Dans ce numéro :
- “Qu’ils mangent du béton” Les fermières de l’Ontario en ont assez des cadeaux de la Ceinture de verdure.
- Les fermiers s’unissent pour faire échec à la modification injuste des normes de classement par la Commission canadienne des grains (CCG)
- Solidarité de l’UNF avec le Mexique dans le différend commercial sur le maïs génétiquement modifié
- La fusion Bunge-Viterra a des conséquences dramatiques pour les fermières canadiennes
“Qu’ils mangent du béton ! Les fermières de l’Ontario en ont assez des cadeaux de la Ceinture de verdure
Par Max Hansgen, président de l’UNF-O
Le gouvernement de l’Ontario retarde la construction de logements abordables en doublant le scandale de la ceinture verte et en accordant à encore plus de promoteurs le pouvoir de paver les terres dont les fermières ont besoin pour produire de la nourriture pour les habitants de cette province.
Pour ce gouvernement, ce sont les promoteurs d’abord et les fermiere, les mangeurs et les pauvres en dernier.
Les membres de la Nationale des Fermiers – Ontario (UNF-O) en ont assez de l’argument selon lequel le manque de terres serait la cause de la crise du logement. L’inaction des gouvernements successifs – y compris le gouvernement actuel – pour empêcher la spéculation sur les terres agricoles et les logements, encourager la densité municipale, construire des logements publics et imposer des objectifs de logements abordables aux promoteurs est la véritable raison pour laquelle tant d’Ontariens ne peuvent pas accéder à des logements abordables.
Les fermières et les travailleurs agricoles n’ont pas seulement été affectés par la flambée des coûts du logement, ils ont également subi le poids de la spéculation des promoteurs qui a fait grimper le prix des terres agricoles. Nous avons vu des exploitations voisines disparaître du paysage agricole à raison de 319 acres par jour. La spéculation sur les terres agricoles menace les systèmes alimentaires locaux durables et a mis la propriété agricole hors de portée de la prochaine génération de fermiers.
Au lieu d’écouter les fermiers, les dirigeants autochtones, les citoyens concernés, le groupe de travail sur le logement abordable (dont faisait partie l’ancien dirigeant conservateur, Tim Hudak), l’auditeur général et le commissaire à l’intégrité – qui ont tous contesté la nécessité d’un développement tentaculaire sur des terres agricoles et écologiquement sensibles – le gouvernement Ford insiste aujourd’hui sur le fait que son cadeau de 8,3 milliards de dollars aux promoteurs n’était pas suffisant. Au lieu de restituer les 7 400 acres arrachés à la ceinture verte, ils ont décidé que d’autres promoteurs aux poches pleines méritaient eux aussi une aumône.
Quant aux Ontariens moyens qui travaillent dur et dont ce gouvernement se préoccupe apparemment tant ? En reprenant la célèbre phrase attribuée à Marie-Antoinette, Ford pourrait tout aussi bien dire “qu’ils mangent du béton”.
Nous sommes en désaccord avec Paul Calandra, le nouveau ministre du logement de l’Ontario : ce gouvernement s’est montré incapable d’élaborer un plan viable pour construire 1,5 million de logements tout en respectant notre patrimoine naturel et nos terres agricoles limitées.
Comme l’a déclaré le ministère de l’agriculture, de l’alimentation et des affaires rurales à l’auditeur général, les terres déjà retirées de la ceinture verte “auront des effets négatifs importants sur l’agriculture”. Et tandis que le gouvernement s’engage dans un nouveau processus douteux de suppression de terres de la ceinture verte, les propriétés situées dans des limites municipales préexistantes restent inactives, dans l’attente d’un gouvernement compétent qui sache faire ce qu’il faut.
Nous rejetons le projet d’abandon de la ceinture verte, qui consiste à s’approprier des ressources rares et des travailleurs qualifiés du secteur de la construction pour construire des zones d’étalement urbain irréalisables au lieu de communautés vivables.
Modifier un processus corrompu n’est pas faire preuve de responsabilité et approuver un développement tentaculaire n’est ni abordable ni durable.
Un plan viable pour faire face à la crise du logement se concentrerait sur la construction de logements abordables là où les gens travaillent et où l’infrastructure communautaire existe déjà.
L’UNF-O demande au gouvernement de restituer les 7 400 acres de terres de la Ceinture de verdure et de mettre fin à tout processus qui érode les protections de la Ceinture de verdure ou qui menace les exploitations agricoles de la province.
