûrs pour les gens au Canada et à l’étranger. En travaillant avec la nature et en développant des connaissances et des compétences en agroécologie, nos membres s’efforcent de protéger les nombreux organismes, y compris les abeilles et les pollinisateurs sauvages, qui apportent des avantages économiques à nos exploitations et contribuent à l’embellissement de nos campagnes. Le site veille à ce que les Canadiens aient un rôle à jouer et puissent prendre démocratiquement des décisions qui favorisent la durabilité économique, sociale et écologique à long terme de notre système alimentaire.
Depuis 2012, les membres de expriment de plus en plus leurs inquiétudes quant à l’impact des néonicotinoïdes sur la santé des abeilles et des autres pollinisateurs. En décembre 2013, le site a soumis des commentaires en réponse à la proposition d’ action de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) visant à protéger les abeilles contre l’exposition aux pesticides néonicotinoïdes. Plus récemment, le site a envoyé une lettre au ministre de la santé, Hon. Rona Ambrose, lui demandant de collaborer avec les provinces de l’Ontario et du Québec pour prendre immédiatement un certain nombre de mesures qui jetteraient les bases d’un moratoire complet sur l’utilisation des traitements de semences à base de néonicotinoïdes sur les cultures de plein champ au Canada.
Politique en matière de traitement des semences de néonicotinoïdes dans les grandes cultures
Après avoir observé des mortalités d’abeilles dans leurs propres communautés, les membres de en Ontario ont travaillé à travers la structure démocratique de pour présenter la résolution suivante à la 44e convention annuelle de , du 28 au 30 novembre 2013, où elle a été adoptée :
Il est donc résolu que le site fera pression sur Santé Canada pour obtenir un moratoire immédiat de cinq ans sur l’utilisation des pesticides de la classe des néonicotinoïdes dans le traitement des semences pour les cultures de plein champ ;
Il est en outre résolu que le site demande à Santé Canada d’exiger la réalisation d’études scientifiques indépendantes, libres de toute influence de l’industrie, sur les effets sublétaux et synergiques des néonicotinoïdes sur les abeilles mellifères, les pollinisateurs sauvages et les autres espèces affectées, y compris les fermières qui les utilisent, et que les résultats complets soient rendus publics et disponibles pour examen et commentaires avant la levée de tout moratoire sur l’utilisation des traitements de semences à base de néonicotinoïdes.
Face aux difficultés d’accès aux semences de maïs non traitées, les membres de du comté de Lambton ont présenté la résolution suivante au congrès annuel de Region 3 (Ontario), le 2 mars 2013, où elle a également été adoptée :
Il est donc résolu que le -Ontario demande au MAAARO …. l’institut exige que 80 % du maïs de semence soit disponible sous forme de semences non traitées.
Les résolutions politiques susmentionnées, ainsi que la politique existante de élaborée selon le même processus, concernant le soutien accru aux pratiques agricoles durables et l’importance de la recherche d’intérêt public financée par les pouvoirs publics, ont constitué la base de la position et des recommandations de concernant l’utilisation des néonicotinoïdes pour le traitement des semences dans les grandes cultures au Canada.
Le site reconnaît que les néonicotinoïdes sont utilisés sur de nombreuses cultures, tant pour le traitement des semences que pour la pulvérisation foliaire. Cependant, au cours de la dernière décennie, l’utilisation de néonicotinoïdes en tant que traitement prophylactique des semences sur les grandes cultures au Canada a pris une ampleur sans précédent, entraînant des dommages préjudiciables aux abeilles, aux pollinisateurs sauvages et aux écosystèmes naturels. Le site a donc adopté une position selon laquelle des mesures immédiates doivent être prises pour réduire considérablement l’utilisation de ces produits dans le traitement des semences des grandes cultures, en commençant par un moratoire de cinq ans sur les traitements de semences à base de néonicotinoïdes dans toutes les grandes cultures.
