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La renégociation de l’ALENA ouvre la voie à une nouvelle attaque des États-Unis contre le cadre de classement du blé canadien

Les articles de la presse agricole sur la renégociation imminente de l’ALENA ont placé la gestion de l’offre sous les feux de la rampe ces dernières semaines. Nous avons beaucoup moins entendu parler de l’objectif des États-Unis visant à ce que le Canada modifie son système de classement des céréales dans le cadre de la renégociation de l’accord commercial.

Sous l’administration Obama, le représentant américain au commerce (USTR) a identifié le système de classement des céréales du Canada comme un problème commercial. En mars 2017, le rapport annuel de l’USTR sur les obstacles au commerce extérieur a ciblé la loi sur les céréales du Canada et la loi sur les semences, affirmant que les États-Unis continueront à faire pression sur le gouvernement canadien pour qu’il modifie ces lois, ainsi que notre système d’enregistrement des variétés, afin de permettre aux céréales cultivées aux États-Unis d’être classées et traitées par notre système comme s’il s’agissait de céréales canadiennes.

Le 25 avril 2017, le sénateur du Montana John Tester a proposé une résolution appelant à des changements dans les pratiques de classement du blé au Canada. Les deux principaux groupes de pression américains du secteur du blé, la National Association of Wheat Growers et US Wheat Associates, ont également demandé à leur gouvernement de faire pression sur le Canada pour qu’il traite le blé américain de la même manière que le blé cultivé au Canada, afin d’augmenter les exportations américaines vers le Canada. US Wheat Associates souhaite que le blé cultivé aux États-Unis ait pleinement accès aux silos et au système de transport du Canada en mettant fin à la ségrégation du blé cultivé aux États-Unis. Le registre fédéral des lobbyistes du Canada indique que US Wheat Associates’ a rencontré la CCG pour demander des amendements à la loi sur les grains du Canada concernant la classification du blé.

Actuellement, les céréales produites aux États-Unis peuvent être vendues au Canada à des acheteurs canadiens sur la base de spécifications contractuelles. Dans notre système de manutention des produits de base, toute céréale cultivée en dehors du Canada doit être identifiée comme « céréale étrangère » et se voit attribuer le grade le plus bas. Tout envoi à l’exportation contenant des céréales cultivées aux États-Unis doit être étiqueté comme étant un mélange de céréales canadiennes et étrangères. Par conséquent, les sociétés céréalières séparent le blé cultivé aux États-Unis du blé canadien dans notre système de manutention des céréales.Valeur des importations et des exportations canadiennes de blé, 1994-2016

Le Canada est l’un des principaux exportateurs de blé au monde. Malgré cela, nous avons toujours importé de petites quantités de blé, la plupart en provenance des États-Unis. La ligne en pointillé au bas du graphique 1 indique les importations totales de blé du Canada. Ils sont à peine comptabilisés par rapport à nos exportations. Ce n’est donc pas notre système de classement des grains qui limite l’expansion des exportations de blé américain vers le Canada, mais le fait que la demande de blé importé est très faible. Les fermières canadiennes produisent beaucoup plus de blé que notre population ne peut en consommer.

La volonté déclarée d’accroître le volume des exportations de blé américain vers le Canada n’est pas une raison crédible pour exiger l’accès à notre système de classement. Toutefois, les multinationales céréalières qui soutiennent le lobby américain du blé auraient tout intérêt à démanteler notre système de classement de la CCG et à vendre tout le blé sur la base de spécifications plutôt que par classe et par grade. La différenciation entre le blé canadien et le blé américain disparaîtrait, ce qui permettrait aux entreprises céréalières de s’approvisionner en blé n’importe où en se basant uniquement sur le prix et de gagner de l’argent sur le volume des ventes plutôt que sur le prix de la qualité.

L’élimination du système de classement de la CCG simplifierait les transactions des sociétés céréalières, réduirait les coûts et augmenterait les profits de ces sociétés au détriment des fermières et des consommateurs.

L’autorité de la Commission canadienne des grains en matière de gestion et d’application du système de classement des grains constitue un contrepoids efficace et nécessaire qui protège les intérêts des fermières face au pouvoir de marché écrasant exercé par les sociétés céréalières. Les sociétés américaines ADM, Bunge, Cargill et Louis-Dreyfus contrôlent plus de 70 % du commerce mondial des céréales, tandis que la société suisse Glencore Xtrata, propriétaire de Viterra, et le géant chinois Cofco sont les principaux acteurs des 30 % restants du marché. Dans les mois à venir, nous devrons probablement faire appel à notre gouvernement pour sauvegarder notre système de classement des céréales et notre gestion de l’offre dans le cadre du processus de renégociation de l’ALENA.