- Publié à l’origine dans le Toronto Star, le dimanche 10 septembre 2023
Les fermiers s’unissent pour faire échec à la modification injuste des normes de classement par la Commission canadienne des grains (CCG)
Le 26 juillet 2023, la Nationale des Fermiers et la Wheat Growers Association (anciennement appelée Western Canadian Wheat Growers Association) ont adressé une lettre commune au ministre fédéral de l’Agriculture MacAulay, nouvellement nommé. Nous avons demandé que des mesures soient prises pour annuler la modification imminente par la Commission canadienne des grains des normes de classement des grains dans les silos de collecte, qui aurait “harmonisé” les normes primaires et les normes d’exportation pour le blé à compter du 1er août 2023. Notre lettre fait suite à une déclaration conjointe de la Saskatchewan Wheat Development Commission (SaskWheat) et de l’Agricultural Producers Association of Saskatchewan (APAS), qui s’opposaient également à cette décision. Le 27 juillet, la CCG a annoncé qu’elle revenait sur sa décision. Il ne fait aucun doute que cela est dû à la forte démonstration d’unité de l’ensemble du spectre politique dans le pays agricole.
Si le changement avait eu lieu, l’impact négatif sur les revenus des fermières aurait été massif. Les céréales qui répondaient aux normes existantes auraient reçu une note inférieure, ce qui aurait permis aux entreprises céréalières d’augmenter considérablement leurs marges en payant le blé moins cher.
Lorsqu’un fermier apporte du blé au silo, plusieurs mesures différentes (facteurs de classement) déterminent son grade. Il s’agit notamment du poids du boisseau, du nombre de grains de blé d’autres classes, du total des matières étrangères, etc. Les grains livrés doivent être conformes ou supérieurs aux spécifications de chaque facteur de classement pour recevoir un grade au silo. Les catégories supérieures obtiennent des prix plus élevés. En raison des variations des conditions de croissance, et donc de la qualité des récoltes de blé dans les Prairies, les sociétés céréalières ont la capacité de mélanger les livraisons nationales pour s’assurer que la norme d’exportation est respectée lorsqu’elles assemblent les cargaisons dans leurs terminaux portuaires. Ainsi, le fait d’avoir des repères pour les grades des silos de collecte légèrement inférieurs aux grades d’exportation officiels ne compromet pas les normes de qualité du blé en vrac lorsqu’il est chargé sur des navires pour l’exportation. La tentative de la CCG d’imposer des normes d’exportation aux silos de collecte aurait permis aux sociétés céréalières de tirer tous les avantages économiques du mélange des cargaisons dans les Prairies en payant moins cher pour la même qualité de grain. Cela n’aurait pas eu d’affect sur la qualité des cargaisons exportées – les compagnies céréalières auraient simplement gagné des millions de dollars aux dépens des fermières.
La loi sur les grains du Canada charge la CCG de réglementer dans l’intérêt des producteurs de grains. La CCG était prête à modifier les normes de classement contrairement à son mandat et malgré l’opposition de la quasi-totalité des producteurs – des fermiers qui prennent le temps de s’absenter de leur exploitation pour donner leur avis au nom des agriculteurs des Prairies – siégeant au Comité des normes de l’Ouest de la CCG. La CCG était prête à procéder à ce changement même si elle n’a pas été en mesure de fournir une analyse historique des coûts et des avantages de ce changement pour les producteurs ou les manutentionnaires de céréales.
Cette situation illustre l’importance du mandat actuel de la CCG et la nécessité pour les fermières d’être vigilantes et organisées pour défendre leurs propres intérêts lorsque les régulateurs sont indûment influencés par les sociétés agro-industrielles. Les fermières doivent se souvenir de cet incident qui a coûté plusieurs millions de dollars si des amendements à la loi sur les grains du Canada sont introduits au Parlement. L’UNF sera prête à défendre le mandat actuel de la CCG et à exiger que toute modification de la loi profite aux fermières.
Solidarité de l’UNF avec le Mexique dans le différend commercial sur le maïs génétiquement modifié
Par Cathy Holtslander, directrice de la recherche et de la politique de l’UNF
Le 8 juin, puis le 23 août 2023, Jenn Pfenning, présidente de l’UNF, a écrit à l’honorable Mary Ng, ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique, pour l’exhorter à maintenir le Canada en dehors du différend commercial de l’ACEUM initié par les États-Unis, qui cherchent à annuler la décision du Mexique d’interdire les importations de maïs blanc génétiquement modifié (GM), utilisé pour la consommation humaine directe (pâte et tortillas). Nous avons demandé au ministre de respecter la décision du Mexique, dont les mesures ont été mises en place afin de préserver sa souveraineté alimentaire, y compris le système agricole traditionnel autochtone connu sous le nom de milpa. Nous avons également noté que le Canada n’exporte pas de maïs vers le Mexique et que nos fermières ne produisent pas de maïs blanc, qu’il soit génétiquement modifié ou conventionnel.