Le site considère les abeilles mellifères comme une espèce indicatrice. Faisant partie du système agricole formel, leurs populations et leur santé sont suivies de manière beaucoup plus cohérente que celles des espèces sauvages et indigènes de pollinisateurs telles que les bourdons, les abeilles coupeuses de feuilles, les papillons, les syrphes et les guêpes. Bien que nous n’abordions pas la situation actuelle de ces pollinisateurs indigènes dans le présent document, les membres de reconnaissent que ces pollinisateurs indigènes sont essentiels à la santé à long terme des écosystèmes agricoles et naturels. Leur importance et leur état de santé doivent faire l’objet d’une étude et d’une recherche plus approfondies.
Le site est également conscient que la santé des abeilles est une question complexe et que l’exposition aux néonicotinoïdes n’est pas le seul facteur contribuant à la mortalité des abeilles. Il est probable qu’une combinaison de facteurs liés aux pratiques agricoles, à la perte d’habitat et de sources de nourriture, à l’introduction de maladies et de parasites, à l’évolution des conditions météorologiques et à la gestion des ruches contribue aux problèmes de santé de la population d’abeilles du Canada. Cependant, l’ARLA a elle-même identifié l’exposition aux traitements de semences de maïs et de soja à base de néonicotinoïdes comme l’un des principaux facteurs de mortalité des pollinisateurs et a conclu que les pratiques actuelles n’étaient pas viables.
Situation actuelle des traitements de semences aux néonicotinoïdes et impact sur la santé des abeilles au Canada
Depuis 2012, plusieurs ministères et organismes fédéraux et provinciaux se sont penchés sur l’impact des néonicotinoïdes sur la santé des abeilles. Après avoir enquêté sur des rapports de mortalité d’abeilles provenant de régions productrices de maïs au Québec et en Ontario en 2012, l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) a conclu que » la plantation de semences de maïs traitées aux néonicotinoïdes a contribué à la majorité des mortalités d’abeilles survenues au printemps 2012, la voie d’exposition probable étant la poussière contaminée par l’insecticide générée lors de la plantation de semences de maïs traitées « [i]. »En 2013, année marquée par des conditions météorologiques plus typiques, l’ARLA a de nouveau reçu un nombre important de rapports de mortalité de pollinisateurs provenant des régions productrices de maïs et de soja du Québec, de l’Ontario et du Manitoba. Par conséquent, en septembre 2013, l’ARLA « a conclu que les pratiques agricoles actuelles liées à l’utilisation de semences de maïs et de soja traitées aux néonicotinoïdes ne sont pas durables ».[ii]
Bien que le premier traitement de semences à base de néonicotinoïdes n’ait été homologué qu’en 2001, Tracey Baute, entomologiste spécialiste des grandes cultures et responsable du programme au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation de l’Ontario (MAAO), indique que les traitements de semences à base de néonicotinoïdes sont actuellement utilisés sur près de 100 % des surfaces de maïs et de canola de l’Ontario, 80 % des surfaces de soja de l’Ontario et 35 % des surfaces de blé de l’Ontario.[iii] Elle affirme également qu’il n’y a « aucun doute que l’empoisonnement aigu des colonies d’abeilles au cours des dernières années est lié à la plantation de semences de maïs et de soja traitées ».[iv] Sur la base des pourcentages ci-dessus et du nombre d’hectares de maïs, de soja, de blé et de canola plantés en Ontario en 2011, plus de 50 % des terres cultivées de l’Ontario sont ensemencées avec des semences traitées au néonicotiniod[v]. Les néonicotinoïdes ne sont pas homologués pour une utilisation dans les semences de cultures fourragères.
Les traitements de semences à base de néonicotinoïdes sont-ils nécessaires ?
