La recherche de boucs émissaires n’est pas la solution au problème des verrues de la pomme de terre
Blâmer quelqu’un ou quelque chose pour les méfaits, les erreurs ou les fautes d’autrui par commodité est une tactique ancienne. La désignation de boucs émissaires est utilisée pour détourner l’attention des gens des véritables objectifs des acteurs et pour couvrir les erreurs de ceux qui n’ont pas empêché ces objectifs de devenir réalité.
La crise de l’industrie de la pomme de terre à l’Île-du-Prince-Édouard semble être un véritable bouc émissaire. L’Agence canadienne d’inspection des aliments est devenue le bouc émissaire numéro un accusé de la souffrance infligée aux producteurs de semences de pommes de terre et aux fermiers de table, ce qui a un impact considérable sur l’économie de l’île. Jusqu’à un certain point, elle détourne l’attention des autres acteurs dont les actions ont contribué à la crise.
L’UNF ne pense pas que l’ACIA soit exempte de toute faute, mais elle n’est pas la principale responsable. Le mandat de l’ACIA est de “protéger les aliments, les animaux et les plantes, afin d’améliorer la santé et le bien-être de la population, de l’environnement et de l’économie du Canada”. Depuis la fermeture de la frontière américaine, toutes les personnes concernées ont déclaré : “Les données scientifiques sont fiables. La science est là.” Pour l’essentiel, ces données scientifiques proviennent de l’ACIA. Ainsi, à un moment donné, l’ACIA a fourni d’excellents résultats scientifiques et, à un autre moment, elle a outrepassé ses compétences. L’utilisation du mot “infestation” suscite l’indignation. En discutant avec les parties concernées, nous comprenons que le terme scientifique a été utilisé en raison du nombre d’acres liés aux opérations d’Irving et de Cavendish Farms. Compte tenu du mode de transmission de la galle verruqueuse, n’aurait-il pas été irresponsable d’agir autrement puisque le mandat de l’ACIA stipule que “la prospérité économique actuelle et future des secteurs canadiens de l’agriculture et de la foresterie repose sur une base saine et durable de ressources animales et végétales” ? Il semble que les scientifiques de l’ACIA essaient de remplir leur mandat.
Il est important de rappeler qui est le maître de l’ACIA. Il est dirigé par le ministre fédéral de l’agriculture et de l’agroalimentaire et le ministre de la santé. Le monde politique est soumis à la pression des lobbyistes des entreprises et de l’industrie. C’est un secret de polichinelle que l’industrie de la pomme de terre de l’Île-du-Prince-Édouard est hautement politique.
Il convient de rappeler que le plan de gestion issu de la découverte en 2000 de la galle verruqueuse de la pomme de terre dans deux champs de Cavendish n’est pas uniquement le fruit du travail de l’ACIA. Le Conseil de la pomme de terre de l’Î.-P.-É. et la province ont été impliqués. Le ministre fédéral de l’agriculture a souligné que c’est le gouvernement de l’île qui a le contrôle de la gestion des terres. Pourquoi ces champs n’ont-ils pas été déboisés comme l’avait annoncé le ministre provincial de l’agriculture de l’époque, Mitch Murphy ? Pourquoi le protocole néerlandais n’a-t-il pas été respecté ? Sur deux champs, pourquoi a-t-on pris le risque de donner aux partenaires commerciaux une raison de fermer les marchés aux semences et aux produits de table de l’Île-du-Prince-Édouard ?
Une autre question importante est la suivante : avec les décisions prises en 2000, pourquoi les intérêts du secteur de la transformation ont-ils apparemment été privilégiés par rapport à notre industrie de semences de pommes de terre de classe mondiale, établie de longue date ? Aujourd’hui plus que jamais, alors que le changement climatique accroît les risques pour la santé des plantes, il est nécessaire que des producteurs de semences indépendants et éthiques travaillent en étroite collaboration avec les chercheurs du gouvernement pour garantir des semences viables et accessibles à l’avenir. Au lieu de cela, nous nous dirigeons peut-être vers un contrôle des semences par les entreprises. Pourquoi les intérêts du secteur de la transformation ont-ils apparemment été privilégiés par rapport à ceux de notre industrie des produits de table, qui fournit des aliments hautement nutritifs et bon marché à tant de personnes dans le monde ? Peut-on légitimement nier que cela a été le cas ? On se dit très surpris que cette fermeture ait eu lieu parce que la science est là. Ce qui est peut-être le plus étonnant, c’est qu’il ait fallu attendre aussi longtemps pour que cela se produise. L’ACIA a peut-être fait gagner 20 ans à l’industrie.
Le gouvernement provincial crie à l’injustice face à cette crise. La frontière ne doit pas être fermée. Il s’agit de protectionnisme commercial. La science est là. Ils n’ont pas tort. Les fermières laitières savent très bien que leur secteur est un ballon de football dans le jeu commercial. Mais de nombreux gouvernements de l’île ont joué un rôle dans la crise actuelle. En refusant de soutenir la loi sur la protection des terres, ils ont permis au transformateur, qui n’aurait dû disposer que de dix acres pour ses parcelles d’essai, de posséder des milliers d’acres et de dominer le secteur de la transformation et de la pomme de terre de l’île.
Il s’agit d’une crise coûteuse, et ce ne sont pas les bonnes personnes qui paieront la facture. L’importance des secteurs des semences et des produits de table dans l’industrie semble désormais évidente, comme cela aurait dû l’être depuis toujours. L’ACIA est probablement la partie la moins coupable dans la création de cette crise. Espérons que d’autres informations seront révélées dans les jours à venir.
Douglas Campbell, directeur de district
Nationale des Fermiers, District 1, Région 1 (PEI)