Dans son communiqué du 13 février 2023 précisant l’étendue de son interdiction, le gouvernement mexicain a déclaré (traduit) : Le Mexique est le centre d’origine de plus de 55 races de maïs. La politique de sécurité alimentaire du gouvernement mexicain consiste à préserver ce patrimoine bioculturel. Elle promeut également la préservation des pratiques agroécologiques de nos communautés paysannes, de la milpa et de la richesse de son patrimoine culinaire..
Le Mexique a également déclaré que son décret est strictement limité au maïs. Le canola, le soja, le coton et le reste des matières premières ne sont pas soumis à ce règlement ; il a indiqué qu’il n’a pas d’incidence sur le commerce ou les importations, notamment parce que le Mexique est plus qu’autosuffisant dans la production de maïs blanc sans OGM; et que le Mexique va mener des recherches scientifiques sur les effets possibles du maïs génétiquement modifié sur la santé des personnes. Ces études seront menées avec des agences sanitaires d’autres pays.
Dans les lettres de l’UNF, nous avons noté les obligations du Canada en vertu de la convention des Nations unies sur la biodiversitéLa Convention sur la diversité biologique, signée en 1992, comprend des engagements visant à mettre en place ou à maintenir des moyens de réglementer, de gérer ou de contrôler les risques associés à l’utilisation et à la libération d’organismes vivants modifiés résultant de la biotechnologie qui sont susceptibles d’avoir des effets néfastes sur l’environnement pouvant affecter la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, en tenant compte également des risques pour la santé humaine ; et à respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent des modes de vie traditionnels présentant un intérêt pour la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique, à promouvoir leur application à plus grande échelle avec l’approbation et la participation des détenteurs de ces connaissances, innovations et pratiques et à encourager le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation de ces connaissances, innovations et pratiques.
Nous avons également noté que le 21 juin 2021, la loi canadienne mettant en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est entrée en vigueur. Il serait incohérent que le Canada s’engage dans un conflit commercial pour contrer le droit du Mexique à protéger le patrimoine alimentaire et agricole des peuples indigènes.
En tant que centre d’origine du maïs, il est essentiel que le Mexique fasse tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher la perte ou la dégradation de ce patrimoine génétique et culturel. Le maïs tel que nous le connaissons a été développé par les fermières indigènes. La milpa est une pratique agricole ancestrale qui consiste à cultiver du maïs, souvent associé à d’autres cultures telles que des courges et des haricots, et qui a été développée et maintenue par les peuples indigènes du Mexique. Milpa intègre la biodiversité et des traditions sociales et culturelles d’une grande importance.
Le Canada a reconnu que ses exportations de maïs ne seraient pas affectées par l’interdiction d’importation imposée par le Mexique. La raison pour laquelle le Canada s’est joint à ce différend est de faire pression pour obtenir une interprétation du libellé de l’accord commercial de l’ACEUM qui serait favorable au secteur de la biotechnologie. Cela créerait un précédent pour cet accord et d’autres accords commerciaux qui limiteraient encore plus la capacité des nations à mettre en œuvre leurs propres décisions concernant les aliments génétiquement modifiés.
L’UNF travaille avec ses alliés au Canada, aux États-Unis et au Mexique en solidarité avec la position mexicaine. Si le Mexique l’emporte dans ce litige, cela renforcera la capacité de tous les pays à faire valoir des mesures qui soutiennent la souveraineté alimentaire et les droits des peuples autochtones.
La fusion Bunge-Viterra a des conséquences dramatiques pour les fermières canadiennes
Par Cathy Holtslander, directrice de la recherche et de la politique de l’UNF
Cinq entreprises connues sous le nom de “groupe ABCD” contrôlent 90 % du commerce mondial des céréales – et le groupe B est sur le point de devenir beaucoup plus important.