Lors d’une présentation au forum du groupe de travail sur la santé des abeilles de l’Ontario en août 2013, Tracey Baute et Greg Stewart, responsable du programme de l’industrie du maïs du MAAO, ont indiqué que le traitement des semences aux néonicotinoïdes ne profite qu’à dix à trente pour cent des acres de maïs et de soja de l’Ontario.[vi] En outre, les spécialistes du MAAO ont identifié les conditions, telles que le type de sol, la rotation des cultures, l’historique des ravageurs et la gestion des mauvaises herbes, qui font qu’un champ particulier est exposé à des ravageurs qui peuvent être contrôlés par un traitement de semences à base de néonicotinoïdes. Baute recommande que « les cultivateurs qui ne correspondent pas aux facteurs de risque élevés … envisagent d’essayer des semences à base de fongicides uniquement ».[vii]
Il existe un nombre limité d’études indépendantes évaluées par des pairs sur les avantages des traitements de semences à base de néonicotinoïdes en Amérique du Nord, en particulier sur la relation entre les traitements de semences à base de néonicotinoïdes et le rendement des principales cultures de plein champ, y compris le maïs et le soja. Le Center for Food Safety a récemment publié une analyse documentaire d’études indépendantes évaluées par des pairs et réalisées aux États-Unis et au Canada sur l’utilisation des traitements de semences à base de néonicotinoïdes. Ils ont conclu que « dans de nombreux cas, les composés n’apportent pas de rendement ou d’avantage économique aux fermières. »[viii] Le Center for Food Safety reconnaît que plusieurs autres études ont trouvé des avantages en termes de rendement, mais il précise que « ces études ne sont souvent ni publiées dans une revue à comité de lecture, ni indépendantes du financement des fabricants de pesticides ».[ix]
L’utilisation généralisée des traitements de semences à base de néonicotinoïdes à titre prophylactique, indépendamment de la pression exercée par les insectes, agit également comme un mécanisme de sélection évolutive, en tuant les insectes sensibles tout en favorisant la croissance des populations résistantes. Ce phénomène a déjà été observé dans les populations d’altises du canola, où les chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada ont constaté une évolution vers une souche plus résistante.[x]
Existe-t-il des alternatives au traitement des semences par les néonicotinoïdes ?
Outre le fait qu’elle n’apporte aucun avantage aux fermières, l’utilisation prophylactique des traitements de semences à base de néonicotinoïdes décourage également les fermières d’utiliser des pratiques agricoles qui protègeraient mieux les abeilles. En Ontario, le MAAO a déjà identifié d’autres moyens de lutte contre de nombreux ravageurs ciblés par les traitements de semences à base de néonicotinoïdes et, souvent, les solutions de rechange proposées permettent de mieux lutter contre ces ravageurs. Par exemple, Greg Stewart et Tracey Baute ont déclaré dans leur présentation au forum du groupe de travail sur la santé des abeilles de l’Ontario que les hybrides de maïs Bt sont plus efficaces pour lutter contre la chrysomèle des racines du maïs et que les hybrides Bt sont disponibles pour pratiquement tous les scénarios de culture. En outre, la chrysomèle des racines du maïs est principalement un problème lorsque le maïs est cultivé sur du maïs.[xi]
Tracey Baute encourage les fermières « à revenir à la lutte intégrée et à choisir d’utiliser des semences non traitées aux insecticides dans les champs qui n’ont pas d’antécédents en matière de parasites. »[xii] Le rapport du Center for Food Safety indique que « l’adoption généralisée des néonicotinoïdes pour le traitement des semences a conduit à l’abandon de la lutte intégrée contre les parasites (IPM) »[xiii] et que « l’utilisation des néonicotinoïdes en tant que mesure de lutte prophylactique ne se justifie souvent pas d’un point de vue économique, car le coût du traitement tend à dépasser celui des autres options de lutte qui peuvent être utilisées lorsque les ravageurs atteignent des niveaux économiques ».[xiv]
L’utilisation généralisée de traitements de semences à base de néonicotinoïdes sur de vastes superficies de cultures de plein champ ne met pas seulement en danger la santé de pollinisateurs essentiels, elle décourage également les fermiers d’utiliser des pratiques plus respectueuses des pollinisateurs, telles que la lutte intégrée contre les parasites, et contribue à la sélection évolutive d’insectes résistants.
