Ne vous laissez pas berner par les géants de l’alimentation : l’inflation des prix alimentaires n’est pas la faute des agriculteurs.
Payer les agriculteurs à leur juste valeur n’est pas inflationniste, c’est la cupidité des entreprises qui l’est.
Les Canadiens sont mécontents de la hausse des factures d’épicerie, mais les revenus de la plupart des agriculteurs n’ont pas suivi le rythme de l’inflation. Alors, qu’est-ce qui fait grimper les prix dans les épiceries ?
De nombreuses organisations et consommateurs pointent du doigt la cupidité des entreprises comme étant la cause. Alors que les Canadiens ont dû dépenser plus pour moins depuis 2020 pour divers produits de base, l’inflation dans le secteur de l’épicerie de détail continue d’être plus élevée que dans d’autres secteurs.
Les revenus des entreprises de vente au détail de produits alimentaires ont augmenté malgré une baisse du volume des achats alimentaires des Canadiens. Les détaillants alimentaires canadiens continuent d’enregistrer des marges bénéficiaires plus élevées qu’avant la pandémie. Les détaillants alimentaires sont en mesure de tirer parti des périodes d’inflation pour augmenter leurs profits grâce à leur pouvoir de marché : cinq chaînes de supermarchés contrôlent 75 % du marché. Les consommateurs ont peu de choix, ce qui permet aux détaillants d’augmenter leurs prix sans perdre de clients.
En réponse à une étude parlementaire sur la hausse des prix des produits alimentaires, le groupe de pression des chaînes de supermarchés, le Conseil canadien du commerce de détail, a déclaré : « La hausse des coûts des aliments pour animaux, du carburant et des engrais, aggravée par les perturbations de la chaîne d’approvisionnement, les pénuries de main-d’œuvre et les événements climatiques, a été le véritable moteur de l’inflation des prix des denrées alimentaires et de la hausse des coûts. »
Si cela est vrai, les prix payés aux fermiers auraient dû augmenter plus que le taux d’inflation général. Les données compilées par l’Union nationale des fermiers montrent que ce n’est pas le cas.
Au cours des 30 dernières années, le prix de détail du pain a augmenté de 50 %, tandis que les agriculteurs canadiens n’ont pas bénéficié d’une augmentation équivalente du prix du blé qu’ils vendent aux silos. La valeur des produits agricoles a diminué par rapport à celle d’autres biens de consommation. Il faut aujourd’hui plus de boisseaux de blé qu’il y a cinquante ans pour acheter une paire de bottes de travail ou une maison. Par exemple, un modèle de base haut de gamme de camionnette équivalait à environ 2 000 boisseaux de blé en 1976. Aujourd’hui, ce camion coûterait 7 000 boisseaux à l’agriculteur.
Cette baisse de la valeur relative est également observable pour d’autres produits. Le prix de détail du bœuf haché a doublé depuis 1994, tandis que le prix payé aux fermiers pour les vaches de réforme utilisées dans la fabrication des hamburgers n’a augmenté que de 40 %. Bien que le prix payé aux fermiers pour les bœufs augmente, la hausse du prix de détail du steak continue de dépasser la croissance des prix à la production. Le prix à la production du porc par rapport au bacon et aux côtelettes de porc suit une tendance similaire. Pour toutes ces matières premières, le consommateur paie plus cher tandis que le fermier reçoit moins. Plus important encore, les marchés du bœuf et du porc sont très volatils : les prix payés aux agriculteurs ont chuté à plusieurs reprises au cours des deux dernières décennies.
Cependant, la gestion de l’offre, qui régit la production de produits laitiers, d’œufs, de poulet et de dinde, offre plus de stabilité et de meilleurs résultats tant pour les fermiers que pour les consommateurs.
Les prix de détail du lait ont augmenté plus lentement que ceux des autres produits alimentaires. Par rapport à d’autres produits comme le pain et le bœuf haché, les prix du lait n’ont augmenté que de 27 % au cours des trente dernières années. Lorsque vous achetez du lait à l’épicerie, 30 % de ce que vous payez soutient les agriculteurs canadiens – la part des agriculteurs dans le dollar dépensé par les consommateurs pour les produits laitiers est restée stable. Cela vaut également pour les œufs et le poulet, pour lesquels les femiers reçoivent également environ un tiers du prix de détail. Pour les produits soumis à la gestion de l’offre, les prix à la consommation ont augmenté plus lentement que pour les autres aliments, tandis que la part des fermiers est restée constante, même si les détaillants fixent ensuite leurs propres prix. Les agriculteurs n’ont aucun contrôle sur les prix une fois que le produit a quitté leur exploitation.
La gestion de l’offre montre qu’il est possible d’offrir une part équitable aux femiers et un prix équitable aux consommateurs. Dans le cadre de la gestion de l’offre, une formule utilisant les données d’une enquête sur la production réelle des agriculteurs est utilisée pour déterminer un prix qui couvre les coûts de production, garantissant ainsi que les agriculteurs puissent continuer à produire les denrées alimentaires dont les consommateurs canadiens ont besoin.
La discipline de production garantit que les fermiers produisent suffisamment – et pas trop – de produits en fonction de leur part du quota national. Les contrôles à l’importation permettent d’éviter que les excédents ne saturent pas le marché, ne font pas baisser les prix et n’entraînent pas du gaspillage. Chaque province dispose de sa propre part du quota national, gérée par ses propres offices de commercialisation. Cela signifie que les installations de transformation des produits laitiers, des œufs, du poulet et de la dinde sont réparties dans tout le Canada, garantissant ainsi aux consommateurs des produits locaux, quel que soit leur lieu de résidence. La haute qualité et la prévisibilité de l’approvisionnement permettent également de maintenir les coûts de transformation et de distribution à un niveau bas.
Dans les secteurs non soumis à la gestion de l’offre, les prix ne sont pas déterminés par leur coût de production. Les négociants achètent aux agriculteurs au prix le plus bas possible. Comme les agriculteurs individuels n’ont pas de pouvoir de négociation, ils sont exposés au pouvoir de marché des grandes entreprises. Ces dernières maintiennent les prix des matières premières à un niveau bas afin de préserver leurs profits. Les producteurs de céréales, de bœuf et de porc sont à la merci des stratégies de maximisation des marges « acheter bas – vendre haut » des négociants en matières premières. L’augmentation du pouvoir de marché permet aux négociants de plus en plus importants de réduire davantage les bénéfices des transformateurs alimentaires, qui répercutent à leur tour cette augmentation des coûts sur les grossistes, puis sur les détaillants.
La gestion de l’offre permet de garder l’argent consacré à l’alimentation au Canada et protège contre les droits de douane ou les fluctuations des taux de change. Elle garantit des revenus équitables aux agriculteurs, favorise l’efficacité de la transformation et assure aux consommateurs un accès fiable à des aliments canadiens de haute qualité à des prix équitables.
Ce ne sont pas les prix à la ferme qui déterminent le coût des produits alimentaires, mais la cupidité des entreprises. Les femiers méritent une part équitable du prix des aliments. Le succès de la gestion de l’offre prouve clairement que cela est possible.