B comme Bunge, qui a annoncé qu’il était en train d’acheter Viterra. Les autres sociétés ABCD sont ArcherDaniels Midland, Cargillet Louis Dreyfus, qui dominent le commerce des céréales depuis plus d’un siècle, la société chinoise COFCOayant rejoint la liste plus récemment. L’élévation et la manutention des céréales au Canada ont été dominées par Cargill, Viterra, Richardson, Paterson et Parrish & Heimbecker du début des années 2000 jusqu’en 2015. Après que le gouvernement Harper a cédé à Bunge et à la Saudi Agricultural and Livestock Investment Company (SALIC) les actifs de l’ancienne Commission canadienne du blé, cette nouvelle société, G3, s’est hissée à la cinquième place. Viterra est une filiale du conglomérat suisse Glencore et est détenue à 40 % par l’Office d’investissement du Fonds de pension du Canada. Son siège social se trouve à Regina. L’acquisition de Viterra par Bunge lui permettrait de se hisser à la première place au Canada et à la troisième place après Cargill et COFCO sur la scène mondiale.
Viterra (qui a ses racines dans les bassins de blé des Prairies) et G3 dominent le marché du blé, tandis que Bunge domine le marché du canola, du soja et du maïs. L’entreprise fusionnée obtiendrait un pouvoir de marché massif sur les principales cultures produites et exportées par le Canada.
Jusqu’en 1997, les fermières détenaient près de 60 % du système de manutention des céréales du Canada par l’intermédiaire de leurs coopératives et, jusqu’en 2012, elles contrôlaient toutes les exportations de blé et d’orge des Prairies par l’intermédiaire de la Commission canadienne du blé, dirigée par les fermières. Avec les fermières aux commandes, les bénéfices des ventes revenaient à nos communautés rurales et étaient les moteurs de la prospérité rurale.
Lors des récentes consultations publiques sur la politique de concurrence du Canada, l’UNF a recommandé des changements visant à obliger le Bureau de la concurrence à mettre un terme aux fusions nuisibles, notamment en interdisant les fusions qui permettent à une entreprise de détenir plus de 20 % de parts de marché dans un secteur donné.
Le ratio de concentration à quatre entreprises (CR-4) correspond à la part de marché des quatre plus grandes entreprises d’un secteur. S’il est inférieur à 40 %, un secteur est considéré comme concurrentiel ; au-delà, on peut s’attendre à un comportement anticoncurrentiel, car les gains d’efficience sont considérés comme des bénéfices et utilisés pour accélérer la consolidation. Si la fusion Bunge-Viterra se concrétise, le ratio CR-4 devrait dépasser 80 % dans le secteur de la manutention des céréales au Canada.
Aujourd’hui, les fermières produisent des quantités plus importantes et des produits de plus grande valeur que jamais, mais la grande majorité de la richesse créée est accaparée par les négociants de l’ABCD et les entreprises très concentrées dans le domaine des intrants, du matériel agricole, de la finance et de la transformation des aliments. La politique de concurrence du Canada n’a pas limité leur pouvoir de marché. Les examens des fusions antérieures n’ont fait que déplacer des actifs entre des acteurs déjà puissants. L’écart croissant entre la valeur créée par les fermières et la valeur que nous recevons du marché se chiffre en milliards de dollars chaque année, accéléré par l’écart de pouvoir de marché entre les fermières et les multinationales de l’agriculture.
Compte tenu de l’échec du Bureau de la concurrence à empêcher une consolidation rapide dans le secteur des céréales et des oléagineux, l’UNF encourage le gouvernement fédéral à faire une contre-offre pour acheter Viterra et rendre ses actifs aux fermiers et aux travailleurs canadiens par le biais d’une nouvelle coopérative. Cela serait dans l’intérêt national, en assurant la sécurité alimentaire et en maintenant les recettes des exportations de céréales et d’oléagineux au sein de l’économie canadienne.
Le gouvernement fédéral a démontré sa capacité à réaliser des investissements importants en 2018 lorsqu’il a acheté le pipeline Trans Mountain, qui n’était pas encore construit, pour 4,5 milliards de dollars en 2018, et a investi environ 21,5 milliards de dollars dans la construction depuis lors. Pour seulement 8,2 milliards de dollars, le Canada pourrait posséder la huitième plus grande société de négoce de céréales au monde. Au lieu d’attendre que le Bureau de la concurrence cède des parts de Viterra, G3 et Bunge aux autres grands acteurs, le gouvernement fédéral pourrait créer une véritable concurrence dans le secteur céréalier en veillant à ce que les fermières qui produisent les denrées possèdent et contrôlent les actifs qu’elles ont créés et récupèrent le pouvoir de marché nécessaire pour sauvegarder les intérêts des fermières sur le marché international.
Pour plus d’informations, voir
L’Office d’investissement du régime de pensions du Canada achète 40 % de Glencore Agri
dans le Bulletin Politique de l’UNF de juin 2016.