Impact sur les abeilles et la biodiversité
Les néonicotinoïdes présentent un risque aigu et chronique pour presque tous les types d’insectes, qu’ils soient nuisibles ou utiles. Les effets sublétaux des néonicotinoïdes sur les abeilles comprennent des troubles de la navigation, une réduction de la capacité à récolter du pollen et une diminution de la ponte. Les recherches menées par Dave Goulson de l’université du Sussex, au Royaume-Uni, indiquent qu’il est « récemment devenu évident que l’exposition des abeilles à ces composés [neonicotinoid] a des effets subtils mais importants sur le comportement individuel, des effets qui ne sont pas révélés par les tests de sécurité utilisés par les organismes de réglementation pour évaluer l’impact des produits agrochimiques sur les abeilles… Ils peuvent également avoir des effets plus larges sur la biodiversité des terres agricoles qui n’ont pas encore été étudiés de manière adéquate ».[xv]
Les néonicotinoïdes affectent aussi bien les vertébrés que les insectes. Dans un rapport de mars 2013, l’American Bird Conservancy a déclaré que « moins d’une graine de maïs par jour traitée avec l’un des insecticides néonicotinoïdes suffit à provoquer des anomalies de la reproduction ».[xvi] Les néonicotinoïdes sont relativement persistants dans l’environnement et restent dans le sol et l’eau pendant des périodes plus ou moins longues, ce qui peut avoir un impact sur les écosystèmes aquatiques et autres. Christy Morrisssey, biologiste à l’université de la Saskatchewan, explique que « ces dernières années, les néonicotinoïdes ont été de plus en plus utilisés sur les cultures dans l’ouest du Canada et le produit chimique se retrouve dans les zones humides, ce qui pourrait avoir un effet domino dévastateur sur les insectes et les oiseaux qui en dépendent ».[xvii] Elle explique que les populations d’oiseaux et d’insectes sont en déclin et que son équipe tente de comprendre comment tous les éléments, y compris l’utilisation sans précédent de traitements de semences à base de néonicotinoïdes, s’imbriquent les uns dans les autres.[xviii]
L’heure est à la précaution
L’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a conclu en septembre 2013 que les traitements de semences à base de néonicotinoïdes étaient un facteur important de la mortalité aiguë des abeilles en Ontario et au Québec en 2012 et 2013.[xix] Comme indiqué ci-dessus, il est prouvé que ces pesticides ont des effets chroniques sublétaux sur les abeilles et des effets néfastes sur d’autres organismes. Puisqu’il est clair que l’utilisation prophylactique généralisée des néonicotinoïdes pour le traitement des semences dans les grandes cultures cause maintenant des dommages irréversibles à la biodiversité des écosystèmes agricoles et naturels au Canada, il est temps d’invoquer le principe de précaution en ce qui concerne la réglementation et l’utilisation des néonicotinoïdes.
Le principe de précaution invite les autorités publiques à agir pour prévenir les dommages irréversibles lorsqu’il est en leur pouvoir de le faire, même en l’absence de certitude scientifique absolue. Le Canada a adhéré à ce principe par le biais de plusieurs traités internationaux, notamment la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED) de 1992, également connue sous le nom de Sommet de la Terre de Rio.[xx]mais a plutôt tendance à réglementer dans une optique de gestion des risques/coût-bénéfice. En utilisant l’approche de la gestion des risques, Santé Canada a essentiellement permis le maintien du statu quo en cherchant à satisfaire les utilisateurs et les vendeurs d’insecticides, même si l’ARLA a conclu que leur utilisation actuelle n’était pas durable. Santé Canada n’a pas fait grand-chose pour assurer une protection adéquate des abeilles et des pollinisateurs indigènes ou de nos écosystèmes naturels et agricoles.
