Op Ed : La santé mentale des fermières a des racines économiques
Charlottetown, PEI
Le ministre de l’agriculture de l’île, Bloyce Thompson, a déclaré la semaine dernière que de plus en plus de fermières de l’île demandent un soutien en matière de santé mentale dans le cadre du programme d’aide aux fermières de l’île. Il a indiqué que le nombre d’appels en 2019 était de 140, et qu’il passerait à 293 en 2020. Le ministre Thompson a déclaré que la traversée d’un été chaud et sec pendant la pandémie de COVID-19 a été difficile pour les fermières.
La Nationale des Fermiers ne sous-estime pas un seul instant l’impact de l’été sec passé, mais nous soutenons que la réalité de la spirale descendante de la santé mentale des fermiers insulaires et canadiens est plus profondément enracinée que dans un été de sécheresse. Les tensions sous-jacentes s’accumulent depuis des décennies. Elles se manifestent aujourd’hui par une réalité brutale : les modèles économiques et agricoles qui ont été vendus et achetés aux fermières comme une voie vers le progrès sont en train d’échouer pour la majorité des exploitations familiales.
Les fermières ont payé le prix des politiciens et bureaucrates fédéraux qui se sont débarrassés de leurs marchés intérieurs dans le cadre d’accords commerciaux. Et ce n’est pas fini. Les Américains, qui ne veulent pas résoudre leurs propres problèmes dans leur industrie laitière, tentent à nouveau de s’emparer d’une plus grande partie du marché intérieur canadien des produits laitiers. Et il est difficile, tout en produisant du lait à perte, de continuer à croire le gouvernement qui affirme soutenir la gestion de l’offre. Les fermières ont vécu la destruction de la Commission canadienne du blé par le gouvernement fédéral, et la liste est encore longue, grâce à l’idéologie néolibérale qui prône le capitalisme de libre marché et la déréglementation au profit d’une petite minorité.
Et puis il y a la théorie des économies d’échelle qui a conduit de nombreux fermiers à la faillite, et d’autres à s’endetter lourdement alors qu’ils travaillent encore plus dur pour produire plus pour moins cher. Il en résulte une augmentation de la richesse des entreprises de transformation, ainsi que la possibilité de dicter à un fermier la manière dont il va cultiver sa récolte et le prix qu’il recevra pour celle-ci. L’exemple de l’Île-du-Prince-Édouard est tellement répandu qu’il n’a même pas besoin d’être nommé.
En vertu du modèle des économies d’échelle, les transformateurs ont largement profité du fait qu’ils obtiennent plus pour moins, et la propriété foncière se concentre de plus en plus entre les mains d’un nombre réduit d’exploitations industrialisées. Pourtant, les coûts pour les fermières continuent de grimper alors que les marges sont de plus en plus étroites.
Le changement climatique est réel et bien qu’il soit dans la nature humaine de lutter contre le changement, nous devons le faire ou rejoindre les espèces en voie de disparition. Ce n’est pas en continuant à faire la même chose que nous serons sauvés.
Oui, la santé mentale des fermières est fragile, et il est bon qu’elles soient nombreuses à demander de l’aide. Ce faisant, ils ont dépassé la croyance selon laquelle leur stress est dû en grande partie à leur échec personnel. Les fermières sont résistantes, mais il arrive un moment où le cœur ne peut plus gouverner et où l’émotion doit être remplacée par la logique selon laquelle le système dans lequel les aliments sont produits dans ce pays est de plus en plus brisé et injuste chaque jour qui passe. Les fermières doivent s’unir pour éclairer leur propre avenir.
Les fermières de l’Île-du-Prince-Édouard et du Canada ont besoin de bien plus de la part de nos gouvernements et de nos organisations agricoles que de se faire dire que c’est une bonne chose de demander de l’aide. Nous avons besoin d’un véritable leadership et d’une réflexion prospective qui comprennent la valeur d’un pays capable de se nourrir lui-même, et que la production d’aliments de bonne qualité nutritionnelle et abordables appartient aux exploitations agricoles familiales, et non aux fonds d’investissement, aux entreprises de transformation avides de contrôle, ou au 1% qui s’enrichit grâce à des politiques gouvernementales qui leur permettent de se soustraire à leurs obligations en matière de partage des ressources et de construction d’une société inclusive pour tout le monde.
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