La principale modification exigée par l’ARLA pour la saison de plantation 2014 consiste à rendre obligatoire l’utilisation d’un produit de Bayer CropScience, Fluency Agent, comme lubrifiant dans les semoirs sous vide. Bayer CropScience vend également des traitements de semences à base de néonicotinoïdes, ce qui lui permettra de tirer profit de la vente à la fois du pesticide et du lubrifiant imposé par l’ARLA. Tracey Baute, entomologiste spécialiste des grandes cultures au MAAO, qualifie l’agent Fluency d' »outil utile mais pas de solution miracle » et estime qu’il ne permettra au mieux qu’une réduction globale de 28 % de l’émission de néonicotinoïdes lors des semis.[xxi]
L’autre recommandation majeure de l’ARLA est que les fermières suivent volontairement les meilleures pratiques de gestion (BMP) en matière d’ensemencement plus sûr. La promotion des bonnes pratiques de gestion comme solution aux dommages causés par les insecticides néonicotinoïdes met à la charge des fermières la protection des abeilles et des pollinisateurs, au lieu de faire porter la responsabilité de la disparition des abeilles aux entreprises chimiques et semencières qui encouragent l’achat et l’utilisation de néonicotinoïdes par les fermières et en tirent profit. Non seulement l’ARLA fait peser la responsabilité sur les fermières, mais les entreprises de semences font de même dans leur communication avec leurs clients fermiers. Une lettre adressée à un membre de /producteur de maïs par un semencier avec lequel il traite contient les commentaires suivants : « Nous devons également veiller à l’utilisation correcte de la technologie… assurez-vous de respecter les meilleures pratiques de gestion et les instructions figurant sur l’étiquette ».[xxii] La lettre ne mentionne pas les semences non traitées avec des néonicotinoïdes. D’autres membres de qui souhaitent protéger les abeilles, les pollinisateurs ou les oiseaux, ont déclaré qu’il leur était difficile d’acheter des semences pour les variétés souhaitées qui ne sont pas traitées avec des néonicotinoïdes pour la saison 2014.
Nécessité d’agir dans l’intérêt public
La biodiversité des zones agricoles est déjà menacée par les modifications du paysage agricole, notamment la perte d’habitat due à la suppression des clôtures et à la transformation des pâturages en cultures de céréales et d’oléagineux, l’abandon des exploitations mixtes au profit d’exploitations plus spécialisées avec de plus grands champs d’une seule culture et l’utilisation continue de pesticides chimiques. Les fermiers qui choisissent de travailler plus étroitement avec la nature voient souvent leurs efforts entravés par l’influence que les entreprises agrochimiques et les semenciers veulent et peuvent exercer sur les organismes de réglementation, y compris l’ARLA, ainsi que sur les fermiers.
La première responsabilité du gouvernement canadien et des organismes de réglementation canadiens doit être d’agir dans l’intérêt du public. La réponse de Santé Canada à la conclusion de l’ARLA selon laquelle l’utilisation des traitements de semences à base de néonicotinoïdes n’était pas durable a été d’agir dans l’intérêt des entreprises agrochimiques et des semenciers. La vente et l’utilisation à grande échelle de semences traitées aux néonicotinoïdes pour les cultures de plein champ se poursuivent et les recommandations de l’ARLA visant à réduire les dommages sont si inefficaces qu’elles ne sont rien d’autre que de la poudre aux yeux.
Il est impératif, pour l’intégrité des organismes de réglementation du Canada et pour le bien-être de tous les Canadiens, que des mesures efficaces soient mises en place pour protéger véritablement les abeilles, les pollinisateurs indigènes et notre environnement. Il est temps que les décisions réglementaires concernant les pesticides soient fondées sur des recherches indépendantes, menées par des tiers et financées par des fonds publics dans l’intérêt du public, plutôt que sur des études préparées par des entreprises chimiques plus intéressées par le profit que par la santé des abeilles et des pollinisateurs.
Recommandations de la
Ayant déjà déterminé que les traitements de semences de maïs et de soja à base de néonicotinoïdes en Ontario et au Québec ont été le principal facteur de mortalité des abeilles en 2012 et 2013, et que « les pratiques agricoles actuelles liées à l’utilisation de semences de maïs et de soja traitées aux néonicotinoïdes ne sont pas durables »[xxiii]Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts doit recommander à Santé Canada de prendre des mesures immédiates pour protéger les abeilles et les pollinisateurs.
L’utilisation généralisée de semences traitées aux néonicotinoïdes, fondée sur la crainte de problèmes potentiels, ne peut plus durer. L’utilisation prophylactique de semences traitées aux néonicotinoïdes sur la quasi-totalité des surfaces de maïs et de soja de l’Ontario a déjà conduit à une surutilisation de l’insecticide, même si le MAAO recommande d’autres stratégies, parfois meilleures, que les fermières peuvent utiliser pour lutter contre les ravageurs ciblés et même si très peu (ou pas du tout) d’études indépendantes, évaluées par des pairs, montrent que l’utilisation prophylactique de traitements de semences dans les grandes cultures a des effets bénéfiques sur les rendements.
Le site estime que pour protéger les abeilles et les pollinisateurs qui sont essentiels à la production d’une grande variété d’aliments et à la biodiversité de nos écosystèmes agricoles et naturels, un moratoire immédiat doit être mis en place sur l’utilisation des néonictinoïdes en tant que traitements de semences dans les cultures de plein champ. Nos recommandations détaillées sont les suivantes :
1. Imposer un moratoire de cinq ans sur l’utilisation des traitements de semences à base de néonicotinoïdes pour toutes les grandes cultures ;
2. Si nécessaire, commencer par un moratoire de cinq ans sur l’utilisation des traitements de semences à base de néonicotinoïdes sur le maïs et le soja en Ontario et au Québec ;
3. Demander à Santé Canada d’annoncer le moratoire dès que possible afin qu’il puisse entrer en vigueur le 1er janvier 2015 ;
4. Permettre aux fermiers de demander l’utilisation unique d’un traitement de semences à base de néonicotinoïdes uniquement s’ils peuvent (1) démontrer, au moyen d’une analyse du sol ou d’un programme de surveillance, que leur culture sera menacée par la pression exercée par les organismes nuisibles et (2) démontrer qu’il n’existe pas d’autres possibilités de lutte ;
5. Exiger qu’un permis soit soumis pour l’achat de traitements de semences à base de néonicotinoïdes, que les traitements de semences soient achetés séparément des semences et que le coût des semences et du traitement soit indiqué séparément lorsque des applications à usage unique sont approuvées ;
6. Surveiller les demandes approuvées d’utilisation unique et publier une liste des « points chauds » où un nombre important de fermières ont demandé à utiliser des traitements de semences à base de néonicotinoïdes ;
7. Évaluer et mettre en œuvre des programmes de lutte intégrée contre les ravageurs (IPM) gérés dans l’intérêt du public et conçus pour bénéficier aux fermières et aux écosystèmes naturels et agricoles ;
8. Dans l’intérêt public, rechercher et promouvoir largement des pratiques agricoles alternatives et écologiques qui ne dépendent pas de l’utilisation de pesticides chimiques. Il s’agirait d’options telles que des rotations de cultures plus diversifiées et plus longues et une utilisation accrue des cultures de couverture ;
9. Entreprendre, dans l’intérêt du public, des essais indépendants sur le terrain, financés par des fonds publics, afin d’évaluer les rendements des cultures de plein champ, y compris les rendements du maïs, du soja, du canola et du blé, produits avec et sans traitement des semences aux néonicotinoïdes, avec d’autres agents chimiques de lutte contre les ravageurs et avec des solutions de remplacement non chimiques ;
10. Financer publiquement des programmes de surveillance des sols ainsi que des sources d’eau de surface et souterraines afin de déterminer les niveaux résiduels de néonicotinoïdes avant et après la mise en œuvre du moratoire ;
11. Financer publiquement des programmes de surveillance et de diffusion des données sur les populations d’abeilles et d’autres pollinisateurs avant et après la mise en œuvre d’un moratoire ;
12. Lancer et soutenir des initiatives visant à créer et à maintenir des zones naturelles dans les zones agricoles afin d’accroître la biodiversité dans le paysage et de fournir un habitat aux abeilles et aux pollinisateurs indigènes ;
13. Indemniser les apiculteurs pour les pertes causées par l’empoisonnement aux pesticides à partir de 2012 et poursuivre cette indemnisation jusqu’à ce que les traitements de semences à base de néonicotinoïdes aient été retirés du marché.
Merci au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts pour son examen approfondi de l’importance des abeilles et de leur santé dans la production de miel, d’aliments et de semences au Canada. Nous espérons que votre rapport final répondra à la nécessité pour les organismes de réglementation du Canada d’agir dans l’intérêt public pour protéger les abeilles et les pollinisateurs indigènes et pour assurer le bien-être de tous les Canadiens et de l’environnement dans lequel nous vivons tous.
Respectueusement soumis par le , le 1er mai 2014
[i] Santé Canada, Évaluation de la mortalité des abeilles canadiennes en 2013 liée aux pesticides néonicotinoïdes, rapport provisoire en date du 26 septembre 2013.
[ii] Ibid.
[iii] Phair, John, « Bee kills present complex research puzzle », Ontario Farmer. Le 22 avril 2014. p. 16, 17 B
[iv] Phair, Ibid
[v] Superficies cultivées calculées à partir des données du recensement de 2011 « Statistical Summary of Ontario Agriculture », consulté à l’adresse www.omafra.gov.on/english/stats/agriculture-summary.htm#farm le 26 avril 2014.
[vi] Stewart, Greg, Corn Industry-Program Lead, MAAARO et ARM Guelph, et Tracey Baute, Field Crop Entomologist-Program Lead, MAAARO et ARM Ridgetown, « Neonicotinoids and Field Crop Production in Ontario » présentation au forum du groupe de travail sur la santé des abeilles de l’Ontario, 19 août 2013, consulté à l’adresse www.omafra.gov.on.ca/english/about/beehealthpresentations.htm.
[vii]Baute Tracey, « Using Fungicide-Only Treated Seed and Following IPM », CROP TALK, Volume 13, Issue 3, September, 2013.
[viii] Stevens, Sarah et Peter Jenkins, « Heavy Costs Weighing the Value of Neonicotinoid Insecticides in Agriculture », Center for Food Safety, mars 2014. p. 4.
[ix] Stevens, Ibid.
[x] « Earlier seeding dates may lower neonicotinoid effectiveness in flea beetles », Western Producer, 9 mai 2013.
[xi] Stewart et Baute, Ibid.
[xii]Baute, Tracey, Ibid.
[xiii] Stevens, p. 16
[xiv] Stevens, p. 4
[xv] Goulson, Dave, Sussex University, U.K. in2nd International Conference on Pollinator Biology, Health and Policy, August 14-17, 2013, Center for Pollinator Research, Pennsylvania State University. p. 15
[xvi] Mineau, Dr. Pierre et Cynthia Palmer, « The Impact of the Nation’s Most Widely Used Insecticides on Birds », American Bird Conservancy, mars 2013. p. 66
[xvii] Leo, Geoff, » Pesticide ‘contaminating’ Prairie wetlands : scientist « , CBC News, posté le 06 janvier 2014, consulté sur www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan-contamination-prairie-wetlands-scientist-1.2482082.
[xviii] Ibid.
[xix] Santé Canada, Ibid.
[xx] Principe n° 15 de la déclaration de Rio, Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED), 1992. Le principe n° 15 stipule : « Afin de protéger l’environnement, l’approche de précaution doit être largement appliquée par les États en fonction de leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement. » www.unep.org/documents.multilingual/default.asp?documentid=78&articleid=1163
[xxi] Phair, Ibid.
[xxii] Baute, Dave, président de Maizex Seeds, Tilbury, dans une lettre du 14 février 2014 adressée à membre/producteur de maïs en Ontario.
[xxiii] Santé Canada, Ibid.